La cité des Permutants, pour une humanité éternelle

En 2045, les plus fortunés se font digitaliser pour survivre dans un univers virtuel. C’est le concept de La cité des Permutants.

Enfin, une humanité privilégiée, s’entend. Après Virt(u)els, j’ai envie de vous proposer un nouveau récit de réalité virtuelle pas si éloigné. On va parler de gens qui vivent dans des environnements informatiques recréés, devenant par la même immortels. Car dans la cité des Permutants, on navigue entre vie réelle et conscience flottant dans une matrice. Dans un roman écrit en 1994, respect. Surtout que la Cité des permutants me semble avoir inspiré pas mal de trucs…

La cité des permutants de Greg Egan

La folle odyssée de la numérisation

L’histoire. En 2045, les plus fortunés se font cloner leur système neuronal pour pouvoir vivre dans des univers virtuels après leur mort. On va croiser plusieurs personnages qui se croisent. D’abord Paul. Ingénieur de génie, il envoie régulièrement des copies de lui-même dans la matrice, essayant de trouver une façon de créer un univers indépendant du support informatique et qui pourrait évoluer seul. Thomas, un riche Allemand numérisé qui survit là, dans une copie de son environnement familier, faisant face à ses démons. Maria, une ingénieure de la vraie vie à qui Paul commande un univers en expansion “pour l’exercice”. Kate et Peer, deux amants de cet univers virtuel qui s’amusent avec les possibilités offertes par cet univers. Ils se tripotant les organes, volent dans le ciel ou s’implantent de nouvelles marottes pour passer le temps. Et je… il n’y a pas tant d’histoire que ça. La trame de fond est sur la numérisation d’une personnalité potentiellement immortelle et comment se détacher du support informatique pour toucher la réelle immortalité.

Clone virtuel

De l’humanité des copies numériques

La Cité des permutants n’est pas un livre d’action mais plus une fiction interrogative. Tout au long du roman, on questionne l’humanité des copies numériques. Le Thomas qui évolue dans l’univers virtuel sait qu’il n’est pas tout à fait le Thomas mort et cryogénisé. La Maria qui se réveille dans l’univers virtuel sait qu’elle est une copie d’une Maria à un instant T. Elle se demande ce que sa version réelle a pu bien vivre de son côté. Paul et ses copies vivent dans la confusion, ne sachant plus exactement qui est qui. Evidemment, en corollaire de ce sujet, on a toujours cette question des privilégiés qui accèdent à une immortalité que le peuple moyen n’aura pas. C’est d’ailleurs la quête de Maria. Elle accepte le job proposé par Paul car le salaire confortable qu’il lui propose lui permettra de numériser sa mère, atteinte d’un cancer. Alors que celle-ci refuse de se faire numériser, acceptant la mort pour ce qu’elle est : simplement inéluctable. 

Immortalité virtuelle

Croire ou ne pas croire en son créateur

Et à propos de mort et d’immortalité, parlons un peu religion. Je vais pas mal spoiler sur ce paragraphe car cet élément arrive en fin de roman mais il me paraît important donc si vous voulez lire ce livre, rendez-vous au paragraphe suivant. A l’éveil de Maria dans la matrice, on découvre que des millénaires se sont écoulés et qu’une forme de vie intelligente est apparue sur la planète qu’elle a créée. Cette planète étant sous surveillance constante, les scientifiques humains découvrent que les habitants intelligents de la planète virtuelle s’interrogent sur leurs origines et débarquent sur la planète pour tout leur expliquer. Sauf que les créatures décident que cette explication ne les convainc pas et refusent de considérer les humains comme leurs créateurs. La création a dépassé le créateur, thème majeur des dystopies technologiques.

Une espèce insectoïde

Un temps relatif

On a aussi la question du temps. Le temps dans la matrice ne se déroule pas de la même façon que le temps réel et les personnages numérisés peuvent jouer avec le temps, faisant apparaître des consoles pour l’accélérer ou le ralentir, surtout s’ils veulent entrer en communication avec des personnes réelles qui, elles, sont soumises à un unique écoulement du temps. Mais attendez, cette notion de temps accéléré, une copie numérique qui a du mal à comprendre qu’elle n’est qu’une copie tant elle est empreinte d’un fort sentiment d’existence individuelle, ça ne vous rappelle rien ? Oui, j’ai lu ce roman en pensant fortement à l’épisode de Black Mirror avec John Hamm qui vend un système de domotique fonctionnant avec une copie numérique du propriétaire de la maison

John Hamm dans Black Mirror

Que faire quand on a l’éternité devant soi ?

Et ce n’est pas la seule fiction qui m’est venue en tête en lisant La cité des permutants. Les riches qui se font numériser l’âme, on va dire, pour vivre éternellement, c’est 100% Altered Carbon, également. Car Greg Egan nous pose des questions très classiques des dystopies technologiques : à quel moment la technologie affecte l’âme humaine et l’éternelle question “c’est quoi, être humain ?”. Les copies numériques semblent avoir leur propre libre arbitre, leurs propres pensées. Elles font absolument ce qu’elles veulent dans le monde virtuel même si certaines s’en sentent prisonnières puisqu’elles ne peuvent pas repartir dans le monde réel où leur corps est mort. L’accélération du temps est alors assez intéressante : les copies sont là pour l’éternité et… elles s’ennuient pas mal. D’où le personnage de Peer qui s’invente mille marottes. Du coup, à quoi sert l’éternité si on a rien de concret à faire ?

Choisir un hobby

Une oeuvre importante de la cyberdystopie

La cité des Permutants est un récit important de la cyberdystopie. Je pense qu’il a inspiré nombre de fictions dont celles déjà citées. Et on devine l’inspiration possible de Tron et de tout le questionnement sur les univers virtuels des années 90, incroyable terrain de jeu pour les fictions. Cf le Cobaye. Ce qui est drôle, c’est que 30 ans plus tard, on continue à imaginer ce que pourrait nous offrir les mondes virtuels (Ready Player One, Kiss me first) parce que finalement… ça ne donne pas grand chose pour le moment à part des vertiges et éventuellement la nausée. Et je dis ça alors que j’adore la VR, ne l’oublions pas. Ce roman est important mais… que c’est compliqué à lire. J’ai mis deux mois à le terminer alors qu’il n’est pas si long, essentiellement parce que je ne comprenais rien. C’est technique à l’extrême. Alors bravo à l’auteur qui a parfaitement travaillé son sujet. Mais pour une profane comme moi, c’était… disons que j’ai trouvé des Philip K. Dick beaucoup plus simples à lire et à comprendre. Alors que le mec écrivait sous LSD… Donc à lire dans une période où vous n’êtes pas trop fatigué car le sujet reste intéressant. Et à propos de K. Dick, on va en reparler semaine prochaine. 

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