Ok, ce titre est nul. Pour ceux qui ne me connaissent pas, j’ai une petite fibre écolo. Disons que j’essaie tant que faire se peut de ne pas aggraver la situation de notre planète. Je recycle, j’ai pas de voiture, je limite mes trajets en avion… C’est sans doute léger et j’ai bien conscience que par rapport aux industries, à la bagnole ou à l’agriculture, mes efforts ne valent rien. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas en faire. Et puis, c’est quand même un sujet angoissant, l’effondrement d’un écosystème entier. Sans parler de la perspective de rôtir, littéralement, en plein cagnard dans quelques années. Donc forcément, quand je trouve une dystopie me racontant une histoire des abeilles, l’histoire de leur disparition, je fonce.
Des abeilles et des humains
L’histoire ! Nous suivons trois personnages : William, George et Tao évoluant à quelques dizaines d’années d’écarts les uns des autres. William, d’abord, naturaliste du fin fond de la campagne anglaise au XIXe siècle, plongé en pleine dépression. Jusqu’au jour où il décide de se lancer dans la confection d’une ruche parfaite. George, un apiculteur américains de notre temps, qui adore son métier et s’inquiète que son fils, doué pour les études, ne prenne pas la relève. Et enfin Tao, jeune Chinoise de la fin du XXIe siècle dont la fonction est de polliniser des fleurs, les abeilles ayant disparu. Ces trois histoires, se déroulant donc à des époques et sur des continents différents, vont donc nous raconter la relation des personnages avec les abeilles, ou leur absence.
Une fiction basée sur des faits réels
Maja Lunde va donc partir de deux faits : l’histoire des ruches modernes (William) et la ruine de certains apiculteurs avec l’apparition du Colony Collapse Disorder. Qui existe vraiment. A savoir qu’un jour, les abeilles abandonnent leurs colonies sans que l’on sache vraiment pourquoi. Et à partir de là, elle imagine l’avenir avec des personnes comme Tao payées pour polliniser les fleurs. Sachant que la fonction de pollinisateur existe vraiment, d’ailleurs. Si l’on ne sait pas grand chose du reste du monde, on va découvrir une Chine entièrement tournée vers la ruralité avec un Beijin totalement déserté. Le segment de Tao est d’ailleurs le seul où il y a vraiment un suspense, une quête plutôt angoissante.
Que laissera-t-on à nos enfants ?
Mais Maja Lunde ne parle pas que d’abeilles. Les personnages se questionnent aussi sur la question de la transmission. William veut à tout prix transmettre sa flamme pour les choses de la nature et son travail autour des ruches à Edmund, son fils peu satisfaisant. Négligeant Charlotte qui, elle, s’investit corps et âme dans les recherches de son père. C’est l’histoire de George, malheureux de voir que son fils Thomas ne veut pas récupérer la ferme, préférant faire fructifier ses talents d’écrivain. Et enfin la quête de Tao, cherchant à retrouver son fils à tout prix, fils qu’elle essayait d’élever du mieux qu’elle pouvait. C’est la question sourde de tout le roman : quel héritage laisser à nos enfants ? Au-delà des biens, je veux dire : quelle monde leur laisse-t-on ?
Une dystopie qui a un goût de réel
Je vous avais déjà parlé de Maja Lunde pour Bleue qui racontait également un monde en proie à l’effondrement écologique avec un manque cruel d’eau et des destins de personnages qui se croisent par delà le temps. Comme dans Bleue, il ne s’agit pas d’aventures trépidantes mais Une histoire des abeilles se lit si facilement même si j’ai trouvé le suspense relatif. J’ai deviné très rapidement ce qui avait pu arriver à Wei-Wen, le fils de Tao mais peut-être qu’il n’y avait pas vraiment de suspense là-dessus. Une histoire des abeilles n’offre pas une aventure haletante mais elle vaut vraiment le détour. Parce qu’il s’agit ici, plus que dans pas mal de romans que j’ai traités, d’un roman cruellement réaliste. L’univers de demain peint ici par Maja correspond aux prévisions pessimistes mais raisonnables de pas mal de scientifiques. C’est précisément ce qui fait froid dans le dos. Une histoire des abeilles a un goût de prophétie. C’est sans doute pour ça qu’il est important de le lire. Et ça donne envie de s’intéresser aux abeilles.
Dessinatrice, je vous propose de découvrir sur ce sujet une série de dessins aux crayons de couleur évoquant, par une suite d’abeilles mortes, la pollution par les substances chimiques et les pesticides utilisés dans l’agriculture. Il n’y a pas que les grosses bêtes qui disparaissent …. A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/vous-etes-ici.html
Cette série sera présentée au Muséum de Genève à partir d’octobre 2021.
Mais aussi, en lien direct, une réflexion sur l’utilisation des produits phytosanitaires : https://1011-art.blogspot.com/p/hommage-magritte.html