Running Man, la première dystopie de télé-spectacle

En 1987, une dystopie critiquait déjà la télé spectacle. C’était Running Man et je trouve le film très fin dans son message.

J’aime bien regarder de vieilles dystopies et observer si elles ont su capter un véritable travers de la société. Ou si elles ont juste suivi une mode. Typiquement le clonage qui a occupé quelques dystopies début des années 2000, alors que certains débats éthiques traversaient la société. Puis une secte a prétendu avoir donné naissance à un bébé cloné, personne ne l’a cru. Dolly est morte et plus personne n’a parlé de clonage. Mais d’autres dystopies ont eu le nez creux, notamment Running Man, qui parle des dérives de la télé-spectacle qui distribue la mort en direct sous les vivats de la foule. Un thème qui continue de susciter des fictions plus ou moins qualitative 35 ans plus tard.

Running man, une critique de la télé spectacle

Un brave gars accusé du pire

En 2019, les Etats-Unis ont basculé dans un régime autoritaire. Les pauvres sont toujours plus nombreux et essaient de survivre comme ils peuvent. Ce qui occasionne des émeutes de la faim. Ben Richards, un policier, survole une émeute avec son hélicoptère et refuse d’obéir à l’ordre de tirer sur la foule lors d’une émeute, arguant que personne n’est armé. Neutralisé par ses coéquipiers, il est envoyé dans une prison de type bagne. Parvenant à s’échapper avec deux autres camarades, Ben se rend chez son père… qui a été envoyé dans un camp de rééducation citoyenne. A sa place vit Amber, une citoyenne relativement modèle puisqu’elle compose des petites musiques pour la télé, outil de propagande majeur, mais possède des K7 audio d’œuvres interdites. Ben prend Amber en otage, espérant fuir le pays en jouant un couple, mais Amber se rebelle et Ben est arrêté.

Running Man, Ben et Amber à l'aéroport

Un bagnard à la télé

Mais pas de retour en prison pour Ben et ses complices ! Damon Killian, producteur et présentateur de l’émission Running man veut Ben comme candidat dans son émission, le Running Man. Le concept est simple : si le concurrent parvient à survivre à l’émission, sa peine de prison sera annulée. Et face au candidat, des cerbères hauts en couleur utilisant des armes variées. J’ai particulièrement aimé Dynamo, sorte de gros mec couvert de diodes qui chante avec une splendide voix de contre-tenor et qui manie l’électricité. Ben et ses deux complices sont donc lancé à pleine vitesse dans des bobsleighs de métal en plein coeur du champ de bataille. Bientôt rejoints par Amber qui, ayant remarqué que l’arrestation de Ben racontée dans les médias n’avait rien à voir avec la vérité, décide de mener une petite enquête. Elle va cependant vite se faire pincer. Killian pense qu’il va avoir la meilleure émission de sa carrière mais la pugnacité de Ben va faire tourner l’émission au jeu de massacre.

Un bobsleigh du futur dans Running Man

La télé offre la mort en direct

Premier niveau de lecture évident : l’aspect télé-spectacle puisque l’on va suivre un candidat en univers hostile. On y retrouve les principaux codes. Un présentateur charismatique avec de nombreux gimmicks, une proximité plus ou moins factice avec le public, des intermèdes, un brin de sexime concernant les danseuses sur le plateau. Sans parler du décor en carton-pâte. Franchement, on s’y croirait. Bon, contrairement au Geopardy, si un candidat échoue, il meurt. Le film rend parfaitement la frénésie du public qui se délecte à l’idée de la mort de Ben et ses amis. Par contre, si un des membres du staff meurt lors du jeu, c’est l’effroi. Oui, sous couvert d’une émission télé, c’est purement et simplement une mise à mort orchestrée. D’ailleurs, au début du jeu, on découvre les paris qui ont lieu dans les quartiers les plus misérables et l’enjeu des paris porte sur la durée de survie et sur la façon dont Ben allait mourir. Aucune autre issue n’est envisagée.

Running man

Propagande et bonne santé physique

Mais s’arrêter au niveau “c’est une critique d’un jeu télé”, c’est passer à côté du fait que ce sont les médias dans leur globalité qui sont critiqués. Enfin, le média télévisuel mais le film va nous présenter plusieurs séquences télé hors du jeu Running Man. Notamment un cours de Fitness assez intense mené tambour battant par un prof très musculeux. Sur le coup, ça m’a donné l’impression d’être dans un film de Verhoeven. Mais ça illustre la volonté très autoritaire et hygiéniste de cette société qui s’insinue dans la moindre sphère des citoyens. Mmm… Une société autoritaire qui n’hésite pas à massacrer, reine de la propagande, qui interdit les œuvres « subversives à tour de bras » et qui veut des citoyens en parfaite santé… Ça me rappelle quelque chose… 

Cours d'aérobic dans Running Man

Vidéos trafiquées au JT

À propos de propagande, voici un journal télé. On y voit Ben devenir fou et tirer sur la foule des émeutiers de la faim. Quoi, pardon ? Il n’a pas été arrêté précisément parce qu’il a refusé de tirer sur ces gens ? Et oui mais la télé ment. Amber s’en rend compte quand elle voit le JT qui relate l’arrestation de Ben, le faisant passer pour ce fou furieux violent qui a tué tout le monde. A un autre moment, Amber et Ben regardent leur propre mort à la télé. Au cours du jeu, Ben devenait de plus en plus populaire auprès de la population. Les réalisateurs du jeu ont donc créé une fausse séquence où le héros du jour se faisait massacrer par le roi du bodybuilding. Car le slogan du pouvoir est « voir, c’est croire ». On a aussi un spot publicitaire incitant les enfants à dénoncer les actes délictueux de leurs parents. Charmant. 

Damon Killian, un présentateur télé de dystopie

Défi immersion

Les œuvres dystopiques doivent relever un enjeu majeur : encapsuler une aventure dans un univers totalement fictif. Il faut donc nous immerger là-dedans sans casser le récit de l’aventure… Ni nous ennuyer. Parfois, on pare au plus pressé. Allez, un carton d’intro et ça fera l’affaire. D’autres choisissent les dialogues et se vautrent régulièrement dans le « mmm, drôle d’époque, c’était mieux avant« , s’obsédant en général de la période de l’auteur. D’autres ne s’embarrassent pas trop d’explications, laissant l’audience dans la confusion. Et puis on a des univers comme Running man, Starship Troopers, Wall-E… où on a un pèle-mêle d’éléments pour comprendre l’histoire. Et je trouve que Running Man est un très bon élève. La partie aventure est menée tambour battant, l’univers est cohérent. Et je veux créer une dystopie avec un méchant inspiré de Dynamo, amplifié en Immortan Jo

Dynamo, un des méchants de Running Man

Une oeuvre à réhabiliter

Bref, je trouve que Running man mérite qu’on le réhabilite un peu. Ne serait-ce que pour son côté visionnaire et sa subtilité d’écriture. Oui, il a certains défauts mais il est efficace. La fille n’est pas juste une demoiselle en détresse et Schwarzy fait ce qu’il fait de mieux : beaucoup de bagarre mais apporte aussi quelques touches d’humour. A noter qu’il existe un Running Man français, Le prix du danger, tournant autour d’un jeu télé où il faut échapper à des assassins sinon… Couic ! Je ne l’ai pas (encore) vu mais il semble proposer un angle un peu différent. Et si vous posez la question : oui, le film français est antérieur. Bref, encore un film à mettre dans ma longue liste d’œuvres dystopiques à découvrir. 

2 thoughts on “Running Man, la première dystopie de télé-spectacle

  1. J’avais d’abord lu le bouquin de Stephen King, et je crois qu’en visionnant le film, je découvrais la notion de libre adaptation pour la première fois 🙂 L’oeuvre dénonce en effet, et nous en subissons une évolution aujourd’hui, je l’avais surtout perçu comme un divertissement lambda à l’époque, mais l’idée de la rébellion littéralement souterraine, pénétrant dans le jeu, m’avait fait forte impression, pas seulement au niveau de l’allégorie, mais aussi car l’idée d’avoir son qg sous les yeux de l’ennemi était très cool.

    1. Ah mais oui, j’ai même pas parlé de la résistance alors que c’est un de mes péchés mignons. Je crois que j’ai été trop fascinée par l’esthétique un peu rétro-futuriste et ma nostalgie de ces dystopies des 80s

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