S1m0ne, le divertissement devient virtuel

Au début des années 2000, on a vraiment cru que les créatures virtuelles allaient remplacer les acteurices. Comme dans le film S1m0ne

Dans la droite ligne de mon article sur The Truman Show, attaquons-nous à une nouvelle fable dystopique d’Andrew Niccol, à savoir S1m0ne. Certains s’étonneront que je classe ce film par ici. Beaucoup se demanderont sans doute de quoi je parle vu qu’il me semble que le film n’a pas été un grand succès alors qu’il est bien sympa et drôle. Donc avec S1m0ne on retourne au début des années 2000 où la plus grosse menace qui pesait sur l’industrie du cinéma n’était pas Netflix et consort mais… les acteurices en réalité virtuelle. 

S1m0ne d'Andrew Niccol

Un réalisateur en perte de vitesse

Victor Taransky est un réalisateur triquard à Hollywood. Le film commence, sa vie est un échec. La star de son prochain film vient de claquer la porte du tournage, plus personne ne veut bosser avec lui, les studios lui retirent sa confiance. Et comme tout film hollywoodien à base de rédemption, il est divorcé et sa fille l’aime moyen moins. Bref, pas la grosse forme pour Victor. Mais un scientifique lui lègue une super machine assez incroyable qui va lui permettre de créer une actrice plus vraie que nature. La machine s’appelle Simulation One. Sim-One. Simone. Incroyable !

S1m0ne

Une créature encombrante

Victor va remonter la pente à toute vitesse et réaliser deux films qui vont cartonner. Simone devient une star mondiale mais aussi un fardeau pour Victor. A présent qu’il est relancé, il n’a plus qu’un désir : se débarrasser de Simone. Il va donc tenter de détruire sa carrière en la faisant jouer dans un film ultra trash mais rien ne semble pouvoir détruire sa popularité. Sa volonté de détruire sa créature l’entraînera-t-il dans une nouvelle chute ? 

Simone avec Andy Garcia

Une réinterprétation du mythe de Frankenstein

Après le mythe de la caverne, Nichols se penche donc sur le mythe de Frankenstein. Si les atours de Simone sont bien plus sympathiques que la mythique créature de Mary Shelley, le propos reste le même. Le créateur est dépassé par sa créature qui devient de plus en plus monstrueuse et ingérable. A ceci près que Simone n’est en aucun cas douée d’une volonté propre. C’est le public qui lui confère un pouvoir que Taransky ne peut plus maîtriser. 

Simone gagne un oscar

L’obsession du divertissement

Car on en revient à cette puissance d’un public avide de divertissement qui est prêt à dépasser les limites de l’acceptable. C’est particulièrement illustré dans le passage où Taransky essaie de tuer la popularité de Simone en lui faisant faire n’importe quoi. Plus elle se roule dans la fange avec les cochons, plus elle est adulée par le public. C’est moyen subtil comme métaphore là quand même. 

Rachel Evan Wood

Passion people

Simone questionne aussi sur le rapport du public aux stars. Simone devient une super star indépendamment de son absence à toute présence physique. Quand Victor décide de la faire disparaître, une véritable enquête policière est lancée alors que… Simone n’a pas de famille, elle n’a même pas d’existence civile. Le délire autour de l’actrice virtuelle devient pure folie. Et je pourrais tirer la conclusion un peu plus sur ces sujets là mais on va pas spoiler non plus.

S1m0ne

Un avatar incroyablement humain

Autre point : Simone est la grande sœur d’Arissa de Better than us, des androïdes de Detroit… Si elle n’est pas chair, elle reste une créature répondant à une intelligence artificielle. Elle interroge notre humanité en n’étant qu’artificielle. Elle existe dans la vie de Victor, au point de prendre trop de place, mais aussi dans celle de millions de gens. Le culte autour de sa personne, la croyance du public en son existence est ce qui souffle son humanité. Elle est réelle au-delà de la machine qui l’anime. 

Simone

Un questionnement du rapport au réel

Enfin, ce film nous questionne sur le rapport au réel. L’univers que crée Victor autour de Simone est purement fictif. La supercherie dépasse le simple cadre des films créés autour de Simone puisque son personnage existe dans la diégèse du héros. Elle est une star adulée dont on suit la carrière, dont on pleure la disparition. Ce film est sorti en 2002, soit 18-20 ans avant la notion de deep fake, 15 ans avant qu’on n’utilise tous le terme de “fake news” comme si ça avait toujours fait partie de notre vocabulaire. Et c’est là l’essence de cette dystopie : cette créature numérique est souvent plus humaine que celui qui l’a créée et qui n’a pas le moindre affect pour elle mais aussi cette idolâtrie de l’extrême envers des célébrités dont on ne sait in fine rien mais qui font partie de nos vies presque autant que nos amis ou notre famille.

S1m0ne en bleu

Il fait moche, il fait nuit, regardez S1m0ne

J’ai vu ce film il y a longtemps et j’en ai un bon souvenir. Je l’avais trouvé assez drôle et pas mal de bonnes trouvailles. Je ne garantis pas qu’il ait bien vieilli. Même si, pour le coup, Simone est joué par une vraie actrice donc pas de FX qui auraient pris un sale coup de vieux pour le personnage principal. Est-ce que je vous le conseille ? Franchement, oui. C’est pas le film qui marquera votre vie à jamais mais c’est une bonne comédie pas si légère. Et puis ça rappellera la bonne vieille époque où on a vraiment cru que les vrais acteurs et actrices allaient être remplacés par des personnages virtuels. Je vous remets la vidéo de Karim Debbache sur Final Fantasy, les créatures de l’esprit. Il en parle très bien. Et puis de toute façon, il fait nuit à 17h30, vous n’avez rien de mieux à faire.

1 thought on “S1m0ne, le divertissement devient virtuel

  1. Merci pour cet article 🙂 grâce à vous, je viens de replonger dans ce film d’Andrew Niccol que j’avais particulièrement apprécié (Je lui préfère quand même l’excellent Bienvenue à Gattaca !). Peu de personnes connaissent S1MONE, j’espère que votre article permettra de dépoussiérer cette œuvre. Elle le mérite. Outre Al Pacino, toujours impeccable, j’avais apprécié la finesse de l’écriture qui nous offrait une expérience fraiche, pétillante et intelligente.

    Mon premier roman vient d’être édité et il aborde aussi l’univers du virtuel. Il s’agit d’une aventure dystopique qui gravite autour d’un inventeur et de sa machine, le Dream Maker, qui permet de voyager dans les souvenirs…
    Je me demandais : chroniquez-vous des œuvres « indépendantes » ? Et si oui, ça vous dirait de me donner votre avis ?

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