Une des premières dystopies à laquelle j’ai eu l’occasion de me frotter est sans nul doute le cinquième élément. Oui, le film de Luc Besson, oui. Avec ville gigantesque et voitures qui volent, un peu comme Altered Carbon. Mais la comparaison s’arrête là. Si Altered Carbon détaille la société dans laquelle évolue Tak, pour le cinquième élément, on sait assez peu de choses quant aux rouages de cette société futuriste. Une société verticale, comme les immeubles… et l’organisation sociale, finalement.
Une dystopie, vraiment ?
On pourrait contester la classification du cinquième élément au rayon dystopie. C’est plus un film de science fiction/fantasy/space opera. On est assez proche d’un Star Wars avec une foule d’extraterrestres et une bonne partie de l’histoire dans l’espace. D’ailleurs, la partie où ils sont dans le vaisseau après avoir quitté Fhloston Paradise n’est pas sans évoquer le Falcon Millenium. Alors du coup, Star Wars serait aussi une dystopie ? Après tout, il y a tout un univers politique tissé… Oui sauf que Star Wars se passe dans une galaxie lointaine… On y reviendra quand même sur la partie politique. Un jour. Donc non, ce n’est pas une dystopie. Le cinquième élément lui, se passe dans le futur dans une version évoluée de notre société. Donc on y est sur la partie prospective. Mais est-ce que cette société est si mauvaise que ça ? Le monde proposé ne nous offre guère de détails donc je suis dans l’interprétation mais je vais considérer que oui.
Une société très inégalitaire
Point un : les inégalités sociales. Bruce Willis est du côté pauvre de la barrière. Cf la taille minuscule de son appart vs celui du prêtre par exemple. Son emploi est menacé, son immeuble visiblement mal famé (cf le caméo pété de Kassovitz). Vous allez me dire qu’on est déjà pas mal dans une société inégalitaire mais il semble que dans ce futur, l’ascenseur social, il est définitivement oublié. La société est d’ailleurs parfaitement hiérarchisée : les plus riches en haut, les plus pauvres en bas, au milieu des ordures. Vertical. En parallèle, on a également une sensation d’opulence d’une certaine catégorie de population. Notamment avec Fhloston Paradise, population aisée qui a bon goût en appréciant un bon petit opéra. Pierre Bourdieu likes this.
Un film qui lance une alerte ?
Mais finalement… C’est quoi cette société décrite dans le cinquième élément ? “Normalement”, une dystopie pose une réelle évolution de la société basée sur un changement de donne, en gros. Dans 1984 ou Fahrenheit 451, il y a la maîtrise du savoir par le pouvoir qui enferme les citoyens. Dans Ravage, Albator ou Le meilleur des mondes, on se pose la question de l’asservissement de la population, ramollie par la technologie et/ou le divertissement. Altered Carbon nous interroge sur la question de l’immortalité. The handmaid’s tale part du principe que la dégradation environnementale va avoir des conséquences et imagine que les femmes en seront les premières victimes. Si je devais résumer les dystopies en une phrase, on pourrait dire “et si… ?”, version scénario noir. Or dans le cinquième élément… Ben en fait, l’histoire pourrait absolument se passer aujourd’hui sans que ça change quoi que ce soit à l’histoire. Les voitures peuvent être au sol, Fhloston Paradise pourrait être un hôtel random aux Maldives ou en Polynésie… Reste les vaisseau spatiaux, certes. Mais vu qu’ils ont débarqué en 1914 en début de film, ils auraient pu aussi débarquer en 97. Reste la constitution de Leeloo… mais qui n’a pas grand sens au fond…
Le futur… juste pour le décor
Du coup, si le cinquième élément décrit une société si inégalitaire que Leeloo semble peu motivée à sauver j’ai du mal à isoler de réels éléments dystopiques. Déjà, Leeloo est manifestement choquée par les bombes atomiques balancées sur le Japon. Donc on reste sur ma remarque : ça aurait pu carrément se passer en 97. On peut y voir quelques étincelles d’espoir avec un Président Noir (en 97, c’était never seen before, comme on dit dans mon métier où on se la pète), la conquête spatiale… Autant j’ai un souvenir plaisant du cinquième élément (et je refuse de le revoir), notamment sur son imagerie futuriste, autant… la seule raison pour laquelle ça se passe dans le futur, c’est que Besson voulait se faire plaisir. Alors pourquoi pas mais pourquoi ? Normalement, placer un histoire dans le futur doit apporter quelque chose. Une technologie qui n’existe pas encore et qui va avoir une incidence importante sur l’intrigue, une évolution de la société que l’on veut dénoncer… même avec humour, genre Idiocracy. C’est rigolo mais il reste un message. Là, c’est juste un décor.
Pas de message
Du coup, est-ce qu’on peut à ce point se faire plaisir sans réellement chercher à faire passer un message ? Peut-on imaginer une histoire dans le futur juste parce qu’on a trop kiffé Retour vers le futur 2 sans chercher à donner une dimension politique quelconque ? Dans l’absolu oui… mais ça me gêne un peu. Même si ça reste un film qui m’a marquée à l’époque. Et qui m’a follement inspiré Technopolis, on ne va pas se mentir.
Ca mériterait presque un article
2 thoughts on “Le cinquième élément, la dystopie… verticale”