Depuis quelques années, on a de belles promesses sur le transhumanisme qui nous rendrait plus puissant, plus résistant… Et permettrait de décupler nos capacités cognitives en nous permettant de communiquer via la pensée. Et bien force est de constater qu’on n’y est pas. Mais tous ces champs d’investigation ont titillé l’imagination de plusieurs auteurs. Notamment celle de Ramez Naam, auteur de Nexus, un roman qui imagine une drogue nous permettant de nous connecter mentalement les uns aux autres. Rien que ça.
Une drogue neuronale
L’histoire. Kade est un petit génie de la bio-neurologie. Avec son ami Rangan, il a développé la version 5 de la drogue Nexus, parvenant à rendre ses effets permanents. Grâce à cette drogue, il est en contact télépathique permanent avec ses amis : Rangan, Ilya, une sorte de révolutionnaire et Wats, un mercenaire traumatisé par une guerre quelque part dans un pays arabe. Mais l’autorité anti-drogue veille et envoie l’agent Sam Cataranes enquêter sur ce mystérieux Nexus 5. Après une expérience transcendentale, Sam est découverte mais le quatuor est repéré. Alors que Wats parvient à fuir, les trois autres sont capturés. Kade se retrouve contraint de jouer les agents double lors d’un congrés en Thaïlande où il doit rencontrer Su-Yong Shu, la papesse des drogues neuronales.
Agents secrets et bagarres
Plus qu’une dystopie, Nexus est un polar type agents sous couverture en territoire ennemi se passant dans le futur. Avec de la bagarre en veux-tu en voilà. Surtout que la plupart des personnages sont amplifiés. Sam et Wats disposent de squelettes plus solides, sont moins sensibles à la douleur, et se régénèrent plus vite. Kade a, lui, téléchargé une sorte de logiciel de kung-fu qui le rend assez fort à la bagarre. Et du coup, des scènes de bagarre, il va y en avoir quelques unes. Très longues et très décrites. Et c’est l’un des points faibles du roman pour moi. J’insiste sur le pour moi car je n’aime pas particulièrement les scènes de combat. Surtout quand elles durent, que j’essaie de suivre et que surtout… les protagonistes sont à la limite de l’immortalité. Notamment Sam. Je veux bien qu’elle soit amplifiée mais à un moment, tu peux pas sauter d’un hélicoptère à une altitude assez élevée avec, en plus, un mec dans les vapes, sans te casser un truc ou deux. Même en tombant dans la mer. Y a d’ailleurs une scène assez symptomatique de ça. Grosse bagarre avec explosion où tout le monde meurt… sauf Sam et Kade. Lui perd un oeil mais elle, rien. Ce cliché du héros immortel m’a toujours un peu crispé. Le fait que le héros devienne héroïne ne m’aide pas à avaler la pilule.
La drogue, est-ce si mal ?
Même si Nexus est donc plus un roman d’action, dans la veine d’un Elysium ou Equilibrium, il n’est pas exempt de quelques réflexions. Si les augmentations physiques des personnages n’est jamais un débat, plus un catalogue de gadgets façon James Bond rend visite à Q, la drogue neuronale suscite les passions. On apprend en effet que quelques années plus tôt, quelques drames liés à ces drogues neuronales avaient causé pas mal de dégâts. Notamment un drame de type suicide collectif dans une secte, un traumatisme classique américain. Sam et Kade se trouvent ainsi chacun d’un côté de la barrière. Elle veut bloquer la diffusion du Nexus 5, persuadée que ça peut entraîner de grandes catastrophes. Kade lui ne voit que l’expérience transcendantale qu’il peut offrir aux Humains. L’abolition des barrières individuelles pour vivre les expériences des uns et des autres. Partager les vécus et savoirs.
Que faire d’une telle découverte ?
Evidemment, de telles possibilités excitent les grands de ce monde dont Su-Yong Shu, très intéressée par ce que Kade pourrait offrir à la Chine. Kade se retrouve régulièrement en plein tourment intellectuel, à se demander que faire de sa découverte. Qui de la Chine ou des Etats-Unis en ferait le meilleur usage ou le pire ? Ou s’il offrait son Nexus 5 au monde, peut-il être sûr qu’il ne conduirait pas au pire ? Bien que le roman soit parfois assez bourrin, la posture d’un Kade en créateur face à des implications qui le dépassent est une vraie réussite. Pour le coup, le personnage de Kade est plutôt bien dosé. Il ne se voit pas en superhéros du transhumanisme neuronal, il ne tient pas de grands discours pétés sur ce que sa drogue pourrait faire naître comme société. C’est un mec brillant qui ne se pose pas comme tel et qui veut offrir aux gens une expérience qui va les transformer. Sam est d’ailleurs terrifiée quand on lui annonce qu’elle va devoir être sous Nexus 5 durant toute sa mission en Thaïlande tant elle a été chamboulée par sa première expérience et a une peur panique de devenir accro.
Quand différents points de vue s’affrontent
Le roman ne prend de fait aucun parti pris. Il laisse le créateur du Nexus face à ses doutes. Ramez Naam va utiliser les différents protagonistes du roman pour illustrer différents points de vue. Sam est farouchement contre toute drogue, surtout neuronale. Shu va incarner le pan militaire, Ananda, un dalaï lama, le pan religieux et Illya le côté anarchiste. Chacun va présenter ses arguments pour convaincre Kade de mettre son Nexus entre de bonnes mains, chacun ayant ses finalités.
Un roman entre réflexion et action
On se retrouve donc avec un roman hybride qui peut aller assez loin sur le côté cyberpunk avec des clones, soldats amplifiés, technologies du futur dans tous les sens. Des éléments dissémines un peu partout dans le texte sans réelle explication ce qui rend le début du récit très compliqué à suivre. Vous dire que j’ai été perdue pendant les premiers chapitres est un doux euphémisme. Et la date 2040, est bien trop proche pour que j’arrive à croire à ce que me raconte le roman, un peu comme dans Happycratie. La marche est trop haute. Même si on considère sa date de sortie, 2014. Cependant Naam n’a pas sorti son roman de sa pure imagination puisqu’il s’est renseigné sur les recherches neuroscientifiques, notamment certaines expériences. Et la question de savoir si l’Humain parviendrait enfin à la paix en abolissant l’individualisme ou si le Nexus servirait des fins miltaires, sans doute autoritariste reste en fil rouge tout le long du roman. Et Naam ne s’autorisera aucune réponse. Du moins dans le volume 1 car c’est une trilogie.
Un bon roman pour les vacances
Bref, si je trouve que Nexus est un peu dur à attaquer du fait qu’on est plongés direct dans ce futur que l’on connaît peu à travers une longue scène peu flatteuse pour Kade et que les scènes de bagarre m’ont assez ennuyée, ce roman reste intéressant par ses propositions quant à cette drogue neuronale, les possibilités qu’elle peut offrir, en bien ou en mal. Et il y a un twist intéressant vers les deux tiers du roman. Bref, ça se lit assez vite et peut tout à fait se glisser dans votre pile à lire des prochaines vacances.
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