La trêve, la fausse utopie beaucoup trop longue

La trève raconte la fin de tous les délits et crimes aux Etats-Unis. Entre joie et incompréhension, les Américains retiennent leur souffle.

Je ne fais pas que regarder des films ou des séries dystopiques, je lis parfois aussi. Ah, j’ai un petit côté pigeonne, je l’avoue. Collez « dystopie » sur un livre ou une BD et je vais foncer dessus. Avec plus ou moins de réussite, je dois le confesser. Par exemple, La trêve sonnait plutôt pas mal : une société débarrassée de la mort et de la violence, que va-t-il se passer ? Un roman de 300 pages qui aurait pu être une nouvelle d’une trentaine pour mal répondre à cette question… C’est parti pour la Trêve.

La trève de Saïdeh Pakravan

Une journée historique

L’histoire : nous allons suivre tout un tas d’Américains à travers une journée historique. Depuis minuit, il n’y a eu aucun mort ni crime commis sur le sol américain. D’abord traité comme une anomalie statistique, le phénomène prend de l’ampleur. Les journaux parlent en boucle du sujet, les gens sortent dans la rue célébrer ce qui se nomme déjà La trêve. Et personne ne comprend ce qu’il se passe.

24h dans une Amérique apaisée

Le roman va donc se découper en timing horaire. Nous allons démarrer le roman quelques heures avant minuit puis suivre toute la journée pour comprendre que pendant 24 heures, il ne va rien se passer. Le roman est donc extrêmement répétitif. Nous allons avoir deux ou trois personnages récurrents noyés dans la masse des randoms qui avaient prévu de mal agir mais finalement, non. On a Simon, le flic taciturne et Stacy, une journaliste. Pour une raison peu claire, les deux décident de passer la journée ensemble. Enfin, si, ils se tournent autour mais j’ai pas compris pourquoi elle l’amenait chez sa grand-mère iranienne. On a aussi Kim et Jennifer, couple adultérin mais Jennifer profite de la Trêve pour larguer son mec violent. 

Rompre avec un petit ami violent

Un schéma très répétitif

Et puis on a tous les autres. Chaque chapitre se déroule exactement de la même façon : une personne veut mal agir. Dégrader, voler ou tuer. Plus on avance dans le roman plus le criminel en herbe sait qu’il y a ce phénomène de trêve. Et à chaque fois, la même salade « ah mais moi, je vais quand même agir, je m’en fiche. Je vais mettre fin à la trêve ». Et évidemment, non. Essentiellement parce que le hasard les fait dévier de leur trajectoire ou parfois, ils se dégonflent. Une fois, ok. Deux fois, trois fois, très bien. Au bout de la quinzième fois, j’avoue que j’en ai résolument plus rien à foutre de toutes ces histoires de personnages. Je ne sais pas qui ils sont, pourquoi on me met de l’enjeu sur eux alors que je sais très bien qu’avant minuit, il ne se passera rien. 

Enorme horloge

Les médias amplifient un fait

Il y a pourtant un terrain très intéressant dans ce roman. Je vais passer sur le sujet de la violence domestique qui est traitée à travers les personnages de Jennifer et de Laurie. Qui a, elle aussi, droit à deux occurrences sans que je sache trop pourquoi. Concernant le côté utopique, c’est l’ingrédient médiatique qui va ici m’intéresser ou comment les médias peuvent très vite créer une panique ou une euphorie. Ici, la notion de trêve arrive très vite. Dès le déjeuner, c’est la fête, tout le monde est euphorique. A peine douze heures et le phénomène est nommé et largement commenté. Les médias n’ont aucune retenue et créent un événement sans savoir s’il s’agit d’un hasard ou d’un pur phénomène. Toute ressemblance, bla bla bla. Le personnage de Stacy nous sert de torche sur le sujet. Elle appelle Simon parce qu’ils s’étaient croisé sur une ancienne affaire pour l’interviewer mais il lui répond clairement qu’il ne sait pas ce qu’il se passe. 

Journalistes en action

Une société utopique

Cet épisode pacifique laisse entrevoir une autre société. Il nous raconte une utopie. Une utopie où les Humains sont débarrassés de la peur de l’autre. Enfin, pas tout à fait. Les protagonistes que l’on suit restent sur le qui-vive. Jennifer est persuadée que son ex va la tabasser. Une mamie qui fait les courses avec ses petites filles se méfie de djeunz qui traînent dans un parking désert, etc. Mais il y a une sorte de soulagement quand l’inévitable ne se produit finalement pas. Pas de violence, pas de dégâts. Petit à petit, la vague monte, ils sont de plus en plus nombreux à y croire, à célébrer. Et Simon, le flic, se retrouve bien désoeuvré. On entrevoit une société sereine et aimante. Car à partir du moment où l’on se débarrasse de la peur de l’autre, on vit une plus grande liberté. La liberté que Laurie et Jennifer reprennent, celle d’un couple de russes qui décident de quitter leur domicile au nez et à la barbe de la mafia locale qui les brimait.

Le bonheur universel

Ca va durer longtemps ?

L’autrice, Saïdeh Pakravan, me semble passer à côté de son sujet. L’esquisse d’une société sans violence passe derrière une volonté de croquer un peu férocement un pays qui vit dans la peur et la violence. Le suspense réside essentiellement sur la question de la durée de la trêve mais chaque chapitre débutant par un horodatage, comment j’avais deviné au milieu du roman que la violence reprendrait à minuit et je savais très bien avec qui. Y a cinq personnages récurrents, hein… 

Lecture ennuyeuse

J’aurais aimé vivre la trève en société

Une dystopie, ou utopie ici, débute souvent par une question « et si ? ». Un exercice d’imagination certes fort plaisant. Cependant, me raconter trente fois peu ou prou la même histoire à travers des personnages dont je ne sais rien ou si peu et qui ne m’intéressent pas vraiment… Quant aux quelques personnages récurrents, je les ai trouvé globalement assez antipathiques et creux. Et je suis frustrée car j’aurais aimé une autre histoire. Pas suivre des histoires individuelles à base de “rohlala, ces personnes sont armées de mauvaises intentions, vont-ils commettre le pire ? Hé non !”. Y avait quelques petits détails de la vie bien croqués, je dis pas. Mais ces histoires individuelles n’apportaient rien. J’aurais préféré qu’on place le roman sur les rédactions de journaux, par exemple. Comment traiter le phénomène, que dire ? C’est à peine esquissé avec le personnage de Stacy mais qui oublie vite son métier pour amener Simon chez sa mamie. On aurait pu aussi insister sur l’interrogation des forces de police. Là aussi, c’est un peu esquissé avec Simon puis tournée des restos et de la mamie avec Stacy. 

Un couple en goguette

J’ai pas compris le projet

Bref, je n’ai in fine pas bien compris le projet de ce roman.  Pakravan voulait peut-être juste sortir un recueil de nouvelles et les a liées les unes aux autres avec cette histoire de trêve. Pourquoi pas même si ça manque parfois de finesse. Le gros homophobe violent qui révèle avoir des attirances pour les hommes, s’il vous plaît… Mais du coup, le roman ne remplit pas sa promesse. On nous pose une situation mystérieuse, tout le monde, pendant tout le roman, se demande ce qu’il se passe. Pourquoi ? Combien de temps ça va durer ? Et à la fin, il n’y aura rien. Bref, je crois que je vais le réécrire. Dans ma tête pour l’essentiel, comme tous mes projets de réécriture. Parce que l’idée de base était bonne mais pour le reste… 

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