J’ai une affection certaine pour le rétrofuturisme. Ces formes rondes et élégantes, ces machines extravagantes, ces couleurs acidulées avec, souvent, une prépondérance de l’orange. Le signe d’un rêve du temps passé. Le rétrofuturisme me rend souvent nostalgique d’un passé que je n’ai pas connu où l’on pensait que le futur serait forcément plus riant. Et oui, le futur était mieux avant, même si quelques inquiétudes suppuraient. Le sympathique robot de maison sera-t-il toujours loyal et soumis ? Et c’est précisément le pitch de départ de Big bug de Jean-Pierre Jeunet. Oui, le même qui a réalisé Delicatessen et La cité des enfants perdus. Donc un réalisateur que j’aime, un univers qui me séduit et une thématique classique de dystopie, la recette gagnante ?
Un huis-clos avec des robots
L’histoire ! Max a un date avec Alice chez elle. Pas de bol, Max a dû ramener son fils, Leo, un ado cynique et hyper connecté. Alice et Max parviennent néanmoins à se lancer dans une conversation polie mais clairement pré coïtale. Sauf que la tension érotique est vite brisée par l’arrivée de Victor, ex-mari d’Alice, accompagné de leur fille Nina et de sa nouvelle compagne Jennifer. Pour en rajouter, la voisine Françoise débarque… et tout ce petit monde se retrouve enfermé dans la maison maison par la volonté des robots ménagers. A savoir la bonne Monique, le robot intelligent Einstein et le petit robot nounou de Nina. Car au dehors, des robots de type militaires sont en train de prendre le pouvoir et ça se passe mal pour les Humains.
La technologie se rebelle
Alors premier thème évident : la technologie qui se retourne contre les Humains. Ici les Yonix qui ont déjà prix le pouvoir du divertissement en animant une sorte de télé-réalité où les Humains se ridiculisent en jouant des chiens ou des esclaves. Présentés d’abord comme des individus volontaires, nos prisonniers commencent à douter au fur et à mesure du film. Car la tension monte et la technologie commence à faire des siennes, notamment la clim qui ne fonctionne plus et la température monte, augmentant l’exaspération des prisonniers qui cherchent un moyen de fuir. Les nerfs sont par ailleurs mis à rude preuve par un ballon publicitaire qui vient régulièrement leur vanter un produit en fonction de leurs atermoiements.
C’est quoi, être humain ?
Le film nous parle aussi d’un grand classique des dystopies technologiques : c’est quoi être humain ? Au début du film, on suit la parade amoureuse de Max et Alice à travers le regard scrutateurs de Monique, l’androïde de maison qui n’est pas sans rappeler Harissa de Better than us. Les robots, effrayés à l’idée de voir leurs Humains sortir et croiser potentiellement la route d’un Yonix, essaient de trouver comme avoir l’air plus humain pour être pris au sérieux. Alors, c’est quoi le propre de l’Humain ? Jeunet s’amuse pas mal avec ce trio de robots qui reconstitue, in fine, la famille originelle : Einstein, créé par Victor, Monique en bonne d’Alice et Nestor en nounou de Nina. Car il n’y a pas que les robots qui s’interrogent sur ce qui différencie l’Humain mais tout le film. A travers les Humains qui se soumettent aux Yonix pour passer à la télé et acceptent de faire les animaux. Ou les questionnement de Léo qui envisage de se faire implanter une puce pour devenir immortel. A travers les faiblesses de Max. Ou le culte de certains objets anciens de Nina ou Alice. Ou même à travers le chien de Françoise, huitième clone de l’original. Ah et il y a Greg, le robot coach sportif de Françoise aussi.
Des humains perdus dans la vie
Jeunet nous dépeint un rétrofuturisme faussement gai. Au moindre pépin technologique, les personnages se retrouvent totalement démunis, ne sachant plus que faire. Même Victor qui semble particulièrement doué sur la question ne sait pas comment régler la clim et ses plans pour sortir de la maison fonctionnent assez peu. Les personnages semblent d’ailleurs assez perdu dans leur vie, s’inventent des marottes sans intérêt et ne rêvent que de partir en retraite dans une sorte de Flushdom Paradise… qui aurait des relents de Soleil vert, à bien y repenser…
Un bon moment à passer
Bref, Jeunet nous livre une dystopie exemplaire quant à ses thèmes et références. Et c’est extrêmement drôle. Léger bémol sur Jennifer néanmoins, sorte de cagoule un peu too much. Je suppose qu’il s’agit d’une caricature des candidats de télé-réalité mais le résultat flaire le sexisme et sa fin trahit une faiblesse d’écriture qui gâche un peu le tout. Mais j’ai néanmoins beaucoup aimé et je le recommande. Je ne comprends pas les mauvaises notes qu’il a reçu et vraiment, faites-vous votre avis.