J’adore les films dystopiques des années 70. Essentiellement parce qu’il y a un univers visuel et esthétique qui ne se met aucune limite. Avec plein de cristaux, pampilles et miroirs, j’aime bien. Mais si j’étais séduite par le côté doucement psychédélique de Logan’s run, aujourd’hui, on va aller un peu plus loin avec Zardoz. Un film follement expérimental, parfois déroutant, jamais loin du nanar mais… plein d’idées intéressantes.
Un barbare s’élève
L’histoire ! Fin du XXIIIe siècle, la civilisation s’est effondrée et l’Humanité est partagée entre deux castes. Les humains ayant régressé à un niveau sauvage et d’autres ayant accédé à l’immortalité. Les immortels, appelés Eternels, ont créé tout un système religieux pour convaincre les sauvages de les servir. L’éternel Arthur Frayn est chargé des “relations” avec les sauvages, il utilise une tête volante qu’il fait passer pour un Dieu. Mais un jour, une brute, Zed, décide d’entrer dans la tête avant que celle-ci ne s’envole. Après avoir tué Arthur, il se retrouve au coeur des immortels qui sont divisés quant au sort à lui réserver. Entre les âmes scientifiques qui veulent l’étudier et les conservateurs qui veulent le tuer pour conserver l’ordre actuel, Zed sème le désordre bien malgré lui parmi les Eternels.
Entre trip planant et virilité
Sorti en 1974, Zardoz a des partis-pris assez étranges. Les séances assez arty et planantes succèdent à des scènes plus triviales ou Zed va sauter sur une femme car il est un reproducteur. Oui ? Ok, c’est Sean Connery, le mâle alpha par excellence, mais quand même. D’ailleurs, le film nous propose une sorte de triangle amoureux un peu étrange qui se conclut de façon assez absurde. Bref, les sentiments amoureux sont très mal traités dans ce film mais après tout, si on considère Logan’s run où les protagonistes deviennent soudain un couple sans réelle raison, donc… Mais à la limite, ces histoires de coeur et de cul, on s’en fout un peu.
Une immortalité insupportable
Parce que le vrai sujet, c’est une humanité immortelle qui se hait. Les éternels ont été rendus immortels par le tabernacle mais cette longue vie est parfois pénible à supporter. Arthur Frayn a choisi de s’occuper des sauvages pour se divertir, les autres ont quelques occupations mais finissent peu à peu à tomber dans la catatonie. Leur éternelle jeunesse est parfois amoindrie par des peines puisqu’au lieu d’être emprisonnés, ils sont condamnés à être vieillis.
Chacun ses croyances
Autre point assez évident : la religion. Tant celle qui régit les sauvages, adorateurs de Zardoz, que celle qui anime les Immortels via le tabernacle dont on sait peu de choses. On découvrira au fur et à mesure du récit à quoi ça correspond exactement mais je ne vais pas spoiler ce point là parce que c’est à peu près tout l’intérêt du film. Les rites des Eternels ont quelque chose de très “hippy”. L’esthétique est très marqué mais on est pas loin du Flower Power avec des tenues très peu couvrantes pour les femmes. Les Eternels sont en connexion les uns avec les autres via le Tabernacle et un cristal qu’ils ont dans le cerveau. Là encore, on retrouve la symbolique du cristal que l’on avait déjà dans Logan’s run.
Diverses résistances
Et puis nous avons naturellement la question de la résistance. On va avoir une résistance “malgré elle” avec May qui, en étudiant Zed, se rend compte qu’il est assez évolué et avec qui elle va partager de nombreux savoir dans une scène psychédéliques à base de rétroprojecteurs sur la peau. On a des résistants plus ou moins identifiés qui vont se lever contre le système, certains étant alors vieilli jusqu’à la sénilité en punition. Le positionnement des personnages est plus ou moins ambigu, notamment Friend, qui semble ne plus supporter son environnement mais souhaite le chaos plus pour tromper son ennui que par réelle conviction.
Une certaine fracture sociale
On retrouve également une fracture sociale tout à fait classique avec les “nantis”, d’un côté et les “pauvres” de l’autre. Les Eternels, qui ont le savoir et la technologie face aux barbares qu’ils ont esclavagisé grâce à la religion. La société des barbares est elle-même hiérarchisée avec les gardiens de la religion, portant un masque représentant Zardoz, dont fait partie Zed. Zed qui est, en prime, un reproducteur, un statut à part. Côté des Eternels, ils sont censés être sur un pied d’égalité mais il existe des “sous-castes” en un sens avec les catatoniques d’un côté et les séniles de l’autre dont l’avis ne compte pas puisque… ils ne sont plus vraiment en état d’en avoir un.
Une humanité pervertie
Le vrai sujet de Zardoz est finalement assez classique. Tout au long de ce long trip aux champignons, le film va nous questionner sur ce qu’est un être humain. Un peu comme dans Un bonheur insoutenable ou Le passeur mais avec beaucoup, beaucoup de couleur. Les Eternels ont totalement perdu goût à la vie et ont également perdu de vue leur humanité. L’arrivée de Zed va bouleverser tout ça en étant un Humain “brut”, en proie à ses pulsions. Ainsi, les courants opposés qui parcourent la société sont incarnées par Consuella et May. La conservatrice et la scientifique mais aussi deux réactions oppposées au désir. Alors que Consuella va se battre avec acharnement contre ses appétit charnels naissants, considérant la sexualité de Zed comme pure bestialité, May va accueillir les siens avec curiosité.
Un film pas si nanardesque
Zardoz reste un ovni, une curiosité en soi. Souvent classé comme nanar, je le trouve riche en propositions et questionnements intéressants. Oui, les partis-pris artistiques et esthétiques sont parfois compliqués. Même pour un film de 1974. Mais je trouve qu’on le déconsidère un peu trop vite. Oui, le virilisme du personnage principal, régulièrement moqué, est parfois problématique. Le revirement de certains personnages à la limite du compréhensible. Mais les dystopies forcent un trait pour poser une alerte ou poser un questionnement. Ici, on est à la limite du Rousseauisme ou le progrès technologique, plutôt que de sauver l’Humanité, la dépouille de ce qu’elle est. Et je trouve ce parti-pris fort intéressant. Bref, une curiosité qui vaut le détour.