Imaginer une société dystopique, c’est souvent pousser des putters. Quand Vincent Engel conçoit sa dystopie, Les vieux ne parlent plus, il fait juste un pas de côté. L’action se passe en France et on débute le roman par une émission télé dont on reconnaît parfaitement les codes. Mais la société française dont on parle a une légère particularité : des vieux. Beaucoup. Et que fait une société qui a 30% de sa population qui a atteint le vénérable âge de 60 ans ? Elle doit trouver comment gérer ça.
Se débarrasser des vieux
L’histoire. Alexandre Geoffroy est un séduisant avocat quinquagénaire à qui tout sourit. Surtout avec le vieillissement de la population puisqu’il se fait nommer tuteur de vieux pour éviter que leurs enfants, avides, facilitent la disparition de papy ou mamie. Ce que fait Alexandre pour rajeunir un peu la société. En parallèle, il est l’auteur fantôme d’une loi prenant soin des vieux en les accueillant dans des maisons de retraite tout confort. Sauf que derrière les façades proprettes de ces ehpads nouvelle génération se cachent des usines à euthanasie.
Les vieux, figures discrètes des dystopies
Les dystopies s’intéressent assez peu aux personnes âgées. Les vieux sont souvent des personnages fonction qui racontent la société d’antan pour qu’on mesure les évolutions. Cependant la question de la fin de vie est abordée, souvent sur le côté, dans pas mal d’œuvres du genre. Evidemment, on pense immédiatement à Soleil vert et la fin de Sol. Dans Le passeur, on voit des gens âgés saluer leurs congénères lors d’une cérémonie car ils vont mourir pour céder leur place aux jeunes générations. Dans Un bonheur insoutenable, les gens meurent à 62 ans sans savoir que c’est volontaire. On a aussi un processus d’euthanasie qui se cache sous les paillettes dans Logan’s run même si là, ce sont les trentenaires qui sont éliminés. Enfin, la société des Eternels dans Zardoz est née de la peur de la mort de quelques scientifiques vieillissants.
Dans un futur vraiment proche
Mais globalement, c’est un sujet assez peu traité car… dans beaucoup de dystopies, les faits commencent avec une population mondiale diminuée. Suite à une guerre, une maladie, des catastrophes diverses et variées… Les vieux ne parlent plus est intéressant car le roman présente une société qui nous paraîtra banale. Lors des premiers chapitres, on ne discerne pas la France qui nous est présentée de celle dans laquelle on vit, à part cette nouvelle loi pour les personnes âgées. La technologie n’est pas plus avancée, on n’est pas dans un futur lointain. Et pourtant, on découvre peu à peu que la démocratie est menacée grâce au personnage de résistant. En l’occurrence, une sorte de vieux militant des droits de l’homme dont Geoffroy aime beaucoup se moquer.
Un auteur qui déteste ses personnages
J’en arrive au point central de ma chronique sur Les vieux ne parlent plus. Le roman est très court, avalé en quelques heures, et il me paraît surtout un prétexte pour l’auteur de vider son mépris sur pas mal d’archétypes. Le riche quinqua libidineux, la journaliste vedette, le militant gauchiste. Le livre patauge dans les clichés agaçants pendant la moitié du film et quand Vincent Engel essaie de susciter mon empathie à la chute de Geoffroy, ça ne fonctionne plus. Parce que je ne suis même pas sûre que l’auteur ait un gramme d’empathie pour son héros qu’il a passé des pages et des pages à décrire comme un connard prétentieux et mesquin. Et aimer ses personnages est un prérequis à un roman réussi.
De bonnes idées mais…
En définitive, le manque d’estime que l’auteur semble avoir pour ses personnages nuit gravement au roman. Les vieux ne parlent plus regorge de bonnes idées et de concepts intéressants. Le concept d’euthanasie cachée, les ehpads en usines d’exécution discrètes, la critique des médias, une dictature qui apparaît sans bruit. La chute même de Geoffroy est intéressante de par ce qu’elle raconte. Sauf que le personnage est tellement détestable qu’on a juste envie de s’en réjouir sans penser outre mesure au message.
Juste de la méchanceté ?
A dire vrai,je parle de message mais je ne suis pas sûre de le situer. Est-ce qu’Engel veut prévenir des dérives possibles d’une société qui n’a pas envie de s’encombrer de poids morts comme les vieux, les handicapés…? Ou est-ce qu’il veut juste raconter une histoire d’arroseur arrosé un peu cruelle ? Je finis par en douter tant les malheurs des personnages a une saveur presque jouissive tant ils sont insupportables. Et ne comptez pas sur la fin du roman pour trancher,le dernier chapitre est juste un délire qui n’a rien à voir avec le reste du roman. Bref,une thématique que j’espère voir traitée ailleurs avec un peu plus de finesse et moins de méchanceté.
J’avais bien aimé « Vieillesse délinquante » (Gilbert Morris) sur cette thématique mais je ne l’ai pas relu depuis longtemps, je ne sais pas s’il a bien vieilli !
Ah, il faudrait que je le lise comme ça, je te dirai 😀