Parmi les grands classiques du genre dystopique, il m’en manquait un et je m’étais jurée de rattraper cette lacune. J’ai donc lu Un bonheur insoutenable de Ira Levin. Un excellent exemple de fausse utopie (ou contre-utopie mais j’aime mieux fausse), mon genre préférée, je crois.
Une enfance dans le doute
C’est quoi l’histoire ? Dans le futur, les humains vivent dans une société globale où tout est géré par un énorme ordinateur. Il autorise les individus à aller et venir, où toute interaction sociale est extrêmement codifiée, jusque dans les rapports sexuels. Oui, c’est le samedi soir. On suit la vie de Li, surnommé Copeau, un petit garçon effrayé par une histoire de gens “malades” qui refusent l’idéal de la société dans laquelle ils vivent. Ils retournent à la barbarie, ils peuvent se battre et être agressifs. On découvre cet univers à travers ses yeux, de sa petite enfance à l’âge adulte, en passant par sa première transgression. On découvre ses interrogations sur ce système qui ne lui convient pas tout à fait.
Le goût de la liberté
Un jour, il est contacté par une mystérieuse femme, Flocon. Elle va lui faire découvrir un espace de liberté insoupçonné en transgressant peu à peu les règles. Dans ce groupe de rebelles, il va rencontrer Lilas, une femme dont il va tomber amoureux, au-delà du raisonnable.
C’est quoi le bonheur ?
Je m’arrête sur la narration car j’en ai déjà suffisamment dévoilé. Au-delà de l’histoire que je vous recommande très chaleureusement car le récit offre moult rebondissements. Cependant, trigger warning : il y a une scène de viol et ça m’a un peu fait sortir du récit. Pas que la scène soit gore mais c’est l’attitude de la victime ensuite qui m’a pas mal dérangée. Au delà de l’histoire, le livre pose une question. C’est quoi le bonheur ? En tant que citoyenne ultra vénère, ce roman me questionne.
Un modèle parfait… ?
La société telle que présentée est parfaite. L’agressivité, les meurtres, vols, guerres… n’existent plus. C’est l’ordinateur Uni qui dirige littéralement le monde et préside à la destinée de tous les citoyens. Il choisit pour eux leur métier, leur localisation, les installe dans des maisons collectives où les individus peuvent se mélanger à leur guise. Toujours le samedi soir. Si le mariage existe, il n’est pas obligatoire, d’autant que l’ordinateur donne l’autorisation ou non de procréer. Les individus mènent une vie paisible… furieusement fliquée. Ils doivent passer leur bracelet sous détecteur tous les trois mètres, prennent un traitement. L’ordinateur leur refuse un objet ou un voyage si ce n’est pas légitime. Par exemple, un des amis de Copeau n’a plus le droit à des cahiers de dessin car il en a trop utilisé sur le mois et doit attendre le mois suivant. Bref, chacun mène sa petite vie, entre travail, séance télé (sorte de grande messe du soir). Copeau interroge ce modèle à plusieurs reprises… et nous aussi.
Un totalitarisme doux
Alors côté analyse de l’oeuvre, on est un peu dans du foutraque. Ce globalisme Uni est un goubli-boulga idéologique. On y retrouve marxisme (Marx est un des quatre piliers de cette civilisation), christianisme (deuxième pilier, pas mal d’individus s’appellent Jesus) mais aussi capitalisme. L’oeuvre se veut clairement un pamphlet antitotalitariste et tape à tout va sur tout ce qui représente un totalitarisme pour l’auteur. Pourquoi pas. Cependant, une énorme originalité de ce roman : le totalitarisme proposé n’est pas violent, en aucun cas. Il n’y a pas de force de répression, les citoyens se surveillent naturellement entre eux. La moindre transgression est dénoncée parce que signe probable d’une maladie. Copeau dénonce d’ailleurs un de ses camarades et pense vraiment agir pour son bien.
Et des questions sans réponses
Enfin, dernier point : on n’a pas d’explications plus que ça. Nous savons que nous sommes dans une société post création de l’Uniord mais qui l’a créé, comment on en est arrivé à cette société hyper contrôlante, qui sont Wood et Wei (les deux autres piliers, outre Marx et Christ, donc) ? On ne sait pas et… c’est pas si grave. Car plus que jamais, je l’affirme : il n’est pas toujours utile de tout expliquer.
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