J’ai longtemps hésité à écrire cet article car je craignais qu’on me signale que Frankenstein n’était pas du tout une dystopie. Puis j’ai vu que si, Frankenstein était souvent décrit comme tel. Et surtout, j’y fais référence dès que je parle de robots humanoïdes ou clones. Donc il est temps de se pencher sur Frankenstein et d’étudier la source même du grand questionnement. Quelle est la différence entre les Humains et les créatures humanoïdes qu’ils créent à leur image ? Si les Humains jouent à Dieu, qu’est-ce que sont ces créatures et de quel droits peuvent-elles bien jouir ?
Un scientifique qui n’assume pas
Je ne sais pas s’il faut résumer l’histoire de Frankenstein mais au cas où… Victor Frankenstein est un jeune étudiant qui découvre le “secret de la vie”. Obsédé par cette idée de donner la vie, il crée une créature monstrueuse et parvient à l’animer. Mais dégoûté par l’apparence de sa créature, il fuit. Le monstre le poursuit alors et lui réclame une partenaire pour ne pas vivre seul. Victor accepte d’abord mais ne pouvant se résoudre à refaire la même erreur, il détruit tout et fuit à nouveau. Quelques temps plus tard, il se marie avec Elisabeth mais, craignant que le monstre ne vienne le tuer, il implore son épouse d’aller se cacher. Malheureusement, le monstre la trouve et la tue. Les rôles s’inversent alors puisque c’est Victor qui poursuit sa créature, décidé à la tuer par vengeance.
Une créature malheureuse
Contrairement à ce que l’on pense souvent, la créature ne s’appelle pas Frankenstein. Elle n’a d’ailleurs pas de nom puisqu’elle n’est pas assumée par son créateur. Qui décidera de fuir son erreur avant d’être contraint de prendre ses responsabilités. Ici, la question ne va pas tant être de déterminer si la créature a une âme et un libre-arbitre puisqu’il est posé immédiatement que c’est le cas. Elle a des humeurs, des envies. Elle souffre de la solitude et veut se venger de celui qui a provoqué son malheur : son créateur.
Un récit d’horreur, vraiment ?
De prime abord, Frankenstein est souvent perçu comme un récit d’horreur. Un homme est poursuivi par un monstre sans pitié qui va assassiner son meilleur ami puis sa femme. Sauf que ce n’est pas du tout aussi manichéen, bien au contraire. Si l’aspect physiquement monstrueux est un acquis dans le roman et ne sera jamais remis en question, la personnalité n’est pas aussi noire que ce que l’on pourrait croire. La créature est meurtrière car elle est rongée par la souffrance. Mais elle est intelligente et sensible et ne souhaite finalement que de la compagnie. Lors de l’acte final, elle fera d’ailleurs preuve de compassion vis-à-vis de son créateur.
Un humain de piètre qualité
Victor Frankenstein, l’Humain de ce duo, est, à l’inverse, un individu plutôt piètre. Si son intelligence lui permet de créer la vie, il est absolument incapable d’assumer ses actes et passe son temps à fuir plutôt que de chercher des solutions. On retrouve souvent le thème de l’inconséquence des créateurs dans la plupart de ce type de dystopie. On a souvent le personnage du créateur mégalo qui a voulu jouer à Dieu sans penser que créer des créatures intelligentes et conscientes pouvait créer quelques soucis. Notamment des besoins purement humains. La créature de Frankenstein n’est pas mauvaise par essence, elle le devient car, rejetée de tous. Elle est profondément malheureuse et n’a qu’une seule demande : avoir une partenaire.
Les Humains n’aiment pas les monstres
La méchanceté des Humains vis-à-vis des créatures artificielles sont un incontournable également. Ici, la créature est hideuse et terrifiante mais même quand les robots ont une apparence humaine, voire une certaine beauté, comme Detroit, Better than us ou Real Humans. Les créatures sont souvent mal traitées, sous prétexte qu’elles ne sont pas humaines donc c’est pas grave. Dans les trois oeuvres précitées, la cruauté humaine est dautant plus exarcerbée que les créatures sont empreintes d’une certaine naïveté et ne comprennent pas le comportement déplacé des Humains, donnant lieu parfois à d’étranges scènes.
Une créature aux désirs simples
La créature de Frankenstein est, dans cette collection d’humanoïde, la plus humaine des créatures justement. Alors que certaines créations décident de se débarrasser des Humains imparfaits et faibles comme dans R.U.R ou Terminator, la créature de Frankenstein n’a aucune velléité de détruire quoi que ce soit à la base. Il n’est que le résultat d’une expérience malheureuse et aimerait poursuivre sa vie tranquille. Loin des humains qui ne le tolèrent pas. Si Frankenstein a certainement inspiré une part de ces dystopies à base d’humanoïdes, peu ont repris cette dimension d’une créature qui est juste malheureuse. Elle n’a pas été créée pour des raisons de servilité ou d’utilité. Elle est juste le fruit d’une expérience scientifique menée par un homme qui n’a pas eu le courage d’assumer les conséquences de son expérience.
Une question qui continue de générer des réponses
Si Frankenstein reste aujourd’hui dans l’imagerie populaire comme un monstre au crâne carré, imagerie issue du film de 1931, le questionnement de base est souvent délaissé. Malgré le sous-titre faisant directement référence à Prométhée. Quand les Humains jouent à Dieu, que se passe-t-il ? Et qui, de la créature hideuse ou de son créateur lâche, est le plus monstrueux ? En 1818, Mary Shelley posait la question et quasi deux siècles plus tard, de nombreuses fictions essaient encore d’y répondre.
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