Les somnambules : pandémie, IA et fin de la civilisation

Un jour, des Américains se lèvent et se mettent à marcher. Chronique d’une fin de civilisation dans les Somnambules, terriblement réaliste.

Défi : résumer un livre de 1200 pages en un titre. Parce que oui, Les somnambules, c’est un pavé. Je l’ai écouté en livre audio, ça m’a pris 32h. Colossal. Colossal mais ça vaut vraiment le détour, de mon point de vue. Parce que Les somnambules ne se contente pas de nous raconter un “et si”. Non, ce roman de Chuck Wendig est effrayant parce qu’il est réaliste. Partant d’un synopsis proche du Fléau, il nous raconte la fin de l’Humanité avec des comportements si réalistes qu’on pourrait croire à une enquête journalistique de ce qu’il pourrait se passer dans un très proche futur. Alors, que se passe-t-il quand le monde s’effondre ? Le pire.

Les somnambules de Chuck Wendig

Une somnambule déterminée

L’histoire : un matin comme un autre, Shana, une lycéenne de Pennsylvanie, s’étonne que sa soeur Nessie ne l’ait pas encore rejointe pour exécuter les tâches habituelles dans leur petite ferme familiale. Elle finit par trouver sa soeur Nessie en train de marcher droit devant elle, sourde à ses appels. Une crise de somnambulisme ? Oui mais du genre mastoc puisque Shana n’arrive pas à réveiller sa soeur et quand elle essaie d’empêcher celle-ci d’avancer, Nessie se met littéralement à surchauffer. Alors que Shana essaie de comprendre ce qu’il se passe, un deuxième somnambule apparaît pour marcher avec Nessie.

Une femme marche dans la campagne américaine

Un troupeau inarrêtable

Petit à petit, un petit troupeau de somnambule se constitue. Très vite, la police s’en mêle et un policier du pur style cowboy enferme un des somnambules dans sa voiture. Celui-ci surchauffe… et explose. Le troupeau de somnambules va donc traverser le pays, entouré par leur famille et des membres du CDC, venu étudier cette anomalie. On a ici le classique road trip avec la traversée de différents Etats, un élément qu’on retrouve assez régulièrement dans la littérature américaine. Evidemment, la presse va s’en mêler et ces marcheurs vont susciter une vive inquiétude chez une certaine partie de la population, voire une franche hostilité.

Un troupeau de somnambules

Le CDC entre en scène

Le CDC, je disais. L’institution chouchoute des récits apocalyptiques à base de maladie. Souvenez-vous la saison 01 de The walking dead. Le CDC intervient très tôt dans cette affaire, alors que le troupeau est très petit, grâce à l’intervention de Black Swan. Qui c’est donc ? Black Swan est une intelligence artificielle mise en place par Sadie, qui analyse les nombreuses données disponibles pour repérer des schémas particuliers et signaler l’émergence d’une possible épidémie et essayer de la freiner au plus tôt. Black Swan va demander à Sadie d’aller chercher le Dr Benjamin Rae, ex scientifique du CDC congédié après avoir falsifié un rapport. Rapport falsifié car Rae s’inquiétait de l’état de certains abattoirs et craignait que la tros grande proximité entre humain et porc ne crée une nouvelle maladie par zoonose. 

Oh oups, une maladie héritée de chauves-souris

Et à propos de zoonose… Pendant que le CDC se casse la tête à comprendre ce qu’il se passe avec les Marcheurs, Black Swan envoie une collègue de Rae en Floride pour analyser un étrange cadavre humain rongé par des champignons. C’est la première victime d’une grave pandémie qui va ravager l’Humanité : le masque blanc, une maladie qui ne touche normalement que les chauve-souris mais que quelques humains ont contracté suite à un incident où ils ont été mordus par les mammifères ailés. Et pour le coup, le masque blanc ne peut être arrêté : à gestation lente, il est déjà trop tard quand les premiers symptômes se manifestent. 

Une petite lichette de suprémacisme blanc

Et tout ceci se passe dans une Amérique déchirée entre relatif progressisme et suprémacistes blancs qui n’attendent qu’une étincelle pour foutre le feu. Littéralement. L’actuelle Présidente est fortement chahutée par une frange de la population qui utilise le moindre élément pour la traiter de tous les noms. Et un opposant Républicain qui ne fait pas dans la dentelle. Toute ressemblance, bla bla bla. Et c’est précisément ce qui m’a troublée à l’écoute de ce roman. C’est réaliste au-delà du réel. C’est quasiment ce qu’il s’est passé avec le Covid. Une pandémie se déclare et une partie de la population n’y croit pas. On part en théorie du complot et fanatisme religieux. Et les groupes extrémistes sont là à remuer les braises en espérant tirer bénéfice de tout ce pataquès.

Un roman effroyablement visionnaire

Sauf que le roman a été publié en 2019. A l’époque où le Covid n’existait pas encore. En 2019, un auteur a imaginé une pandémie née d’une zoonose avec des chauves-souris et a imaginé le monde qui en découlerait. Alors certes, le masque blanc est mortel quasi dans 100% des cas et dans le roman de Wendig, c’est pas Donald Trump qui a été élu mais Hillary Clinton. Cependant, replacez la même histoire avec Biden président et Trump qui continue à faire n’importe quoi soutenus par des groupuscules aux motivations franchement racistes et on y est à 100%. Sauf qu’au lieu de traiter le vieux président démocrate de gâteux, on traite la Présidente de pute. Ca aussi, c’est hyper crédible.

Une foule de détails crédibles

Les détails sont particulièrement soignés. Par exemple, pour en revenir à l’IA Black Swan, celle-ci communique par signaux lumineux et projection de documents. Quand Benjamin Rae s’en étonne, Sadie lui répond que ça prendrait trop de mémoire de le faire parler avec une voix synthétique. Pardon mais ce point-là, c’est le moment où je me suis mise à prendre ce roman très au sérieux. On rigole régulièrement des technologies du futur souvent peu utiles voire franchement problématiques. Comme les écrans transparents où les IA qui te disent à haute voix que quelqu’un t’a vu tuer le Président russe alors que tu sirotes ton petit café à la gare Montparnasse de St Petersbourg. Ce roman est intelligent et soigné au point qu’il ne tombe pas dans cette erreur là.

Un super ordinateur

Une maladie très réaliste

Il est aussi fortement documenté sur la partie maladie puisque Wendig imagine une pandémie tueuse et implacable mais de façon très scientifique. Elle va mener à la destruction de l’Humanité parce qu’elle se développe lentement et que les gens sont infestés et contagieux bien en amont de l’apparition des symptômes. La maladie est inarrêtable car on agit forcément trop tard. Et tu rajoutes à ça une partie de la population qui s’en fout des précautions demandées parce que c’est un complot pour X ou Y raisons… 

Pandémie mortelle

Faire feu de tout bois

Quel est le rôle d’une dystopie ? Qu’attend-on d’une dystopie, je devrais dire. Qu’elle nous imagine des périls réalistes ou qu’elle nous projette dans la pire des sociétés imaginables ? Les somnambules, c’est un Don’t Look Up, plus long et insidieux. Et en nettement moins caricatural. Parce que les suprémacistes blancs du roman, c’est pas juste des teubés. L’opposant Républicain n’est pas le pendant d’une Meryl Streep vénale et peu futée, non. Dans le roman, les leaders de ces mouvements ont des agendas et font feu de tout bois. D’abord avec les Somnambules, rivière parfaite pour alimenter la complosphère et nourrir un ressentiment envers la Présidente “qui ne fait rien”. Puis avec la maladie qui délite peu à peu la société et permet à ses mêmes gens de tenter de prendre le pouvoir. Par les institutions ou par la force. 

Tant de réalisme…

Bref, la fiction n’a normalement pas la fonction de nous faire (ré)agir, cf cette très bonne analyse de Bolchegeek sur Don’t look up. Cependant, les somnambules est si criant de réalisme que j’étais à deux doigts de crier “mais c’est trop ça”! en coupant mes courgettes. Oui, les livres audios sont les compagnons sûrs de mes moments cuisine. C’est un livre intelligent qui met le doigt sur des comportements contemporains sur lesquels on ferait mieux d’être particulièrement attentifs. Le seul bémol, c’est la toute fin que, pour le coup, je n’ai pas trouvée très inspirée, assez cliché. Mais pour le reste, ça vaut votre temps. Ne serait-ce que pour les myriades de détails et informations scientifiques semées ça et là. Se divertir et apprendre des trucs, 100% ma came. 

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