Quand j’ai maté Invasion Los Angeles, j’ai été déçue. D’abord parce que je me suis trompée et que je voulais voir la dilogie Snake Plikssen et j’y étais pas du tout. Ensuite parce que ce film est une catastrophe cinématographique entre ses acteurs aux fraises, ses personnages mal écrits qui font n’importe quoi, son mauvais tempo et sa scène de bagarre la plus longue et molle de l’histoire des scènes de bagarre. Je m’en suis donc gentiment moquée sur un autre blog avant de percuter qu’il s’agissait quand même d’une dystopie très intéressante quant à ses thèmes. Donc aujourd’hui, on revient sur Invasion Los Angeles.
Le prolétariat soumis à une puissance extraterrestre
L’histoire. Dans un Los Angeles ravagé par la pauvreté, Nada, un nomade, débarque et cherche du boulot sur des chantiers. Un de ses collègues, Frank, le prend sous son aile et lui propose de venir vivre avec lui dans un camp où des bénévoles viennent servir la soupe. Face au camp se trouve une église où se déroulent d’étranges allers et venues. Nada découvre qu’il s’agit du QG d’un mouvement de résistance anti-consumériste qui pirate occasionnellement la télé; Après une attaque d’une autorité policière sur l’église, Nada récupère des lunettes de soleil un peu étranges. Quand il les porte, il découvre alors l’atroce vérité : la ville est dirigée par d’affreux extraterrestres qui utilisent les médias et la publicité pour diffuser des messages subliminaux de soumission.
Une domination subtile
D’ordinaire, je ne trouve pas les histoires d’extraterrestres très intéressantes dans l’univers dystopique. Parce que la métaphore n’est pas “oh regardez ces traits qui ne fonctionnent pas dans la société et pourraient dégénérer” mais “c’est une métaphore du camp d’en face et nous, on a des balls”. L’invasion à l’état brut. La civilisation contre la barbarie. Bah oui, les Humains, ils sont toujours super heureux d’accueillir les extraterrestres et eux, ils font quoi ? Ils les pulvérisent. Pourquoi ? On ne sait pas vraiment. Parce que sinon, y a pas de film, dirons-nous. Le cas de V est plus intéressant car il décortique des ressorts de domination via la propagande médiatique, par exemple. Et ici, c’est également le cas. Nada, grâce à ces lunettes, découvre une toute autre version du monde dans lequel il évolue. La pilule rouge version un peu plus cheap.
Une fable anticapitaliste
Car il faut se décoller de l’aspect nanardesque d’Invasion Los Angeles pour en mesurer l’aspect dystopique. Tout d’abord Invasion Los Angeles est une pure fable anticapitaliste. Les personnages cherchent des petits boulots et vivent dans des sortes de camps de pauvres, face à l’église. En début de film, le prêtre de l’église fait d’ailleurs un gros prêche anticonsumériste dans la rue. Car Plot twist ! Les envahisseurs passent par des messages subliminaux pour contrôler les Humains en les incitant à obéir… et à consommer. Car le pouvoir est détenu par ces mêmes extraterrestres qui profitent des forçats humains pour se la couler douce. On notera également le look « putride » volontairement choisi par Carpenter pour bien nous indiquer qui sont les pourris de l’histoire. Littéralement.
Les médias vous contrôlent
Autre point assez classique des dystopies : le contrôle des médias. Ici, on apprend que les illusions permettant de cacher l’hideux visage des extraterrestres, les injonctions et autres vaisseaux spatiaux, transformés en simple hélicoptères… La télé est d’ailleurs gérée en grande partie par des extraterrestres, notamment la présentation des JT. Alors on va me dire que la métaphore n’est pas subtile, d’autant que la base secrète des envahisseurs se situe précisément sous le studio télé. Mais on peut y voir de nombreux points communs avec V pour Vendetta, sur ce point : une télé nationale qui diffuse la bonne doxa, une salariée de cette télé qui doute, du piratage des ondes par un activiste. Comme dans Dark Angel ou Hunger Games. C’est pas subtil mais c’est pas incongru.
Devenir un résistant
Et il y a toute la question de la résistance. La résistance organisée est assez floue. On comprend que le prêtre en fait partie mais après…C’est assez confus. Cependant, plus que le système d’une résistance organisée, on se pose plus la question d’entrée en résistance. Nada semble assez circonspect dès le départ sur le système dans lequel il évolue. Frank, par contre, est un bon petit soldat du capitalisme, essayant de joindre les deux bouts comme il peut et qui en tire une certaine fierté. D’ailleurs, il n’ouvrira les yeux, au sens métaphorique du terme, à l’issue d’une bagarre avec Nada. La pire bagarre de l’histoire du cinéma, sans doute, mais le process est intéressant. A partir du moment où Frank avale sa “pilule rouge”, il deviendra un combattant zélé.
Un bon élève de la dystopie autoritariste
Bref, si d’un point de vue cinématographique, Invasion Los Angeles est assez pété. Certains choix totalement incompréhensibles, des acteurs globalement aux fraises, etc. Mais d’un point de vue de la grammaire dystopique, c’est plutôt un très bon élève. Pas toujours d’une grande subtilité mais en reprenant ces éléments, on a de quoi écrire une dystopie efficace sur l’autoritarisme.
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