Il y a quelques semaines, j’évoquais une utopie dont j’avais débuté la lecture quelque temps plus tôt. Il est temps que je vous parle de la Révolution bleue, une utopie basée sur un sursaut de l’Humanité pour sauver sa planète… Mais aussi pas mal de mystique.

La mort d’un astronaute, la naissance d’une Révolution
L’histoire. Paul Gardner est le dernier survivant d’une expédition lunaire en perdition. En pleine agonie, il découvre que l’Humanité est mobilisée pour le sauver, quitte à faire du morse avec la planète. Avant de mourir, Paul partage sa vision idéaliste de la Terre et appelle l’Humanité à se retrousser les manches pour sauver la planète bleue. C’est le début d’une nouvelle ère pour l’Humanité : celle de la Révolution Bleue.

La vision d’une grotte magique
Alors j’ai extrêmement résumé ici et je n’ai pas parlé de la dimension mystique que voici. Je la livre rapidement car elle ne m’intéresse pas particulièrement pour cette chronique. L’appel de Paul pour une révolution bleue est né d’une vision qu’il a eue d’une grotte bleue. Cette grotte cache le secret de l’Humanité et elle apparaît entre les lignes du Petit Prince. Elle aurait aussi inspirée Yves Klein. Le meilleur ami de Paul, Abel, sa femme Lucy et leur fille adoptive Janie, fille d’un des astronautes morts, vont se lancer à la recherche de cette grotte bleue, guidée par les voix qu’entend Abel dans son sommeil.

Un peu d’IA qui parle et un dôme
Revenons à la partie utopique du récit car nous allons retrouver quelques ingrédients typiques des récits futuristes. Nous commençons le roman avec Selene, une intelligence artificielle qui parle à Paul durant son agonie sur la Lune. Ensuite, Abel et Lucy ont pour ambition de créer une sorte de cité autonome sous un dôme. Quelques détails pour le décorum histoire de nous rappeler que nous sommes légèrement dans le futur.

De grandes menaces
Une utopie ou une dystopie a besoin d’un grand méchant pour créer une menace. Et une raison de se battre. Ici, nous en avons même deux. D’abord la Chine, via son Président. Le but de la Chine dans ce roman est de devenir leader du monde et donc de défaire la Révolution Bleue qui ne va pas dans leurs visées productivistes. Nous avons également un milliardaire aux ambitions floues qui n’a pas l’air de vouloir de la Révolution bleue. Si on prend La Révolution bleue comme une fable écologiste, ce qu’elle est, ces deux archétypes prennent alors une autre saveur. Plus que des personnages, la Chine et Spencer, le milliardaire, représentent les menaces réelles qui pèsent sur notre planète : la surproduction et les intérêts particuliers.

Le monde entier pleure devant sa télé
Autre ingrédient des dystopies ou utopies de type systémiques : les médias. L’agonie et le message posthume de Paul sont diffusés dans le monde entier. Par la suite, une cérémonie a lieu dans le biodôme d’Abel et Lucy et Janie va chanter en direct, émouvant le monde entier, notamment le Président américain qui va décider de soutenir la Révolution bleue. La guerre médiatique entre la Chine et les pays acquis à la Révolution bleue est d’ailleurs un sujet dans le roman, chacun cherchant à convaincre l’Humanité qu’il est la voie de la raison.

Un activiste charismatique
On trouve également trace de tout ce qui est résistance via la figure d’Abel, ex-activiste écologiste surnommé le “Jaguar Noir”. Surnom que semble parfaitement affectionner Abel puisque quand on le suit, on a droit à ce sobriquet toutes les trois lignes. Au lancement de la Révolution bleue, il se pose la question de son engagement ou plutôt de la forme de sa lutte. S’il ne souhaite pas faire partie de la lutte et de l’activisme souterrain, les voies plus officielles ne l’intéressent pas non plus.

Une petite princesse Elue
On a enfin la figure de l’Elu, ce personnage qui semble avoir des dons hors du commun. Alors que les débuts du roman nous laissent à penser qu’il s’agit de Paul, ce sera finalement la petite Janie. Agée de 9 ans, elle est surnommée “La petite princesse”, comme le manuscrit perdu de Saint-Exupéry qui aurait dû succéder au “Petit prince”. Particulièrement douée, elle est capable de mener une analyse poussée du Petit prince pour trouver la grotte bleue. Elle possède aussi quelques dons oniriques. Et elle n’écoute pas la musique de son âge parce qu’une utopie ou dystopie sans son soupçon de créationnisme n’est pas une utopie ou dystopie.

Un roman qui m’a agacée
Pour être honnête, je n’ai pas fini La révolution bleue et je n’ai pas l’intention de le faire. Déjà parce que le style ne me plaisait pas, que je n’ai aucun fétichisme pour Le petit prince. Que dès le début du récit, le coup de la planète entière mobilisée pour sauver un astronaute et être à ce point ému de sa mort pour amorcer une révolution, je n’y crois pas. En ce moment, je vois des dizaines de photos d’enfants morts dans différents conflits à travers le monde et il ne se passe rien. Vous vous souvenez du petit Aylan, trouvé mort sur une plage il y a 10 ans ? On croyait que ça allait changer le regard que l’on pouvait porter sur les migrants fuyant un pays en guerre. Il ne s’est rien passé. J’ai pas aimé non plus Abel, le héros principal qui semble adorer être “le jaguar noir” et ne se montre pas toujours très sympa avec sa femme. Genre il la plante sur un bateau pour plonger alors qu’elle est enceinte de 7 mois mais trouve qu’elle est un peu ronchonne quand même.

Un peu trop de magie
Mais surtout, j’ai abandonné lors de la découverte de la grotte bleue qui contient… l’esprit de Gaïa. Alors je peux citer quelques exemples de la Terre vivante dans les dystopies. On pense à Final Fantasy VII avec la mako. La surexploitation des ressources naturelles de la planète qui conduit à son dépérissement aussi, on le croise souvent. Alors pourquoi je pourrais accepter la version Gaïa de Final Fantasy et pas trop celle de la Révolution bleue ? Pour la promesse. La Révolution bleue se veut comme un fable utopiste mais finalement, elle base le salut de l’Humanité sur une forme de solution magique. Ce qui est ironique quand le récit place la Chine, qui promet une solution technologique pour lutter contre le réchauffement climatique, en antagoniste. Mais la magie ou une divinité quelconque, est-ce plus sérieux ? Finalement, la Révolution bleue, c’est un peu l’anti Snowpiercer. Une solution miracle qui n’a pas dégénéré.

Une oeuvre trop naïve ?
Bref, n’ayant pas réussi à dépasser le premier tiers du roman, j’aurai du mal à le recommander. Cependant, les avis sur le web sont plutôt positifs et il est possible que je sois juste passée à côté de l’oeuvre. Parce que je n’ai aucun fétichisme pour Le petit prince. Parce que je suis trop cynique pour croire en une vague positive unissant toute l’Humanité. Je veux dire à l’heure où le fascisme grimpe partout, donnant raison à de nombreuses dystopies, comment accepter une voix dissonante qui paraît terriblement naïve ?