Je ne sais pas pourquoi j’insiste à regarder les dystopies Netflix parce qu’à chaque fois, je suis déçue. Voire énervée. Pourtant Bionicos ne s’annonçait pas trop mal. Une fiction brésilienne comme 3% ou, dans un genre radicalement différent, Reality Z. Deux séries que j’avais plutôt appréciées, de par leur inventivité, déjà. Là, une dystopie sportive, ça m’intriguait pas mal. Ce n’est pas un genre particulièrement exploré. Mais j’ai juste perdu 2h de ma vie.
Rêver d’une prothèse pour devenir championne olympique
L’histoire : Maria est en colère. Promise à un brillant avenir d’athlète, comme sa mère, elle a vu ses espoirs s’effondrer avec l’arrivée sur le marché de super prothèses pour les athlètes handicapés. Ainsi, c’est sa soeur Gabi, amputée d’une jambe, qui devient une super star de l’athlétisme. Maria crève de jalousie. Mais voilà qu’elle rencontre des bad guys et, par un coup du sort, Maria a un grave accident de moto et la voilà avec une jambe amputée elle aussi. Ok, c’est parti pour s’entraîner et aller aux JO battre sa soeur.
Rêve de gloire et dilemme moral
Sauf que Maria est désormais maquée avec les bad guys et elle va devoir faire des braquages avec pour seule arme, sa prothèse surpuissante. Maria va donc barboter entre jalousie envers sa soeur, rêve de gloire et dilemme moral. Comment devenir championne olympique tout en se débarrassant des vilains garçons ? Dure journée pour Maria.
Que veux-tu me raconter, film ?
Dès le résumé, une chose saute aux yeux : c’est quoi la véritable histoire ? C’est brouillon. Déjà, on se retrouve avec une héroïne peu sympathique aux motivations troubles. Parce que Maria n’est pas sympa avec sa soeur, loin de là. C’est un peu difficile d’avoir de l’empathie pour une meuf jalouse de sa soeur amputée et qui est ivre de joie de perdre une jambe dans un accident. Je ne vais pas trop m’attarder sur les méchants qui sont juste… méchants. Des truands à la petite semaine qui veulent juste faire des cambriolages en utilisant des amputés qui font figure ici de super héros.
Dans le futur mais pas trop
Bionicos souffre d’un défaut assez caractéristique des dystopies peu pensées. A savoir qu’on est censés être dans le futur mais à part les prothèses et les écrans transparents, rien n’a changé. D’ailleurs, j’ai découvert sur Sens critique une liste de films “avec des écrans transparents”, je trouve ça drôle donc je partage. On a aussi quelques hologrammes publicitaires de Gabi en ville mais les méchants font des casses avec des camionnettes d’aujourd’hui. A dire vrai, Bionicos se présente comme une dystopie mais j’ai du mal à voir quelque chose de vraiment dystopique puisqu’à part pour les jeux olympiques, et plus précisément l’épreuve de saut en longueur, je ne vois rien de changé. Le système sociétal semble être le même. Y a juste des gens qui sautent très loin parce qu’ils ont perdu une jambe remplacée par une super prothèse.
Un système moral discutable
Sur plusieurs aspects, Bionicos m’a fait penser à Chappie. Et pas juste parce que le bad guy a un mulet et fait des casses avec une vielle camionnette. Enfin, si, ça a énormément joué. Maria fait figure de Chappie avec un personnage surpuissant utilisé à de mauvaises fins. Sauf que toute l’intelligence de Chappie, selon moi, est la construction morale du personnage. Quand les bad guys de Chappie le récupèrent, il est vierge de toute valeur morale, il vient d’être rebooté. Le dilemme moral est celui des personnages qui l’entourent et le façonnent au fur et à mesure. Il commet des crimes sans en avoir conscience car on lui explique que les personnages qu’il tue “dorment”. Pour Maria, si elle ne perçoit pas de suite le côté méchant d’Heitor, le gars au mulet. Cependant, une fois qu’elle se retrouve embarquée dans un premier casse, elle a beau être furieuse, elle s’exécute. Parce que son rêve, c’est de devenir championne olympique, quitte à mettre sa soeur ou elle en danger.
Une héroïne teigneuse
Oui parce que la prothèse pompe l’énergie de son porteur et si on dépasse un certain seuil, on tombe dans le coma. Un peu étrange cette règle. On dirait que ça a été mis là juste parce que ça va servir à un moment dans le film. Bref, si Chappie doit se construire son propre système moral, Maria en a un de base et doit choisir entre renoncer à ses rêves pour rester dans le droit chemin ou devenir braqueuse de banque pour battre sa soeur au saut en longueur. C’est un parti-pris de mettre en protagoniste principale un personnage plutôt sombre. Le film aurait pu exister du point de vue de Gabi, par exemple. Gabi qui vit certes mal le retour de sa soeur dans la compétition mais semble sincèrement s’inquiéter pour elle. C’est même elle qui guide Maria dans ses premiers pas avec la prothèse. Mais non, on a droit à la soeur teigneuse.
Pourquoi tant d’amputés et tant de fric investi ?
Il y a également une dimension “l’argent des sponsors” dans le film. Gabi et Maria ont des prothèses de la marque Bionicos qui les sponsorise en vue d’exploits sportifs. On a cette dimension sportive dès le début du film. Quand Maria roule dans la ville, pleine de seum, on voit des hologrammes publicitaires de Gabi partout en ville. Les prothèses semblent très chères et donc données à des gens à fort potentiel sportif. Du coup, à quoi ça sert de faire de la pub ? Quelqu’un qui n’a pas un potentiel sportif peut-il en bénéficier ? Comment ça se fait qu’à la fin, on découvre une école d’enfants amputés avec des prothèses qui s’entraînent façon cours de sport du collège ? Et qu’un autre personnage absolument pas sportif soit refait de pied en cap avec plein de prothèses après un effroyable accident ? Et pourquoi tous ces amputés, à la base ? J’ai cherché, je n’ai pas trouvé de source sur un nombre important d’amputés au Brésil. Surtout que si on peut imaginer une explication sur les mauvaises conditions de vie dans les favelas, la famille de Gabi et Maria n’a pas l’air de vivre dans le besoin.
Un genre dystopique que j’aurais adoré découvrir mais…
Bref, si quelques scènes sont inspirées comme l’accident de Maria sur fond de Puccini ou l’épreuve olympique du saut en longueur, ce film n’a aucun intérêt. Son univers n’est pas pensé, son héroïne antipathique, ses méchants sans aucune consistance. C’est juste une histoire de rivalité entre soeurs avec un papa entraîneur. Je suppose que si le sujet vous intéresse, le film King Richard sera plus intéressant. Et c’est dommage car j’avais vraiment envie de voir une dystopie sur ce sujet. Mais ça reste juste une fille prise dans un engrenage pour de mauvaises raisons. Avec des tresses fluos et des écrans transparents.
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