A propos de dystopie réac… Je vous ai parlé de Bug qui m’agaçait un peu dans le style et j’ai enchaîné malgré moi sur un autre cas du genre. Pourtant, Panorama s’annonçait bien. Une enquête policière dans une fausse utopie, c’est pas inintéressant comme parti pris. Dommage que l’héroïne qu’on va suivre soit cynique et parfois assez méchante, y compris envers sa propre fille.
La France, nation de la transparence
L’histoire. En 2049, la France est la nation de la transparence. Suite à une révolution sociale où, durant une semaine dite de la “revenge week”, des victimes sont allées se faire justice eux-mêmes, la France bascule dans une démocratie et une justice directes. En parallèle, des quartiers aux murs de verre vont se créer un peu partout : si plus personne ne peut se cacher, il n’y aura plus de crimes. Sauf qu’un jour, une famille entière disparaît et malgré les murs en verre, personne n’a rien vu. Hélène, inspectrice de police pas mal rouillée, lance l’enquête.
Murs en verre et totale démocratie
Autant dire qu’au début du récit, je suis à la fois intriguée et pas mal motivée. Déjà, je trouve intéressant cette notion de démocratie directe qui apparaît assez peu dans les fausses utopies. Il en est question dans Nous mais la “démocratie” est juste une validation des dirigeants en place. Dans les autres fausses utopies, il n’y a pas de démocratie. Y a une société parfaitement organisée où chacun a sa place et tout est décidé par un ordinateur ou une IA quelconque. L’idée des immeubles en verre n’est pas si révolutionnaire non plus puisqu’on la croise déjà dans Nous.
Le reflet de la perfection
Cependant, la disparition d’une famille va permettre d’interroger cette transparence. Personne n’a rien vu. Est-ce parce que quelqu’un ment ou parce que personne ne regarde ? La disparition a lieu dans un quartier très huppé où chaque personne semble travailler son apparence pour paraître le plus parfait possible. Certains sont mêmes payés par des marques pour utiliser leurs produits dans leurs maisons transparentes. Dans cette fausse utopie, la société est particulièrement fracturée entre les plus aisés qui peuvent vivre dans les quartiers et les autres. Sans parler de ceux qui refusent la transparence. C’est leur droit mais dans ces quartiers, les services de l’Etat, comme la police ou les pompiers, n’y interviennent pas.
Un culte de l’apparence
Cette idée de non-intervention de la police ou des pompiers, la notion de revenge week… L’univers esquissé par Lilia Hassaine n’est pas sans rappeler celui de American Nightmare. D’ailleurs, la rage qui s’est exprimée lors de la revenge week semble avoir remis les compteurs à zéro. Depuis, la société semble apaisée, la police ne sert plus qu’à faire des patrouilles de contrôle, assurer une présence auprès des citoyens. Une présence visible. Car cette société est devenue obsédée par les apparences. Hélène et son mari jouent le couple parfait alors qu’ils sont au bord de la séparation. Dans le quartier cossu où a eu lieu la disparition, tous les individus semblent parfaitement éduqués, des citoyens modèles. Sauf que…
Une autrice qui juge tout le monde
Le souci, c’est qu’on va très vite basculer dans les réflexions creuses à base de “les murs sont transparents mais dans le coeur des humains se cachent des secrets”. Ou des constatations sur la « superficialité des gens obsédés par leur apparence ». Voyez le topo. Car il n’y a pas d’éveil de conscience, ici. L’héroïne, Hélène, est direct dans le cynisme. Elle va passer le roman à juger la société dans laquelle elle vit et ses concitoyens. Elle ne se croit pas forcément supérieure, elle se déteste environ autant qu’elle déteste les autres. Mais l’autrice va perdre toute subtilité à partir du moment où elle va exprimer un avis sur ses congénères. Les familles bien sous tout rapport, la justice spectacle, le féminisme de sa fille qui : disqualifie un professeur masculin pour un voyage scolaire car il est trop risqué qu’elle l’accompagne, veut se marier en blanc et veut à tout prix perdre du poids alors “qu’elle sera toujours grosse quoi qu’elle fasse”. C’est limite si, à un moment, on n’a pas droit à une phrase de type “tous ces bienpensants, ils sont pas mieux que les autres”.
Comment protéger les plus faibles ?
Et c’est dommage car la volonté de montrer l’échec de cette société de la transparence aurait pu donner quelque chose d’intéressant. Une révolution parce que la justice échoue à condamner les coupables, poussant les victimes à faire justice elles-mêmes. Alors que les différentes vagues de Me too donnent un goût amer de justice à deux vitesses où les coupables sont protégés par le doute pas toujours légitime et la prescription. Avec Panorama, Liliane Hassaine explore une solution. Celle de supprimer l’intimité du foyer, les portes derrière lesquelles se nouent les drames. Une solution qui, in fine, ne marche pas.
Oui, on sait, c’était mieux avant
Ce qui est intéressant dans une dystopie, c’est de présenter un système et d’en imaginer les failles. Ce que fait Panorama dans l’absolu. Le travail est fait, même si ce n’est pas impeccable. Cependant, il aurait été plus agréable que l’autrice arrête de confondre son manuscrit avec un vieux statut Facebook sur l’éternelle ritournelle du “C’était mieux avant”. Je n’ai certes pas été aidée par la voix de la lectrice puisque j’ai découvert Panorama en livre audio. Voix rocailleuse de fumeuse, accent parisien prononcé… Ca amplifiait cet aspect méprisant et je me suis vraiment mise à détester Hélène.
Juste un énième roman policier dans les quartiers bourgeois
Et vraiment, je le regrette car j’aurais aimé en savoir plus sur cet univers. Car la morale de l’histoire, ce n’est pas tant que la transparence ne peut protéger. La réflexion sur ce que l’on est prêt à sacrifier pour avoir la sécurité, une réflexion importante dans la société dans laquelle on vit actuellement, est réduite à quelques phrases, de ci, de là. Entre deux remarques fielleuses sur l’hypocrisie des nouvelles générations. En vérité, la morale de l’histoire, c’est que les gens propres sur eux, bien sous tout rapport, ne sont pas si clean que ça. Bref, Panorama n’est pas tant une fausse utopie qu’un roman policier lambda. Avec un membre de la police bien réac en protagoniste principal, comme trop souvent.
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