J’aime dire que les dystopies sont le reflet de leur temps. J’aime tellement que je le dis tout le temps. Et en ce début du XXIe siècle, il y a un sujet qui revient régulièrement, surtout depuis deux ans : une pandémie qui déclenche une dictature. Et ça suscite pas mal de séries sur Netflix, notamment L’autre côté, une série espagnole. Cette fois-ci, avec Hot skull, c’est la Turquie qui propose sa version de la dictature sanitaire. Et c’est du bon.
Des malades qui parlent en permanence
L’histoire ? Une pandémie ravage le monde : le babillage. Les contaminés se mettent à parler frénétiquement en racontant n’importe quoi. La maladie se propage par le babillage. L’écouter, c’est être contaminé. Il n’existe aucun remède. La société se réorganise comme elle peut, plaçant tous les babilleurs dans des zones de quarantaine. Les personnes saines sortent peu et se promènent avec de gros casques anti-bruit, seule façon de se protéger. Dans ce chaos, à Istanbul, un homme est immunisé. Contaminé au début de la pandémie, il en a guéri grâce à un médecin décédé. Quand il écoute du babillage, son crâne chauffe fortement, d’où le surnom de Hot Skull. Mais un jour, un indice lui fait penser que le médecin qui l’avait guéri n’est finalement pas mort. Il décide de le retrouver car il veut redevenir normal.
Un flic déter et un mouvement de résistance
En parallèle, Murat est recherché par un flic, membre de l’IAE, sorte de FBI sanitaire. Lors de l’irruption d’une babilleuse dans une supérette, Murat plaque son casque sur les oreilles d’un enfant pour lui éviter la contamination. Les autres clients du magasin ont parlé de l’homme “longtemps exposé mais qui ne s’est pas mis à babiller”. Murat est également recherché par un mouvement de résistance “Plus un”. Celui-ci réclame à l’Etat devenu autoritaire et violent, de vraiment s’impliquer dans la recherche d’un remède qui fonctionne. Et aussi de mieux traiter les malades. Le groupe le veut car ils pensent qu’il peut les aider à trouver un remède.
Des personnages plutôt bien écrits
Alors on a globalement la base des dystopies politiques avec un Etat autoritaire et violent face à une résistance qui agit dans la bricole et se déchire quant aux bonnes façons d’agir. Violence ou pacifisme, attentats ou gestes symboliques ? Hot skull peut paraître classique jusque dans son manichéisme mais la série se montre assez subtile sur pas mal de personnages. Certains qui semblent agir pour de mauvaises raisons ont en fait des motivations que l’on comprend, créant immédiatement de l’empathie chez nous. De façon générale, même les personnages les plus horripilants ont une sous-couche un peu plus nuancée. Sauf peut-être le méchant “Etatique” qui, pour le coup, n’a pas eu le même traitement nuancé que les autres.
Une maladie crédible
L’écriture de la maladie fonctionne bien. Le gimmick du casque mis dès qu’un babilleur paraît se fait machinalement. Dans pas mal de dystopies de pandémies, les règles de la maladie varient un peu selon les besoins du scénario. Ca m’a toujours fait hurler de rire dans The walking dead. Dans le premier épisode, on nous énonce une règle claire : les zombies réagissent au bruit. Et que font les personnages durant dix ou onze saisons ? Ils tirent avec des armes à feu. Tout le temps. Tiens, allons dans la forêt nous bricoler un petit stand de tir, hihi. Dans L’autre côté, suscité, on ne sait même pas vraiment ce qu’est la maladie, si elle est toujours aussi virulente ou pas… C’est juste pour mettre une histoire de dictature. Pour le coup, dans Hot skull, les impacts de la maladie sur la vie quotidienne se voit jusque dans les accessoires du quotidien avec ce casque anti-bruits que tous les sains mettent sur leurs oreilles pour sortir. Comme le masque au plus fort de la pandémie de la vraie vie ? Oui. Mais pour le coup, la série insère régulièrement des petites scènes avec un babilleur ou de fausses alertes pour bien que l’on intègre l’obligation de se protéger. Et, personnellement, j’ai trouvé le babillage très bien fait, avec des phrases qui n’ont aucun sens mais qui restent construites, c’est pas juste une suite de mots qui ne veulent rien dire. Car la glace de papier avait un goût bleu. De mémoire.
Comment lutter ?
La question des voies d’actions est également très bien menée. Dans la résistance, deux groupes s’opposent : ceux qui veulent rester sur la voie pacifiste et ceux qui veulent passer dans une action plus radicale. Les discussions entre ces deux clans nous sont montrées à plusieurs reprises sans que ça dure des heures. Sans que ça paraisse injustifié. Evidemment, la voie pacifiste bénéfiicie de plus d’empathie. Notamment à travers la belle Sule, jeune résistante qui attise l’imagination de Murat. Ce qui m’a un peu fait tiquer car Murat et Sule ont environ 15 ans de différence et pour le coup, Sule a un côté “la love interest qui servira de récompense au héros s’il prend la bonne décision”.
Rappel de ce que serait une dictature sanitaire…
Mais bon, globalement, c’est du bon avec de belles scènes esthétiques notamment en début et en fin d’épisode, justifiées par la surperformance du cerveau de Murat. Quelques personnages sont assez agaçants mais globalement, l’ambiance est vraiment intéressante et revoir une dystopie sur une dictature sanitaire rappelle pourquoi la théorie du complot sur la dictature sanitaire liée au Covid ne fonctionne pas. Dans Hot skull, l’autoritarisme se justifie par la volonté de contenir la maladie. Dans la vraie vie, on fait comme si la maladie n’existait plus alors que… Merci Hot skull de nous rappeler ce petit point de détail.
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