Dans ma quête infinie de dystopies, j’ai une bonne source de romans et de BD : la bibliothèque. Et justement, avant de partir en vacances, je vais y faire un petit tour. Sur le présentoir de l’accueil, The kingdom, un roman, attire mon attention. Oh, une dystopie façon Westworld ! Bon, la couverture rappelle un peu de la dark romance, genre que je déteste. Mais le pitch m’intéresse : des humanoïdes façon Princesse Disney commencent à dysfonctionner. Oh bah voilà qui n’est pas banal. Et hop, The kingdom se retrouve dans ma valise !
Une androïde amoureuse
L’histoire. Ana est une des sept fantaisistes de l’immense parc d’attraction The kingdom. Androïde ultra-perfectionné, elle vit sa petite vie avec ses six autres soeurs, se promenant dans les allées du parc pour échanger avec les enfants, participer à la parade ou, pour certaines, exécuter des numéros. Sauf que l’on sait que quelque chose s’est mal passé puisque le roman débute sur le procès d’Ana qui a tué quelqu’un. Comment cette jolie poupée serviable a pu commettre sciemment l’irréparable ? Parce qu’elle a commencé à ressentir des sentiments.
Des créatures qui pensent par elles-mêmes
On part donc sur des androïdes qui commencent à penser et agir par eux-mêmes. La comparaison avec The Westworld mis en avant sur la couverture n’est pas exagéré. Mais si, d’un côté, nous avions un immense parc d’attraction sur le thème du Far West, ici, c’est clairement un Disney version XXL. L’éveil à la conscience des IA enchâssées dans des corps plus vrais que nature sont un grand classique de la dystopie de ces dernières années. Ce postulat permet en effet de poser une question que l’on retrouve très souvent au coeur des dystopies : c’est quoi être humain ? Est-ce que ces créatures à l’apparence parfaite peuvent, à leur tour, faire preuve d’intelligence et de sensibilité ?
Dociles jusqu’à un certain point
Dans The kingdom, la réponse est oui. Durant le roman, Ana va nous parler du dysfonctionnement de deux de ses soeurs qui vont commettre des actes insensés. Nya, d’abord, qui va tenter de noyer une enfant lors d’un de ses spectacles, et Eve qui va se suicider. Ana suit les transformations de ses amies, elle découvre des choses étranges dans le royaume, perdant peu à peu sa foi absolue en son “Père” et sa “Mère”. Le père étant le médecin-psy chargé de surveiller la santé des fantaisistes et la mère, la gouvernante. D’ailleurs, si les fantaisistes sont plutôt dociles, on découvre rapidement qu’elles se sont inventées un langage pour pouvoir communiquer entre elles sans que les surveillants puissent les comprendre et ont repéré les endroits du royaume où le wifi passe mal et où elles peuvent se planquer, tranquilles.
Des princesses imparfaites
Ana est donc une fantaisiste plutôt sage et obéissante. Un peu jalouse d’Eve, cependant, la grande soeur, la première fantaisiste créée. On va découvrir au fur et à mesure que les Fantaisistes ne sont pas 100% douces et vertueuses, d’ailleurs. Elles aiment se moquer de Kaia, leur soeur qui anônne des phrases un peu creuses en permanence. Façon influenceuse LinkedIn, voyez ? Ana reste très naïve et n’a pas les codes pour comprendre certains événements. Comme les raisons qui poussent le dresseur en chef du Royaume qui demande à Kaya de le rejoindre sur le sommet de la montagne en fin de soirée… Et pour le coup, si on comprend que les Fantaisistes sont occasionnellement abusées par certains membres du staff ou les investisseurs, on échappe aux scènes inutilement gênantes.
Remettre en question l’histoire officielle
Au-delà de ces caractères de départ, trois fantaisistes vont donc avoir des comportements inattendus. Ainsi Ana va tomber amoureuse d’un employé du parc qu’elle va suivre un peu partout, espérant pouvoir déclencher une conversation avec lui. La petite histoire et la plus grande se mêle. Au fur et à mesure que ses sentiments se développent, Ana questionne ce qu’elle est et ce qui l’entoure. On apprend notamment qu’on a appris aux Fantaisistes que le monde extérieur était malfaisant et qu’elles n’étaient en sécurité qu’au parc. Une vérité qui sera mise à mal lorsqu’Eve récupèrera un téléphone volé par Nya et découvrira des photos de l’extérieur… Pas si apocalyptique.
Oeuvrer contre l’effondrement de la biodiversité
Mais justement, l’extérieur, parlons-en. On en sait assez peu de choses puisqu’Ana est la seule narratrice et qu’elle ne sort pas. On apprend cependant que le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité suivent son cours. Et on touche là un des points les plus intéressants et ambivalents du récit. Dans le parc, des espèces hybrides sont régulièrement créés, des animaux fantastiques faits de métal et de sang bleu comme les fantaisistes. Des animaux disparus hors du Royaume. Le royaume qui propose également une montagne et des pistes de ski. On se retrouve donc avec une entreprise hautement mercantile qui se positionne en bienfaiteur. Elle est celle qui recrée les animaux disparus. Même si certains vont dysfonctionner, comme les Fantaisistes. J’aime bien ce cynisme d’une entreprise pseudo philanthropique qui traite in fine assez mal ses propres créatures. Le dresseur en chef est un parfait connard, les Fantaisistes sont obligées de faire des représentations dans des eaux glacées qu’elles détestent…
Un petit roman sympa
Bref, the Kingdom est un petit roman vite dévoré, assez sympathique. Peut-être pas une œuvre culte mais le contenu est bien meilleur que ce que ne laissait présager sa couverture. Même si je trouve la fin un peu bâclée avec un plot twist assez facile à deviner et un rebondissement assez improbable. Mais l’univers décrit est sympa et l’idée d’une dystopie dans un royaume Disney, puisqu’il s’agit de ça, m’a paru tout à fait audacieuse. Une petite lecture sympa pour vos prochaines vacances ou si vous vous languissez d’un week-end au pays de Mickey.