Quoi de mieux pour ce week-end de trois jours que de parler d’une petite BD ? Oui, encore une, j’essaie d’épuiser le fond de la bibliothèque à côté de chez moi. Parfois, j’y trouve de grands classiques portés en BD comme R.U.R. Et parfois, je trouve des one shots pas dénués d’intérêt. Comme ce L’Humain de Diego Agrimbau et Lucas Varela. Avec un petit goût de Planète des singes mais surtout une grande pincée de folie destructrice humaine.
Retour de l’Humain sur la planète Terre
L’histoire. Après des centaines de milliers d’années dans l’espace, une capsule retombe sur Terre. A l’intérieur, un robot humanoïde et intelligent, Alpha, qui a perdu la mémoire et ne sait pas trop ce qu’elle fait là. Elle retrouve rapidement trois autres robots et tous trois trouvent Robert, l’Humain cryogénisé avec qui ils ont passé tout ce temps. Robert se réveille sans mal et n’a qu’une obsession : retrouver sa compagne, June, elle aussi dans une capsule. Trouvant son signal radar, il parcourt la jungle peuplée de toute une gamme de singes jusqu’à la capsule de sa femme. Mais horreur ! Elle est morte depuis des siècles, sa capsule étant descendue bien avant celle de Robert. Celui-ci dévasté, va sombrer dans la dépression avant d’être gagné par une folie mégalomane et violente.
Un environnement immédiatement bouleversé
Le postulat de base est assez clair. Deux Humains qui nous sont relativement contemporains quittent un monde à l’agonie pour revenir 500 000 ans plus tard et voir ce qu’il se passe. Bon, le demi-million d’années, ça paraît assez excessif mais ça permet de poser un univers radicalement différent. C’est de l’exploration spatiale mais à domicile. Assez classiquement également, l’Humain se retrouve confronté à un nouvel environnement et décide assez rapidement de le dompter. Au mépris des écosystèmes en place depuis des millénaires. Le sous-texte écologiste est assez clair.
Qui est le plus humain ?
Mais au-delà de ça, la BD nous questionne une fois sur qui est le plus humain entre l’Humain biologique et la machine. Le récit va pas mal se reposer sur la relation, parfois conflictuelle, entre Robert et Alpha. Dans chaque capsule, il y avait cinq robots fonction. Le gardien, le bâtisseur, le technicien et le médecin et un robot “intelligent”. Alpha pour Robert, Beta pour June. On apprend qu’Alpha a été programmée par June en fonction du caractère de Robert. Donc avec certains garde-fous, des fois qu’il pète un câble. On pourrait disserter sur le fait qu’une femme sent que son homme n’est pas assez solide psychologiquement et peut commettre quelques excès mais ce n’est pas le sujet. Alors qu’il perd un peu pied, il prend régulièrement Alpha pour June. Il se montre particulièrement violent avec elle dès qu’il sent qu’elle le juge pour ses actes.
Quand l’Humain veut coloniser son nouvel environnement
Car Robert va dérailler sévère. Pas juste en bousculant un robot humanoïde qu’il confond régulièrement avec sa femme. Savant parmi les primates, il va entreprendre de redessiner cette nature selon son bon vouloir. Après avoir arraché de nombreux arbres pour construire une clôture, il va capturer une certaine catégorie de singes, la plus proche des Humains, pour leur faire subir diverses expériences. Si le dessin reste relativement soft malgré l’omniprésence de la couleur rouge, on est sur du massacre de masse et du viol. Petite métaphore de la colonisation, sachant que de nombreux primates mâles sont robotisés pour fournir des bras utiles à Robert ? Je vous laisse juger.
Un scientifique ivre de pouvoir
La BD se situe quelque part entre Frankenstein et l’Ile du Docteur Moreau qui va toujours plus loin dans ses expérimentations. Ivre de pouvoir et de savoir, Robert, désormais affublé d’une couronne, se permet toutes les expériences, brise tous les tabous. Etant l’être le plus sachant de cette nouvelle planète Terre, il imagine pouvoir la façonner à sa façon, créer une nouvelle espèce hybride entre l’ancien Humain, disparu depuis longtemps, et ses descendants, ces étranges primates à la peau rouge. Libérée du jugement des autres et sans doute déterminé à prendre sa revanche sur la vie, il estime agir dans son bon droit. D’où sa colère régulière face à Alpha qui, dotée de jugement et de morale, s’horrifie des délires de son maître. Et le lui fait savoir.
Une bonne BD même si peu surprenante
Bref, L’Humain est une BD intéressante de par son dessin mais aussi par ses thématiques. Très bonne élève, elle déroule ses thèmes sans réelle surprise mais ça reste une lecture que je recommande. Essentiellement parce qu’elle permet de réviser quelques thématiques classiques de dystopies. Mais aussi parce qu’elle se repose sur quelques références qui, si elles ne sont jamais citées, apparaissent assez évidentes dès lors qu’on s’intéresse un peu au genre. A noter que L’Humain est publiée dans la collection “Vision du Futur” de Dargaud… sur laquelle je vais essayer de me pencher. Car si, comme L’Humain, elles n’inventent rien en soi, chaque variation d’un thème mérite qu’on s’y attarde.