Paradise, la dystopie fontaine de jouvence

Dans Paradise, une technologie permet de vendre ou de recevoir des années de vie. Une nouvelle économie qui fait grincer quelques dents.

Et si je continuais ma série de dystopies Netflix ? Après l’effroyable Mother/Android ou l’insipide Anon, si je me lançais dans Paradise, une dystopie allemande, cette fois-ci ? Ne me jetez pas la pierre, Netflix a aussi produit Don’t look up que j’ai vraiment bien aimé. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Surtout que j’aime assez les fictions allemandes dans leurs parti-pris assez tranchés. Et pour une fois, je vous parle d’une dystopie sans aucune IA. Juste une technologie qui permet aux uns de donner des années de vie aux autres. Une dystopie fontaine de jouvence, en quelque sorte. 

Paradise

Vendez votre jeunesse

Le film commence par une fausse pub qui nous présente l’entreprise Aeon et sa super technologie permettant de donner de son temps contre de l’argent. En somme : vous avez la jeunesse, les riches ont l’argent, arrangeons-nous. On voit d’ailleurs Max, un employé d’Aeon, essayer de convaincre un jeune réfugié de vendre quinze ans de sa vie. Ce qui lui permettrait d’acheter des visas pour toute la famille et de s’installer définitivement en Allemagne. Max est un employé zélé d’Aeon qui n’a aucun état d’âme et récupère même le titre d’employé de l’année. Une nouvelle qu’il va fêter avec Elena, sa jeune épouse en mode “faisons un bébé et achetons une maison en bord de lac”.

Max et Elena dans Paradise

Un accident qui fout tout en l’air

Mais on le sait, dans les fictions, un couple heureux qui s’envoie en l’air dans l’optique de faire un bébé, c’est le début des ennuis. Effectivement, alors qu’ils sont partis voir la famille, leur appartement est ravagé par un incendie. Comme on soupçonne que le feu soit dû à une négligence d’Elena, une bougie restée allumée, elle doit payer ses dettes. Elle n’avait obtenu son prêt qu’en acceptant d’offrir 40 ans de sa vie via Aeon si elle ne parvenait pas à rembourser. Max va tenter d’empêcher le processus mais l’opération ayant lieu, il va tenter de récupérer les 40 ans d’Elena. Ca tombe bien, il connaît très bien celle qui a récupéré les fameux 40 ans. ll s’agit de Sophie Theissen, la PDG d’Aeon. Sa patronne. Ivre de colère, il l’enlève et part avec sa femme en Lithuanie pour réaliser l’opération inverse.

Paradise, la fuite de Max et Elena

Vivre vite ou vivre vieux ?

Le postulat de départ est donc intéressant. D’un côté des vieux riches, de l’autre des jeunes plein de vie et de rêve mais peu fortunés. Le dilemme est posé : vivre vite ou vivre vieux ? Derrière cette technologie, Sophie Theissen essaie d’insuffler une vision un peu altruiste. Outre les vieux richoux, on peut aider les talentueux, les meilleurs d’entre nous. Les prix Nobel qui pourraient continuer leurs recherches des années encore. Ou Mozart qui aurait pu écrire tant d’oeuvres en plus s’il n’était pas mort à 35 ans. Alors c’est intéressant mais Mozart n’est pas mort de vieillesse donc lui donner des années alors qu’il est vraisemblablement mort de maladie ne me paraît pas pertinent. Mais ok, continue ton speech. Paradise reprend un peu l’idée de Time out, cette idée d’une richesse de temps comme nouvelle monnaie. Ici, c’est très prosaïque puisque le temps donné est transformé en monnaie sonnante et trébuchante. Sachant que le projet ultime d’Aeon est de battre la mort, tout simplement.

Aeon, une société du futur

On ne joue pas avec la génétique impunément

Evidemment, une telle manipulation génétique n’est pas sans énerver des résistants. Le groupe Adam qui va débarquer à la clinique Aeon et buter tous les scientifiques brillants qui avaient reçu des années en plus. Groupe auquel va se heurter Max et Elena dans leur volonté de récupérer les 40 ans d’Elena. Alors premier point un peu crispant : quand le premier massacre a lieu, dans la clinique, le film ne nous a pas encore expliqué le côté réversible de l’opération. Enfin, réversible… C’est la même opération, en gros, tu repompes la jeunesse de celui ou celle qui l’a prise. Mais apparemment, dans cet univers, ce n’est pas un grand secret. Du coup, pourquoi tuer les gens qui ont bénéficié de l’opération ? Surtout ceux-là ? On nous montre un petit dialogue avant le massacre où l’une des scientifiques opérée doute un peu des bienfaits de ce rajeunissement, en mode “pourquoi moi”. Pourquoi donc les tuer plutôt que de les kidnapper pour rendre la jeunesse à ceux qui en avaient fait don, plus ou moins volontairement ? Ou pourquoi ne pas tuer des milliardaires qui ont profité de la technologie Aeon ? Compliquéééééé…

Adam, les résistants

Beaucoup de discours éthiques

Le film va pas mal nous poser des questions éthiques à travers les dialogues. Sophie Theissen considère qu’elle a besoin de la jeunesse d’Elena car elle a besoin de toutes ses forces pour trouver un remède contre la mort. Le groupe Adam exhorte Elena de tuer la jeune femme kidnappée pour récupérer sa jeunesse. Et on a droit à un discours sur le côté “c’est plus facile de prendre la vie indirectement”. Evidemment, quand on raconte une histoire à base d’années vendues à des gens “qui le méritent plus” ou du moins ont les moyens de payer pour ça, il est difficile de se passer de discours éthiques. C’est même un ingrédient de base de toute dystopie qui se respecte. Le souci étant que dans les films, ça prend souvent l’allure de punchlines creuses et de dialogues un poil pontifiant. Mais le dilemme de base reste intéressant : es-tu prêt à renoncer à quelques années de ta vie pour obtenir de l’argent qui te permettrait de réaliser ton rêve maintenant ? Et j’avoue qu’à l’heure d’un réchauffement climatique en roue libre et de conflits de plus en plus violents, la question se pose… Même si, dans le film, il est précisé au détour d’un dialogue que le réchauffement climatique est résolu, merci, bisous. 

Elena vs Marie dans Paradise

Un dilemme moral intéressant

Paradise avait de grandes ambitions. Un dilemme moral intéressant. Mais comme souvent, la réalisation pêche. L’univers dystopique proposé souffre d’un écueil assez classique : on est dans le futur avec une technologie qui change tout. Mais pour le reste, tout est identique. C’est Berlin avec juste des écrans géants collés partout façon Osmosis. Ah et des balcons végétalisés, quand même. On a notion de quelques changements géopolitiques, notamment avec la Lituanie où le tourisme s’est totalement effondré mais pour le reste… Et puis surtout, le film ne va pas au bout de son délire. A partir du moment où Max et Elena fuient pour la Lituanie, ça devient juste un film de poursuite avec deux antagonistes : le groupe Adam et les mercenaires d’Aeon. Tous étant finalement assez peu intéressés par la survie de notre couple, chacun considérant que ses idéaux vaut bien quelques sacrifices. 

La vielle Elena dans Paradise

Une bonne idée de base mais…

Bref, Paradise me fait un peu le même effet que The creator : des films qui auraient pu être tellement mieux. Les postulats de départ sont intéressants, les ingrédients font envie mais la réalisation fait tout retomber comme un soufflet. Ca et le fait que l’on demande au spectateur de s’investir émotionnellement sur un couple dont on n’a vu le bonheur qu’à travers des clichés vus mille fois. Vraiment le dialogue “faisons l’amour pour faire un enfant. – Mais le repas sera prêt dans 7 minutes. – Ce sera suffisant”, je ne veux plus l’entendre. Nulle part. On me demande de croire à des personnages qui changent d’avis en permanence, surtout Elena. Moi, je veux bien faire un effort pour m’identifier mais il faut m’aider un peu, en fait… Je ne peux pas m’identifier à un personnage incohérent. Les premiers atermoiements d’Elena ont du sens et sont plutôt bien écrits mais plus on avance dans le récit, plus j’ai l’impression qu’elle veut juste trouver des raisons pour faire capoter son couple avec Max. Alors que lui est prêt à crever pour elle.

Elena et Max dans Paradise

Pas si pire

Est-ce que je recommande Paradise ? Si je prends les autres dystopies sur des thèmes un peu similaires à savoir Time out ou Ad vitam… Oui, clairement, celui-ci est nettement moins pire que les autres. ll y a quand même des éléments intéressants, les interprètes font leur job correctement. Mais je pense qu’on peut attendre encore mieux sur le sujet. 

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