Enfin, selon le résumé parce que les chats, on ne les voit pas tant que ça. J’aime piocher des romans “par hasard”. Traînant dans les rayons de la bibliothèque municipale, je tire des ouvrages un peu aléatoirement, si le titre m’attire. Je lis le résumé, pour voir. Et Toxoplasma a fait mouche. Une héroïne détective spécialisée dans la recherche des chats perdus et une communauté autonome sur l’île de Montréal. Ok, je veux lire ça. Sauf que… c’était très riche et pas mal confus.

Une enquêtrice qui loue des VHS
L’histoire. Nikki vit sur l’île de Montréal qui a déclaré sa sédition vis-à-vis d’un Canada ultralibéral. Alors que cette petite société survit comme elle peut, avec l’armée fédérale à sa porte, Nikki multiplie les casquettes. Enquêtrice spécialisée dans les animaux, le jour, locatrice de VHS de nanars, le soir. Elle erre dans Montréal, pas mal paumée dans sa vie. La nuit, elle rêve d’une étrange forêt qu’elle parcourt à chaque songe un peu plus. Sur ce, elle découvre qu’un serial killer d’animaux agit en ville et décide de le poursuivre. Son enquête crée des tensions entre elle et sa petite amie, Kim. Une sorte de hackeuse qui se connecte sur “la grille”, ersatz d’Internet qui a été coupé par les autorités fédérales. Au milieu de tout ça surgit une nouvelle drogue au goût de miel qui décuple le pouvoir du cerveau.

Un roman très riche en petites histoires
Vous trouvez ça confus ? Attendez, je ne vous ai pas parlé de la marionnette qu’utilise Nikki pour jouer les ventriloques. Ou des aventures de Kim et de sa bande de hackers. De la radio de cette Montréal libre qui nous raconte l’avancée des troupes fédérales. Ni de la vieille voisine gentille, de l’hôpital psychiatrique, de l’association de protection des animaux… Premier point : on ne peut pas dire que Toxoplasma soit chiche en aventures. Il se passe plein de choses, en permanence. On a aussi une bonne rasade de pop culture avec pas mal de références à des nanars existants. Domaine que Nikki maîtrise sur le bout des doigts. Nous avons aussi des références à des game boys qui servent de support à Kim et ses amis pour aller sur la grille. Il est même question des Minitel à un moment. Et comme il n’y a plus de monnaie, les personnages s’échangent un peu tout et n’importe quoi en guise de monnaie. Y compris des Playmobils. Sabrina Calvo, l’autrice, est née dans les années 70 et ça se sent un peu dans ses références “j’ai grandi dans les années 80”. Ce qui n’est pas du tout une critique, bien au contraire.

Découvrir un univers par touche
Sabrina Calvo a pris le parti de nous peindre son univers par touches. Autant on apprend très vite que Montréal est désormais une commune libre assiégée, autant ce qu’il se passe pour le reste du monde apparaît en filigrane au fur et à mesure du récit. Le monde semble avoir connu l’effondrement avec la disparition d’Internet et d’une partie de l’électricité. Tandis que le monde continue de se réfugier dans un ultralibéralisme mortifère, l’Islande décide de créer un autre modèle, basé sur l’entraide et débarrassé de toute institution politique. Modèle que souhaite suivre Montréal. Cependant cette lutte se fait plutôt en arrière-plan. Elle apparaît dans quelques conversations, dans les passages où la radio narre l’actualité ou quand Nikki se balade en ville et que ça vire à l’affrontement. Elle semble cependant pas mal détachée de cette histoire, plus préoccupée par ses histoires de serial killer d’animaux ou de forêt onirique.

Une héroïne pas mal larguée
Et on touche ici le souci que j’ai eu avec Toxoplasma. L’héroïne semble pas mal subir sa vie, ne comprenant pas trop ce qu’il lui arrive. Sa confusion rend le récit plus que compliqué à suivre. Et quand on quitte le point de vue de Nikki, c’est pour adopter celui de Kim. Passages qui sont souvent écrits sous forme de chat entre hackers. Donc n’étant pas tout à fait calée sur le sujet, je ne comprenais pas toujours de quoi il retournait. Ajouté à cela un phrasé assez particulier de Sabrina Calvo de ci de là, avec la volonté de mettre un peu de Québécois de façon aléatoire, je me suis sentie comme Nikki. Avec tellement plus de questions que de réponses.

Une corde nostalgique
Toxoplasma a également une étrange façon de jouer sur la nostalgie. La vie d’avant l’effondrement est présente partout. Nostalgie d’Internet, longs passages sur la passion de Nikki pour les VHS de films de série Z vs les betamax, les game boys et les playmobils. La vieille voisine qui parle du Montréal d’avant. Mais, gros bon point pour Sabrina Calvo, sa dystopie ne vire pas à la complainte réac du “c’était mieux avant” et “les jeunes ne savent plus écrire”. Un travers qui m’horripile comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner. Cette nostalgie semble plus liée aux souvenirs d’enfance de l’autrice qu’à une volonté de dire que le monde part en vrille à cause d’Internet et des wokes.

Un résumé qui met en avant des éléments accessoires
Mais à côté de ça, ce livre est compliqué. Tous les éléments s’additionnent les uns aux autres et on ne comprend plus très bien les objectifs des uns et des autres. Toxoplasma souffre en plus de son résumé qui m’avait fait espérer autre chose. J’aimais l’idée d’une détective qui cherche les chats perdus, ça n’a quasi pas d’existence dans le livre. J’étais vraiment intriguée par cette commune Montréalaise, c’est plus une toile de fond. L’héroïne ne comprend pas grand chose, moi non plus.

Une dystopie proche de l’exercice d’écriture
Pourtant, je ne peux pas jeter Toxoplasma comme je peux le faire avec d’autres ouvrages que j’ai pu trouver inconsistants ou mal pensés. Toxoplasma n’est pas tant un roman dystopique qu’une expérience d’écriture. Calvo multiplie les genres, déjà : pure narration, émission radio, chat entre hackers. Ajoutez à ça des passages purement oniriques, de la drogue, un peu de mysticisme… C’est un exercice d’écriture osé. Cependant suffisamment bien décrits puisque je ne me suis pas perdue dans mes représentations de l’action, contrairement à un Neuromancien ou un Cité des permutants. Dans ces romans, il y avait des passages où j’avais vraiment du mal à comprendre l’action dans son ensemble. Après, lisant surtout le soir, il m’arrive parfois de m’endormir entre deux pages et de ne pas tout enregistrer. Ca n’aide pas.

Un roman à réserver à un public averti
Bref, mes attentes sur Toxoplasma étaient biaisées dès le départ. Je m’attendais à une dystopie anarchiste. Je me retrouve avec un récit quasi initiatique cyberpunk avec une héroïne paumée qui se révèle à elle-même au fur et à mesure du récit. Même si, in fine, ce n’est pas tout à fait elle, l’élue mais plutôt la virtuose de la Grille. J’aurai du mal à recommander Toxoplasma en soit, à moins d’être ouvert à ce genre de trip un peu barré. Une histoire qui n’a pas vraiment de début ni de fin.