Aujourd’hui, je ne vais pas vous parler d’une oeuvre en particulier mais d’un thème qui structure pas mal de dystopies : les erreurs du présent. Ce qui ne veut rien dire en soit. Laissez-moi m’expliquer. Nous avons deux grandes tendances en dystopie. Celles qui prennent un travers de nos sociétés et les grossissent à l’excès, nous présentant un futur potentiellement autoritaire, dépassé par des technologies quasi mortifères… ou juste complètement débile. Mais nous avons aussi des dystopies post apocalyptiques où le Mal revient. Car comme le prophétise la dialectique de Hegel, l’histoire est un éternel recommencement. Les erreurs du présent seront les mêmes que dans le futur.
Une arme de destruction massive réactivée dans le futur
Rentrons un peu plus dans le détail. Le week-end dernier, j’ai regardé Mortal Engine. J’avais lu le livre que j’avais bien aimé et j’adore l’esthétique Steampunk donc… mini-critique ciné : j’ai bien aimé mais ça va trop vite. Ce livre mériterait plutôt une série one shot pour développer son intrigue. Et caster Robert Michael Sheehan, acteur assez décalé, dans le rôle de Tom, j’ai trouvé ça un peu dommage. Il joue bien, hein, mais ce mec est meilleur dans des rôles un peu plus perchés. J’adore The Umbrella Academy, oui. Et c’est ce film qui inspire cette chronique avec Medusa, une arme de destruction massive qui a entraîné la naissance de l’effroyable univers de Mortal Engine. Sauf que la machine n’a pas tout à fait disparu et un homme, ivre de puissance, va la reconstruire.
Oublier le passé, la grande erreur
Beaucoup de dystopies se reposent sur le fait que nous sommes condamnés à répéter les erreurs du passé. Et pas juste dans une logique hégelienne. Dans ces oeuvres, il y a souvent une volonté politique d’oublier le passé. La réécriture de l’histoire ou sa méconnaissance totale fait partie du récit. Evidemment, en matière de réécriture du passé, on pense toujours à 1984 mais elle est présente dans de nombreuses dystopies. Dans Mortal Engine, cela n’est pas tant une volonté politique qu’un désintérêt total de la population pour son passé. Medusa qui a ravagé le monde devient peu à peu une sorte de légende urbaine, traquée par quelques scientifiques isolés. Le monde est frappé d’amnésie. Tout comme Silo où, dans le premier volume, on sait qu’un cataclysme nucléaire a eu lieu. Et on sait que les ruines proches des bunkers et visibles des caméras est Atlanta. Mais plus personne ne sait comment l’Humanité en est arrivée là. Parfois, l’Histoire est oubliée par totale régression des survivants comme dans Niourk où on finira néanmoins par apprendre la vraie histoire. Alors que dans Cloud Atlas, la cartographie des nuages, on ne sait pas vraiment comment on passe de la société futuriste ultra capitaliste dans laquelle évolue Sonmi à cet univers post-apo ultra-violent dans lequel tente de survivre Zachry. On sait qu’il y a eu un effondrement mais de quelle nature ?
Réécrire le passé pour régner
Mais il y a aussi des réécritures volontaires de l’histoire. Comme dans Battle Royale. Le roman, pas le film. Le Japon est dirigé par un gouvernement nazi. Au cours d’une conversation entre deux collégiens, on apprend que le régime nazi se prétend millénaire alors qu’on n’en est qu’au 12ème Führer. Führer dont l’existence même est douteuse, nous sommes plus sur un archétype du pouvoir. Dans Chroniques du Pays des mères, à l’inverse, on se réintéresse au passé. On sait comment on est arrivés dans cet univers, que les hommes ont été victime d’une maladie qui les a décimés. Cette grande Histoire reste connue, laissant en vestige une grippe potentiellement mortelle pour les jeunes enfants. Mais nous avons tout de même droit à une réécriture et un grand oubli des civilisations précédentes. L’héroïne Lisbeth, devenue archéologue, découvre un grand bâtiment avec un ascenseur qui suscite beaucoup de curiosité. Mais surtout, grâce à ses recherches, elle va découvrir que l’Histoire fondatrice de sa société n’est qu’un grand mensonge.
N’oubliez pas les erreurs du présent
Ces dystopies au passé oublié et/ou réécrit nous alerte sur l’importance de la mémoire. En effaçant les souvenirs d’un effroyable, on condamne l’Humanité à réitérer les mêmes erreurs. Car il ne faut pas oublier que les dystopies ont vocation à prévenir. On n’imagine pas un futur sombre gratuitement. Beaucoup de récits aiment imaginer une nouvelle technologie qui va nous dépasser et nous ravager ou une impuissance face aux éléments. Mais le parti-pris d’affirmer que le ver est déjà dans le fruit et que ce danger d’aujourd’hui sera la menace de demain si on oublie est un parti-pris intéressant. Même dans des sociétés pacifiées comme Le passeur ou Community, la nostalgie de ce monde oublié finit par semer le trouble. L’oubli n’est pas une option. Un message assez fort, surtout actuellement dans nos sociétés à tendance révisionniste.