Le genre dystopique a ses périodes fastes et d’autres où ça fait moins rêver. En ce moment, le cinéma s’y intéresse moins. Peut-être qu’on en a trop eu les dernières années, que ça finit par flopper. Qu’on se passionne tant pour la forme que le fond n’a plus vraiment de sens. Genre The Creator un film très esthétique mais l’histoire… Bref, je trépignais d’impatience à l’idée de voir Furiosa car j’étais certaine que j’allais me prendre une claque. Résultat ? Oui, c’était canon. Nouvelle variation de l’univers Mad Max, c’est parti.
Parcours accidenté d’une jeune fille
Furiosa est une enfant intrépide élevée dans une Terre d’abondance. Malheureusement, ce paradis terrestre est découvert par quelques motards, bien décidés à révéler l’existence de cet Eden à leur chef. Alors qu’elle essaie de saboter leur moto, Furiosa est enlevée. Désormais, elle va grandir au sein de deux clans. D’abord celui de Dementus, un leader aussi charismatique qu’égocentrique et celui d’Immortan Joe. Alors qu’elle atteint l’âge adulte, Praetorian Jack, un conducteur de convoi, la prend sous son aile et lui apprend à conduire et se déplacer dans le désert. Mais Furiosa a deux obsessions : retrouver sa terre d’abondance et tuer Dementus.
Un film très dense
Résumer Furiosa est un défi en soi car il se passe énormément de choses dans le film. George Miller n’est pas avare en action, loin de là. Le début du film donne direct le ton : deux petites minutes de pur bucolisme où Furiosa cueille des pêches et hop, elle est enlevée, course-poursuite dans le désert. La construction de ce film est une pure montagne russe avec beaucoup de mouvement et tout à coup, on se retrouve au sommet, le wagon ralentit. Pendant quelques secondes, c’est le calme plat… avant de redescendre à toute vitesse. On se retrouve ainsi, entre deux courses-poursuite, à une très jolie scène pleine de tendresse ou à une Furiosa esseulée sur la route, confuse. Dans un silence total. Je crois que c’est la première fois que je suis confrontée au silence dans un film, un vrai silence.
Variation sur les Wastelands
Miller profite donc de Furiosa pour nous proposer une nouvelle variation de ses Wastelands. Si sa trilogie originale nous proposait une version différente de l’univers à chaque fois, ici, Furiosa est un préquel de Mad Max mais avec quelques ingrédients en plus. Déjà, Immortan Joe a deux fils supplémentaires, on suit un peu plus la vie quotidienne de la citadelle. On découvre également un autre lieu du territoire des Wastelands, le moulin à balles, en plus de Petrocity, plus évoqué que montré dans Fury Road.
Des clans hauts en couleur
Mais surtout Miller nous présente différents clans, avec leurs us et coutumes. D’abord les Vuvalini, peuple qui vit sur la Terre d’abondance et qui a pour seul objectif de protéger le secret de l’existence de ce paradis. Ensuite le clan de Dementus, un Seigneur de guerre nomade qui cherche à assouvir les clans qu’il rencontre et trouver un endroit où se poser. Ce clan se déplace à moto vs celui d’Immortan Joe, adepte de la voiture comme nous l’avions vu dans Fury Road. On a aussi le clan dirigé par Octoboss qui se déplace avec une sorte d’énorme cerf-volant en forme de poulpe. Oui, il ne faut pas oublier que l’univers de George Miller est très graphique et le gang d’Octoboss qui utilise pas mal de parachutes ascensionnel fait entrer les scènes d’actions dans un nouveau plan, plus aérien. Renouant ainsi avec Mad Max 2 et 3.
Des dieux et des seigneurs des guerres
L’univers de Miller n’est pas dénué d’une dimension religieuse. Premier degré dans la Citadelle avec la “secte du volant” que nous avions pu découvrir dans Fury Road. Côté Dementus, pas de religion mais Miller aime donner une dimension christique à son personnage. Apparaissant d’abord couvert d’un linceul blanc puis en Christ devant une croix. La règle de sa communauté est donnée très tôt dans le film : il faut se rendre utile pour bénéficier de sa protection. Car en leader cruel et égocentrique, il n’hésite pas à sacrifier des hommes pour sa sécurité ou pour faire réussir un plan. Il y a aussi un côté empereur romain avec son char tiré par plusieurs motos.
Souviens-toi d’avant l’effondrement
Il suppure parfois aussi une nostalgie du temps d’avant. A peine évoqué, la vie d’avant apparaît parfois au détour d’une conversation. Ce que l’on a perdu, ceux que l’on a perdu. Dementus semble avoir perdu des enfants. Une boucle bouclée avec le traumatisme subie par Max dans le premier opus. On retrouve ici une idée intéressante croisée aussi dans The walking dead : les Seigneurs de guerre post-apo n’étaient pas si cruels avant. Dementus, Negan, même combat ? Cette idée était déjà présente dans Mad max 3 lors d’un échange avec Entity. Cependant, Miller ne tombe pas dans le piège classique de la dystopie qui n’arrête pas de se comparer à notre temps présent. Le temps d’avant, on n’en sait pas grand chose. De l’effondrement, ce que l’on peut tous imaginer : réchauffement climatique, crise de l’eau et de la nourriture… Mais l’évoquer, c’est rappeler que l’on est façonné par les événements que l’on vit. Exactement comme Furiosa dont l’évolution physique est dictée par les événements de sa vie.
Survivre comme on peut
Bref, pendant près de 3h, Miller enrichit son univers, pose la question essentielle : jusqu’où est-on prêt à aller pour survivre ? Jusqu’où accepter la soumission, jusqu’à quand accepter les règles du jeu. Furiosa survit parce qu’elle sait ruser, se rendre invisible ou utile. Elle agit sans jamais oublier ses objectifs. Ca fait plaisir de retrouver un univers cohérent et furieux, esthétiquement dément. J’avais écrit il y a quelques temps un article sur Inu-Oh, film d’animation japonais en m’extasiant sur la liberté créatrice que permettaient les arts graphiques. Miller arrive à proposer un univers aussi fou, libéré de la gravité. Ca rue, ça vole, ça explose. 3h de pure apnée pour un univers que j’adorerais voir étendu sur d’autres formats, pour en profiter plus longtemps.
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