Equilibrium, la morne fausse utopie

Imaginez un univers où vous devez prendre une molécule qui vous tue toute émotion sinon, couic. Et bah c’est le pitch d’Equilibrium

Ce que j’aime dans la vie ? Les architectures brutalistes et les fausses utopies. Alors vous devez vous dire que je vais être extatique sur Equilibrium, mon sujet du jour. Et bien… Ca dépend à quel niveau on se place. Car Equilibrium, malgré ses défauts, propose un axe que je trouve assez intéressant : la fausse utopie qui fait immédiatement pas envie. Voyons ça de plus près. 

Equilibrium
Christian Bale

Un monde totalement aseptisé

L’histoire ! 2070, les Humains ne sont plus guère nombreux, décimés par une Troisième Guerre Mondiale et un holocauste nucléaire. Les survivants, traumatisés, créent Liberia, une société pacifiée où chaque citoyen doit prendre une molécule puissante, le prozium, qui annihile ses sentiments. La loi est stricte : tout citoyen ne prenant pas le prozium est condamné à mort. Libria est dirigée par une sorte de caste semi-religieuse et ses ecclésiastes sont en charge de tuer les rebelles. 

La bagarre dans Equilibrium

Un ecclésiaste à la dérive

On suit donc l’écclesiaste Preston, un homme si investi dans sa mission qui n’hésite pas à dénoncer son coéquipier quand il découvre que celui-ci éprouve des sentiments. Mais un matin, Preston casse sa fiole de prozium. Pressé, il n’a pas le temps d’aller chercher une fiole de secours et commence donc à ressentir. Redécouvrant peu à peu ses émotions, il va s’ériger peu à peu contre un système de plus en plus répressif. 

Une fausse utopie presque classique

Normalement, à la lecture de ce petit résumé, vous avez dû penser à quelques utopies ou dystopies que nous avons croisés ici et là. Et effectivement, Equilibrium est un patchwork assez dense de thématiques, de références. On va commencer par la plus évidente : la camisole chimique. On a peu ou prou la même chose dans Le passeur ou Un bonheur insoutenable à une grosse nuance près. Dans les deux fausses utopies précitées, les citoyens suivent de bon gré un traitement sans réellement savoir à quoi il leur sert. Ca fait partie des gestes du quotidien, au même titre que de se laver les dents. Ici, les citoyens savent parfaitement à quoi sert le prozium. Et comme le prouve l’histoire de Preston, on peut se libérer du prozium pa accident alors que dans les deux autres, les protagonistes doivent inventer des stratagèmes pour ne plus recevoir leur dose. 

Prozium

Haro sur les oeuvres d’art !

Autre point : la guerre aux oeuvres d’art. Les Humains n’étant plus censés ressentir d’émotions, l’art est proscrit. Le raccourci est certes un peu violent mais c’est un point-clé de l’énigme puisqu’il légitime à lui seul l’existence d’une résistance. Lors de son enquête sur son coéquipier sentimental, Preston va découvrir un trafic d’oeuvres d’art pour les sauver de l’ordre qui veut tout brûler. L’art qui brûle, c’est tout à fait Fahrenheit 451, oui. En relativement peu subtil puisque le film commence par la découverte de la “Vraie Joconde” volée par des activistes et passée au feu. Il y a aussi un peu de Soleil Vert. La scène ou Sol s’éteint dans une envolée lyrique avec des projections de la vie de l’ancien temps. Tout au long du film, Preston recouvre ses émotions et se trouve touché par la musique ou un bébé chien. Un peu comme le bébé dans le Passeur, encore une fois. 

Equilibrium et la chasse à l'art

Un pouvoir assez crétin

Comme la plupart des dystopies, le pouvoir est autoritaire. Tendance religieux ici mais pas tant comme La serveuse écarlate. C’est juste un pouvoir aveugle, violent, dictatorial à la limite du crétinisme parfois. Car Equilibrium n’est pas un film philosophique sur l’importance des émotions et de l’art, non. C’est un film d’action où y a de la bagarre. Le film est sorti avec un slogan “oubliez Matrix” et force est de constater que Preston fait penser à un Néo avec son long manteau et ses combats ninja. A noter que les ecclésiastes se battent avec des kata-gun qui sont donc des katanas équipés de flingues. Un peu comme Squall dans Final Fantasy VIII. Alors oui, on a droit à de belles scènes de bagarre stylées avec une arme inédite pour essayer de se démarquer de Matrix tout en faisant un peu pareil mais… pourquoi aller au contact avec un katana quand t’as un flingue ? Et dernier point : comme le pouvoir est autoritaire, l’architecture est brutaliste. Du béton en veux-tu en voilà, du gris, un peu d’ocre. Ca évoque Métropolis, Brazil, le capitole d’Hunger Games, etc. Bon, moi, j’adore ce style mais quand on voit que le drapeau de Libria est directement inspiré du drapeau nazi, que les ecclésiastes ont un look très fascisant, etc. Ca manque un peu d’originalité.

Libria

Un univers assez peu… équilibré

Et c’est précisément là où Equilibrium rate sa cible. Je trouve toujours intéressant de réfléchir à ce qui fait l’Humain et d’envisager la piste de la privation des émotions et sentiments. Ca donne une société pacifiée certes, mais à quel prix ? Equilibrium envoie la réponse dès le début du film en brûlant la Joconde : on devient des barbares. Mais la vraie question est : pourquoi s’infliger ça ? Comme je disais plus haut, les citoyens de Libria ont parfaitement conscience de ce qu’ils font avec le prozium, versus les autres fausses utopies où tout le monde vit serein et indifférent sans trop savoir d’où ça vient. Ici, on a quand même un Etat dictatorial qui tue à tour de bras qui repose essentiellement… sur la bonne volonté des citoyens. Un postulat assez étrange et qui fonctionne assez mal finalement. Surtout que pour créer une dichotomie entre le gentil Preston et les méchants de l’Ordre, ceux-ci pètent régulièrement des câbles. Ok mais la colère, c’est pas… une émotion humaine ?

Dupont,le chef nul et pas charismatique

Une poésie pas mal foirée

On se retrouve ainsi avec une étrange fausse utopie qui ne fait pas envie du tout. Personne n’a envie d’aller vivre à Libria et personne n’a envie de cette promesse d’une société pacifiée à ce prix. Surtout que je trouve que pour une société pacifiée, ça crie et ça se castagne beaucoup. L’idée d’un homme qui retrouve peu à peu ses émotions est belle et poétique et discorde énormément avec le résultat final. Typiquement, voir Preston en larmes devant un chiot alors qu’on le voit tout le reste du film faire la bagarre avec ses sourcils froncés, ça crée un décalage… assez drôle. Alors que ce n’était pas l’effet escompté, j’imagine.

Un chiot trop mignon

Mais une pépite dans la filmo du réalisateur

Bref, Equilibrium n’apporte pas grand chose à l’édifice des fausses utopies. C’est finalement plus un film d’action qu’une réelle dystopie avec un système construit. C’est pas désagréable non plus. Surtout si on considère que le réalisateur Kurt Wimmer a réalisé ensuite Ultraviolet qu’il présente comme une sorte de suite spirituelle. Je n’ai pas vu Ultraviolet, j’ai juste vu la critique de Not serious et vraiment… Equilibrium, en comparaison, c’est vraiment une pépite. 

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