Les larmes de Saël ou la guerre de l’eau

Le paradis a parfois sa face sombre. Dans Les larmes de Saël, la cité utopique de Ceylan n’a pas une si belle histoire que ça…

Encore une dystopie qui parle du manque d’eau ? Oui ! Que voulez-vous, l’or bleu est au coeur de toutes les préoccupations ces dernières années. Le signe d’une prise de conscience, surtout chez de jeunes auteurs mais tel n’est pas le sujet. Non, ici, on parle de ressources naturelles confisquées, d’un peuple qui vit dans l’abondance alors que le peuple voisin survit comme il peut. Avec un peu de romance et une héroïne courageuse, même si… Bref, c’est parti pour Les larmes de Saël.

Les larmes de Saël d'A. D. Martel

Les caprices d’une jeune fille nantie

L’histoire. Arcana est une jeune fille de la haute société de Ceylan, une ville ultra-technologique qui tire sa puissance de l’eau. Alors qu’elle doit choisir sa carrière, elle apprend que son père l’a fiancée avec le neveu du Président du Conseil. Alors qu’elle est en pleine scène avec ses parents, une étrange perte d’énergie a lieu, le dôme de la ville vacille. Les coupables : un groupe de terroristes venu de Saël, le pays voisin. Alors qu’ils doivent être exécutés en public, Arcana décide sur un coup de tête de demander en mariage l’homme du clan de Saël. Malheureusement, elle n’avait pas prévu qu’en l’épousant, elle serait exclue de Ceylan.

Ceyla, une ville aquatique

La dure vie à Saël

Arcana se retrouve donc contrainte de suivre son nouvel époux, Ashkan, dans les contrées arrides de Saël. Elle va alors découvrir que cette société matriarcale essaie de survivre malgré la pénurie d’eau. Elle va essayer de s’adapter à cette nouvelle vie difficile. Détestée par la famille d’Ashkan et l’ensemble des Saëliens, elle n’aura que sa bonne volonté pour se faire accepter. Petit à petit, elle va découvrir une autre face de l’histoire. Une face où Ceylan n’a pas vraiment le beau rôle.

Un paysage désertique

La guerre de l’eau

Nous avons donc deux sujets majeurs croisés dans plusieurs dystopies. L’eau, comme déjà dit, qui nous rappelle directement La fille de l’eau, Bleue, Leila, Dry, The silent sea… A quelques nuances près puisqu’ici l’eau ne manque pas pour tous. On a clairement deux sociétés parfaitement opposées, le désert et l’eau. L’écriture insiste beaucoup sur les couleurs sans volonté de subtilité sur le sujet. Ceylan est bleue. Tout est bleu : le dôme, les bracelets ultra-technologiques, les hologrammes, les cheveux d’Arcana. Bleu, bleu, bleu. A l’opposé, Saël est rouge, jusqu’à l’iris d’Ashkan. Il n’est donc pas difficile de capter rapidement qu’une cité détourne l’eau et en prive donc l’autre. D’où l’attentat du début de roman.

Barrage dans le désert

Une société matriarcale

Mais on découvre dans les Larmes de Saël une société matriarcale. Les descendants mâles sont rares à Saël. Un peu comme dans Chroniques du Pays des mères. Saël s’est donc développé autour d’une entité matriarcale, l’Eneark, qui s’arroge le premier aîné mâle des femmes pour gérer les reproductions. On découvre donc assez rapidement que les Hommes sont très convoités et peuvent même subir le pire si un gang de femmes mal intentionnées leur tombe dessus. Une norme inversée comme observée dans Le pouvoir de Naomi Alderman.

La matriarche

Une ville utopique

Revenons sur Ceylan. Si on ne passe que quelques chapitres dans la cité bleue, elle semble être une belle utopie. La vie est douce pour Arcana, jeune fille capricieuse et trop gâtée, Outre le bracelet qui sert de laisser-passer et moyen de communication, gadget que l’on croise dans de nombreuses dystopies, la ville sculpte des moyens de locomotion grâce à l’énergie créée à partir de l’eau. Des ponts, des carrosses tirés par des chevaux fantasmagoriques, etc. L’attentat provoque des morts, ce qui est une véritable révolution pour Arcana et ses amis qui ne connaissaient pas la notion de mort par accident. Les Arcaniens semblent vivre dans une relative insouciance, chacun exerçant le métier qu’il a choisi à sa majorité. 

Ceylan, Les larmes de Saël

Et une réécriture de l’histoire

Mais Ceylan est intéressante car elle présente un volet assez classique des dystopies autoritaires : la réécriture de l’histoire. C’est notamment assez présent dans les dystopies Young Adult comme Hunger Games, Divergente ou La sélection. On se retrouve dans des sociétés où l’histoire est peu voire pas connue et ne va que dans un sens. On est les gentils, on sait ce que l’on fait. Et surtout l’organisation de la société est arrêtée et ne sera pas remise en cause. Il n’y a pas de notion de pauvreté. Personne n’est déclassé à Ceylan, contrairement aux autres dystopies pré-citées. C’est justement le point d’intérêt de Ceylan : sur le papier, c’est le rêve. Une pure utopie. Mais la ville est dirigée par des gens qui se choisissent entre eux, tous ingénieurs à la base, et il n’est pas question de changer ça. Arcana se retrouve contrainte à un mariage avec un garçon qu’elle ne connaît que peu parce que ça arrange les papiers de son père. Prisonnière au Paradis.

Une fille triste dans une cité futuriste

La vision d’une fausse utopie intéressante

Bref, Les larmes de Saël reprend des thèmes assez classiques de dystopies mais parvient à nous proposer un positionnement un peu décalé, notamment sur Ceylan qui me paraît être le point fort du roman, une sorte de cité futuriste fantasmée qui me rappelle un peu la première partie de Tomorrow Land. Qu’il faudra que je chronique un jour, d’ailleurs. Après, j’avoue que suivre le point de vue d’une héroïne que je trouve assez tête à claque n’est pas toujours de tout repos. C’est volontaire pour accentuer le côté “princesse déchue” mais cette propension d’Arcana a toujours prendre la mauvaise décision, à toujours se croire au-dessus de la mêlée, ça donne parfois envie de la prendre par les épaules et de la secouer très fort pour lui dire d’arrêter ses conneries. Mais Les larmes de Saël restent une dystopie intéressante, ouvrant d’ailleurs sur une trilogie. Une bonne lecture pour vos après-midi plaid-chocolat chaud des prochains mois. 

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