Cogito, une dystopie qui passe le test de Turing

Encore une dystopie sur les IA et androïdes ? Oui mais pour le coup, Victor Dixen est un excellent élève et son Cogito mérite le détour.

A peu près. Une petite dystopie française, ça vous dit ? Surtout qu’aujourd’hui, on est sur une bonne pioche. Pourtant, on était sur du quitte ou double. Un roman qui parle d’IA et de Descartes, il y avait un fort risque d’aboutir à un récit réac’ et pompeux à base de “ah c’était mieux avant” et/ou “de toute façon, la technologie, c’est nul. Relisons les grands auteurs tels les grands esprits que nous sommes”. Et bien pas du tout. On va le voir dans cet article, Cogito de Victor Dixen est un roman intelligent et nuancé. Et ça fait du bien.

Cogito de Victor Dixen

Un stage en guise de seconde chance

L’histoire. Roxane est une lycéenne plutôt médiocre promise à environ aucun avenir. Végétant dans une banlieue dortoir appelé “Bois joli”, elle traîne avec des délinquantes, commettant de petits larcins. Mais un jour, son destin bascule. Elle est choisie comme boursière pour intégrer un programme révolutionnaire. Pendant une semaine, elle est conviée sur un groupe d’îles artificielles créées par Damien Prinz, un entrepreneur de la tech. Elle va avoir droit à une formation accélérée via des neurobots injectés dans son corps pour devenir une super étudiante et réussir à obtenir son bac. En rupture avec son père alcoolique qui ne s’est jamais remis du décès de sa mère, Roxane saisit la chance qui lui est donné. Mais le stage ne va pas du tout se passer comme prévu.

Roxane, une stagiaire dans  Cogito

Un bestiaire technologique

Le roman va donc se concentrer sur la question du progrès technologique au service de l’Humain. Car la société a pas mal évolué et de nombreux androïdes ont remplacé les Humains à certains postes. Ainsi, les parents de Roxane se sont retrouvés à occuper des postes peu valorisant car ils avaient été remplacés par des androïdes à leur poste initial. Le livre est assez riche niveau bestiaire robotique. Outre des androïdes plus vrais que nature, on va découvrir des bat-robots, sortes de drones en forme de chauve-souris, des arachno-bot, des robots araignées qui servent de gardes et peuvent attaquer ou porter assistance aux Humains. Nous avons également une intelligence artificielle, Omnia, qui s’incarne à travers Hestia qui parle aux stagiaires pour les réveiller, leur rappeler une tâche, un rendez-vous ou leur délivrer une information.

Assistant virtuel

Travailler la plasticité du cerveau par des nanomachines

La société de Prinz souhaite également commercialiser les neurobots qui travaillent sur la plasticité du cerveau pour permettre l’apprentissage. De savoirs ou de dons. Car outre l’apprentissage du programme du bac, permettant aux stagiaires de maîtriser parfaitement l’anglais en 24h, ils sont récompensés par différents dons. Certains apprennent un art martial, d’autres la danse ou le chant, voire la guitare. Tout est possible. Même si le résultat est un peu étrange, selon Roxane. Les dons permettent une exécution parfaite du talent mais il y a une plasticité un peu étrange.

Neurones

Une question de fracture sociale

Le film met aussi en scène une certaine fracture sociale entre les trois boursiers, Faune, Lorenzo et Roxane, et les autres stagiaires, gang de fils et filles de qui mettent directement un coup de pression aux “pauvres” lors du premier jour. Comme dans les plus grandes séries coréennes. Roxane et Faune vont vite devenir des trophées pour deux riches qui les convoitent alors que Lorenzo, désargenté après l’incarcération de ses parents, est méprisé par les autres, notamment son ex qui fait partie des stagiaires. 

Drama coréen Revenge of others

Des opposants au tout technologique

On apprend également que la technologisation galopante de la société est combattue par au moins deux groupes. Les Humanistes, refusant que la technologie condamne les individus à la misère en volant leur travail. Leurs bateaux croisent au large des îles Fortunés de Price, espérant pouvoir entrer au coeur du système. Oui, c’est un peu Seashepherd. De l’autre, on a les habitants de la “Zone franche”, des individus retournés à la nature, refusant toute technologie. Oui, c’est la communauté de François dans Ravage. Faune vient d’ailleurs de cette communauté et découvre un peu les us et coutumes de ses camarades.

Un potager

L’intelligence des IA

Mais évidemment, le sujet central, c’est “l’intelligence” des IA. Pour le coup, Dixen a bien étudié son sujet puisqu’il va partir du postulat d’Ava Lovelace estimant qu’aucune IA ne pourra jamais devenir totalement consciente. On a également droit au test de Turing, qui servait de base à Ex machina. Mais aussi pas mal de philo classique avec le cogito de Descartes, le contrat social de Rousseau. On a également un personnages accro aux dystopies qui réagit aux diverses situations en fonction de sa culture ciné. Un livre ultra référencé, c’est vraiment à double tranchant. L’auteur peut vite donner l’impression d’être pédant mais ici, aucune référence n’est gratuite. Tout s’insère parfaitement et logiquement dans le récit.

Descartes bitches

Un entrepreneur de la tech pas si cliché

Passons rapidement sur la figure de Prinz, le Elon Musk de service et figure de plus en plus présent dans les fictions récentes. Sauf que Prinz n’est pas un gros égocentrique insupportable. Au contraire ! Arrivé au sommet, Prinz cherche désormais à utiliser sa technologie pour donner une chance à tous. Ce qui a d’ailleurs motivé le recrutement de Roxane, une jeune fille à qui la vie n’a jamais donné une chance. Il y a certes un fond de culpabilité puisque son entreprise a créé pas mal de misère, notamment au sein même de la famille de Roxane. Mais le côté utopiste de Prinz est intéressante et le traitement du personnage plutôt bien dosé.

Entrepreneur de la tech

Un récit tout en nuance

Et c’est d’ailleurs ce qu’on va retenir du roman. C’est superbement mené. Dixen sème des petits cailloux pour ne pas nous tromper sur l’intrigue mais arrive à nous suggérer quelques fausses pistes relativement vite désamorcées. Pendant plus de la moitié du roman, il n’y a pas d’”ennemi” identifié, plutôt des histoires d’ados un peu banales mais pas rébarbatives. Cogito est un bon roman car l’auteur n’a pas un avis drastique sur la technologie. Il y voit du bon comme du mauvais et ne cherche pas à tout prix à nous expliquer en quelques centaines de pages ultra pompeuses que quand même, c’était mieux avant. Coucou Damasio. Ecrire un roman où rien n’est tout blanc ou tout noir, surtout dans une dystopie, relève presque de l’exploit.

Cogito de Victor Dixen

Un auteur que je vais suivre de près

Alors Cogito est un grand oui. Plutôt considéré comme littérature pour ados ou jeunes adultes mais du haut de mes 43 ans, j’ai vraiment apprécié. Je croyais avoir lu un autre roman de Dixen mais je dois confondre avec quelqu’un d’autre. Du coup, bonne nouvelle, j’ai plein de romans à découvrir de cet auteur. Et trouver un auteur chouette en été, alors que je suis même pas encore partie en vacances et que beaucoup d’heures de lecture m’attendent, c’est un chouette cadeau de la vie. 

3 thoughts on “Cogito, une dystopie qui passe le test de Turing

  1. Bonjour, je lis sous le sous titre « Une question de fracture sociale » le film…
    C’est pas qu’un roman ?
    Cet article donne envie de lire ce roman, je vais réfléchir à l’acheter. Merci

    1. Ah, j’écris parfois devant une vidéo et il peut arriver qu’un mot de la vidéo atterrisse dans mon article à la place du bon mot. Donc Cogito est bien un roman 😀 Si vous le lisez, je suis curieuse de votre avis. Si vous utilisez Audible, il est dispo en version audio

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