J’aime la fiction et je suis parfois un peu tatillonne sur le sujet. J’aime que les histoires que je lis aient un début, un développement et une fin. Une fin qui peut être ouverte, sans doute mes préférées, mais une fin. Et puis, il y a les exceptions. Comme Revoir Paris, une BD en deux volumes qui veut plus nous montrer un monde que nous raconter une histoire. Et comme c’est beau, ça fonctionne.
Retour sur la Terre
L’histoire. En 2156, Kârinh prend place dans un vaisseau spatial. Direction : la Terre ! Née sur l’Arche, une station orbitale où s’est réfugiée une partie de l’Humanité, elle rêve de la Terre depuis sa plus tendre enfance et notamment de Paris où vivait son père qu’elle n’a jamais rencontré. Car sa mère est tombée enceinte lors d’un voyage diplomatique sur Terre mais est morte peu après son retour, accouchant de Kârinh qui sera élevée par le médecin qui l’a faite naître. Mis à l’écart par les autres enfants, elle est persuadée que sa place est à Paris. Mais une fois sur place, elle va réaliser que le rêve et la réalité ne coïncident pas forcément.
Une certaine vision de Paris
Analyser Revoir Paris est un peu compliqué car c’est avant tout une oeuvre contemplative. On va d’abord avoir droit à un Paris rétrofuturiste imaginé par Kârinh dans des trips hallucinés. Puis une sorte de bulle où les principaux monuments sont reconstitués avant de découvrir le “vrai Paris”, sous dôme, avec pas mal de changements par rapport à notre Paris actuel. Et c’est vraiment le principal atout de cette BD, le dessin est magnifique et c’est précisément ce qui m’a donné envie de le lire.
Des inspirations dystopiques à droite, à gauche
Pour le reste, on va plutôt avoir des embryons, des éléments déjà croisés dans d’autres dystopies. Une crise qui a poussé une partie de l’Humanité à s’installer dans l’espace. Ca peut être Elysium ou the 100, par exemple. Une terre dévastée, où l’eau semble avoir pris presque toute la place : Waterworld, Logan’s run. Un pouvoir politique assez obscur, un mouvement de résistance dans ce qui semble être un pays apaisé : Un bonheur insoutenable. Un personnage accro à une réalité virtuelle : Ready player one ou Kiss me first. Des vieux qu’on envoie en voyage alors que c’est juste pour s’en débarrasser : Logan’s run encore ou Soleil vert. Même si, officiellement, ce vaisseau est envoyé pour recréer un contact avec la Terre.
Chercher sa place
Revoir Paris pose aussi la question de l’identité et de sa place dans le monde. Kârinh se pose la question de son appartenance au monde l’Arche qui n’a eu de cesse de la rejeter depuis son enfance car elle est différente. Mais à Paris, elle n’est pas mieux traitée, étant perçue comme une clandestine. Issue de l’Arche, là où ont filé les Humains lâches qui ont abandonné les autres. Alors que ceux qui sont partis aimeraient recréer du lien, ceux qui sont restés n’en veulent pas.
Une vision trop idyllique
Il y a aussi la question de l’idéalisation, aussi. Un phénomène que je connais bien car il peut m’arriver, quand je pars en vacances, d’être déçue par un lieu car j’en avais une image trop idyllique. Kârinh imagine un Paris issu tout droit de l’imagerie du XIXe siècle avec un peu de steampunk au milieu, les personnes se déplaçant sur une foule de machines volantes. Si elle reste saisie par la beauté de la capitale, l’accueil des Parisiens va la faire redescendre sur Terre. Si j’ose dire.
Des ingrédients peu voire pas exploitées
Revoir Paris, c’est finalement une histoire qui a pour décor une dystopie et non une dystopie à part entière. C’est un récit initiatique sur la recherche de ses origines, ici le père. Sur la découverte de la terre (ici, Terre) de ses ancêtres, ce besoin de comprendre qui on est. Benoît Peeters et François Shuiten ont beau nous donner quelques biscuits scénaristiques et graphiques sur cet univers futuristes, ces pistes ne sont que peu explorées. Plus évoquées pour donner un peu de chair mais seule compte la crise d’identité de Kârinh.
Un bel objet plus qu’une belle histoire
Cette BD est difficile à conseiller en tant que fiction et en tant que dystopie. Parce que l’histoire ne se termine pas vraiment, parce que beaucoup de pistes sont abandonnées. Parce que j’aurais aimé en savoir plus sur cet univers, sur les mystères de Paris. Reste cependant une objet esthétique envoûtant. Je ne me suis pas vraiment passionnée des aventures de Kârinh et ses escapades en culotte m’ont un peu lassée mais j’étais aussi excitée qu’elle de voir ce Paris rétrofuturiste. Une BD à lire pour ce qu’elle est : une fantaisie sur le Paris de dans un siècle.