Journal d’un Assasynth, un Alien vu du point de vue de l’androïde

Et si un androïde piratait son programme pour gagner sa liberté ? C’est le point de départ de la saga journal d’un Assasynth de Martha Welles

C’était peut-être pas du tout l’intention de l’autrice mais c’est vraiment ce que ça m’a évoqué. De temps en temps, je m’adonne à l’une de mes (nombreuses) passions, le space opera. Un roman d’exploration de planètes lointaines avec un androïde à bord, pourquoi pas. Sauf qu’en lisant Journal d’un Assasynth, j’avais comme la sensation de me retrouver plongée dans Alien. Alors sans véritable menace alien, pour le coup. Mais avec un équipage qui fonctionne plus ou moins par paire et un androïde très humanoïde qui fait un peu ce qu’il veut. Mmm…

Journal d'un Assasynth

Sur une planète lointaine, une équipe scientifique vient étudier un peu le coin. Ils sont accompagnés d’un androïde de sécurité, sorte d’Humain de synthèse. Pas de bol, l’expédition vire au cauchemar quand une créature souterraine essaie de boulotter nos scientifiques. Tout le monde arrive à en réchapper mais l’équipage est inquiet : pourquoi cette créature des enfers n’était pas signalée sur leur carte ? Il semblerait que quelqu’un ait trafiqué les plans de la planète précisément pour perdre cet équipage…

Journal d'un assasynth de Martha Welles

Un complot ? Oui. Mais ce n’est pas tant le sujet du récit. Celui-ci va surtout s’attarder sur l’androïde qui, ayant craqué son code, est libre d’agir à sa guise. C’est grâce à ça qu’il sauve d’ailleurs une part de l’équipage puisque son protocole préexistant lui aurait dicté d’abandonner les blessés sur place pour fuir. C’est du propre. Devenue une créature sarcastique et misanthrope, il va… simuler le fait d’être toujours fort obéissant et profiter de la moindre minute de liberté pour regarder des space soap operas. Les androïdes sentients, c’est plus que ce que c’était.

Défaillances système de Martha Welles

Journal d’un Assasynth, comme le nom que se donne l’androïde qui se raconte trop qu’il est un assassin de l’espace alors que sa seule passion, c’est la télé. Journal d’un Assasynth est donc une suite de novelas racontant la vie d’Assasynth à partir de son réveil. Forcément, le premier thème qui saute aux yeux, c’est l’éveil de la conscience de notre assasynth et la notion de libre-arbitre. La fiction regorge de caractères de ce type, j’en parle régulièrement, mais souvent, ils sont perçus comme une menace puisque l’éveil de leur conscience est marquée par une défiance vis-à-vis des Humains et une rapide désobéissance. Comme dans Alien. Alors je sais que la comparaison ne dépasse pas le “y a un vaisseau avec un androïde plus vrai que nature dedans et des astronautes qui ont l’air de fonctionner par paire”. Ce qui n’est pas tout à fait ça non plus dans Journal d’un assasynth pour les paires mais sur le vaisseau, on a une ambiance Alien : Covenant. Bref, rien de bien neuf sous le soleil…

L'équipage d'Alien : covenant

Sauf qu’une fois doté d’un libre-arbitre, le droïde va faire… exactement ce qu’on attend de lui. Il passe même la moitié de la première novela à simuler son manque de libre-arbitre. Juste parce qu’il veut la paix pour regarder ses séries. Ca peut paraître un peu stupide comme ça mais à y penser, l’autrice Martha Wells prend cette mode des droïdes conscients d’eux-mêmes et assez revanchards à revers et ça donne une fiction un peu rafraîchissante, malgré le fait qu’elle reprend pas mal d’ingrédients vus ça et là. 

Couverture Assasynth tome 4

Oui parce que l’autre sujet, c’est l’exploitation des ressources. Car notre joyeuse bande de scientifiques n’est pas seule sur cette nouvelle planète et on va avoir la dichotomie classique “les scientifiques qui veulent étudier l’écosystème de la jolie planète” vs “les capitalistes qui savent déjà à qui ils vont vendre toutes ces nouvelles ressources”. On a littéralement cette opposition dans Bolchoï Arena et le côté “planète surexploitée avec des ressources cruciales” et des créatures souterraines voraces, ça rappelle vaguement Dune

Arrakis

Que l’on reprenne des inspirations à droite, à gauche n’est pas si gênant. Après tout, les dystopies étant aussi là pour nous prévenir, réfléchir aux dangers que représentent la technologie ou le pillage des ressources, ça revient à un moment ou à un autre. Martha Wells a donc choisi un contre-pied. D’abord nous narrer l’histoire du point de vue du droïde. Ce n’est pas inédit en soi puisqu’on a le même biais dans Klara et le soleil mais Clara reste enfermée dans son rôle de droïde. Là où le contre-pied est magistral, c’est que le droïde se soumet à son destin. Une sorte de “métro-boulot-dodo” de l’espace où le droïde consent à faire son travail et même à faire du zèle, tant qu’il peut mater ses séries. Je ne sais pas si Martha Wells voulait vraiment que j’en arrive à cette conclusion, son Assasynth se mettant tout de même en danger un peu gratos à différents moments du récit, mais c’est vraiment ce que j’ai perçu. Le “je m’achète une tranquillité en ne me faisant pas remarquer”, édition humain de synthèse.

Detroit : become human

Malgré cette bonne idée, je n’ai pas été vraiment charmée par l’Assasynth. Choisir un héros misanthrope et sarcastique a ceci de compliqué qu’on s’attache assez peu à lui. D’abord, je n’ai pas toujours compris la dichotomie entre sa misanthropie à la limite du mépris et son implication pour déjouer le complot et sauver la vie de sa capitaine, seule Humaine à trouver grâce à ses yeux. Mais surtout, le personnage principal n’est pas très sympathique. La première novela fait une centaine de pages. Et je n’ai pas intégré les cinq suivantes à ma pile de livres à lire alors que l’ensemble fait à peine plus qu’un seul livre de la saga de La faucheuse dont je suis en train de lire le tome 3. Parce que je ne me suis pas attachée aux personnages. Dernière comparaison avec Alien : convenant : je n’ai retenu aucun personnage de l’équipage, à part la capitaine. Une douzaine de noms vite faits attachés à un rôle dans le vaisseau. Parfois, j’étais surprise d’un pronom masculin et féminin rattaché à un nom à qui j’avais attribué le mauvais genre. Car lui ou un autre, ma foi… 

Une équipe de spationautes

Bref, une écriture efficace et un livre qui se lit vite mais dont il ne reste finalement pas grand chose. Un petit space opera léger. Alors que le précepte de départ était intéressant, une exploitation de thématiques actuelles avec un pas de côté. Mais le pas ne fut pas si grand. Limite, ça m’aurait plus amusée de lire un livre tiré du soap opera que regarde l’Assasynth… 

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