Moxyland, la dystopie facho techno

Dans un Cape Town du futur, quatre destins se croisent. Moxyland est un classique du cyberpunk avec pas mal de bonnes idées. Mais…

Qui mêle pouvoir totalitaire, nanorobots et jeux en ligne. Les nanorobots, ça stimule l’imagination. Vus comme une solution miracle ou un danger mortel, on les croise souvent dans la science fiction. Ils s’invitent aussi occasionnellement dans les dystopies d’anticipation. Comme dans Moxyland où ils sont l’un des moteurs de ce roman écrit en 2008, assez visionnaire, pour le coup. Mais il y a aussi un jeu en ligne qui a des actions qui se déroulent dans la vraie vie. Un peu comme Pokemon Go mais en plus hardcore. Et des corporations, un gouvernement oppressif… Un arrière-goût de cauchemar.

Moxyland de Lauren Beukes

Destins croisés dans une capitale techno

L’histoire. Dans un Cape Town du futur, Kendra, une jeune photographe, accepte de se faire injecter des nanorobots qui boostent ses capacités physiques et mentales. Mais qui dessinent sur sa peau le logo de la corporation qui la sponsorise. Elle va croiser la route de Toby, un vlogueur égocentrique ++. Lui-même ami avec Lerato et Tendeka, des activistes anti-gouvernement corrompu, et pas très fans de technologie. Tendeka utilise Skyward, un jeu en ligne qui impose des actions dans la vraie vie, pour promouvoir sa cause. Ces destins vont se croiser dans une ville où il devient difficile d’avoir accès aux ressources les plus élémentaires. 

Un Cape Town futuriste

Les citoyens de première catégorie et les autres

 Moxyland est écrit par Lauren Beukes, une autrice sud-africaine qui distille un parfum d’apartheid dans ses romans. Parmi les quatre personnages cités, seule Lerato vit confortablement, devant tout de même partager son logis avec une colocataire insupportable, uniquement parce qu’elle travaille pour une corporation. Kendra améliore son quotidien également grâce à ces mêmes corporations. Même si son implantation la rend accro à une boisson, le Ghost. Beukes trace une ligne très claire entre les citoyens de première catégorie et les autres qui survivent comme ils peuvent. Parfois à coup de petites rapines comme Toby qui subtilise un robot nettoyeur dans l’immeuble de Lerato. 

Un robot nettoyeur

L’impossibilité de se passer de la technologie

La société que nous décrit Beukes a atteint un degré de technologie très élevé. Non seulement les personnages doivent toujours avoir leur téléphone sur eux car leur carte SIM leur permet de rentrer chez eux, s’acheter des trucs… mais surtout, le gouvernement fait peser sur eux le risque d’être déconnectés. En gros, leur carte SIM devient inopérante, les condamnant à ne plus pouvoir se nourrir, boire… En gros, le gouvernement a pouvoir de vie ou de morts sur ses citoyens. La peur de la déconnexion est donc très forte chez les personnages, notamment chez Tendeka qui se retrouve à cheval entre sa profonde haine du système et l’obligation de jouer le jeu s’il veut pouvoir poursuivre son combat. Il utilise la technologie à travers des tags et le jeu Skyward pour fomenter des actions.

Une collection de carte SIM

Un univers cyberpunk

Moxyland est considéré comme un classique de la dystopie cyberpunk, avec son gouvernement facho techno et ses personnages augmentés. Si la technologie motrice de ce roman, la carte SIM d’un téléphone portable, peut nous paraître un peu simpliste, il faut rappeler que le roman a été écrit en 2008, un an après la sortie du tout premier iphone et l’émergence des smartphones. Le côté jeu en ligne qui a des implications dans le réel, le jeu envoyant des joueurs sur des lieux de rencontre pour leur faire jouer un rôle précis est également très intéressant quand il est envisagé comme un moyen de lutte.

Pokemon Go

Une métaphore de l’apartheid plus qu’une dystopie

Mais je ne suis pas vraiment rentrée dans le roman. Sur les sujets dystopiques, je trouve que l’autrice ne rentre pas assez dans ces sujets, alignant les thèmes sans les poursuivre au-delà. Sans doute parce que le vrai thème est plus une métaphore de l’apartheid. D’un côté, une société inégalitaire avec des riches qui se préoccupent peu du monde dans lequel ils vivent vu que tout est pensé pour eux. Et de l’autre, des pauvres qui doivent se battre au quotidien pour survivre et rester farouchement dans les rangs, sous peine de finir sous un pont. Beukes décrit avec soin une société violente et autoritaire où, finalement, on est obligés de jouer avec leurs règles pour survivre ou lutter pour renverser le système. Ce qui laisse assez peu d’espoir de réussite.

Cyberpunk

Des personnages assez infects

Un parti-pris intéressant donc mais… pourquoi les personnages sont à ce point antipathiques ? Mention spéciale à Toby que l’on a envie de gifler à chaque apparition. Lerato est également assez désagréable et prétentieuse. Alors que l’univers du roman est intéressant et donne franchement envie de s’y pencher, le côté désagréable et cynique des personnages font que l’on se préoccupe peu de ce qui peut leur arriver. Ils se balancent des lignes de dialogue qui n’ont pas vraiment de sens, semblant s’exprimer en punchlines creuses sans qu’on comprenne vraiment ce qui les rattache les uns aux autres. 

Moxyland de Lauren Beukes

Un rendez-vous manqué

Bref, je n’ai pas vraiment adhéré à Moxyland malgré ses thèmes qui auraient dû m’enthousiasmer. C’est d’ailleurs pour ça que je m’étais lancée dans la lecture de ce roman. Mais j’ai toujours autant de mal à suivre la vie de personnages que je trouve antipathiques. Reste le regret de toutes les promesses non tenues par ce roman qui avait pourtant, sur le papier, un univers cyberpunk de toute beauté. 

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