Aujourd’hui, parlons BD. Je précise le format d’entrée de jeu car La route a été d’abord un roman, puis un film et enfin une BD, réalisée par Manu Larcenet. J’ai aussi vu une édition du roman agrémenté d’illustrations de Larcenet. De ces trois formats, je ne connais que la BD qui peut être plus directe que le film ou le roman. Et je suis aussi très enthousiaste à l’idée de vous parler de cette BD que j’ai trouvée très intéressante dans sa direction artistique. La route, c’est parti.
Marcher pour survivre
L’histoire ! Dans un futur que l’on suppose proche, un effondrement a eu lieu. Au milieu de nulle part, sur une route déserte, un homme et son fils avancent, poussant un chariot plein de bricoles, tout ce qui leur reste. Ils avancent vers une direction incertaine. Mais l’hiver arrive et s’arrêter, c’est mourir. En chemin, quelques rares rencontres mais surtout un père qui fait tout pour assurer la survie de son fils.
Une oeuvre peu bavarde
L’histoire est assez rapide à résumer et la BD est assez avare en explications. On aura quelques bribes, à droite, à gauche, pour comprendre un peu l’univers dans lequel on évolue mais la majorité des explications, ce sera à notre imagination de trouver. Et pourquoi pas puisque parfois, trop d’explications fait un peu basculer dans l’absurde, casse presque l’immersion du spectateur. Les fameux “ah, dans quelle époque vit-on” alors que ce qui, pour nous, spectateurs, est incongru, est censé être la normalité du monde qu’on nous présente. Ou l’apparition de petits schémas explicatifs pour faire genre que “si, si, ma technologie est possible” alors que bof…
Un monde encrassé
Essayons donc de collecter les indices laissés par La Route pour comprendre ce qui a pu se passer. Tout d’abord la nature ravagée. Les personnages évoluent dans un décor encrassé par une cendre qui semble tomber en permanence du ciel. Nos protagonistes se cachent souvent en forêt et on comprend que la nature, étouffée par la cendre, n’a plus rien à offrir aux quelques Humains survivants.
Des tribus et des sectes
Oui, Humains au pluriel car notre duo va croiser quelques survivants. Plutôt de loin. D’abord une sorte de tribu cannibale dont ils vont chercher à se cacher. Il est question de sectes dont on ne sait pas grand chose. Elles terrifient l’enfant et semblaient coutumières des sacrifices. Si cette histoire de secte est de l’ordre de la mention dans La Route, je trouve néanmoins sa mention intéressante. Dans les dystopies récentes, souvent très empreintes de science, la religion, avec un petit r, a tendance a disparaître. Même si on la remet un peu n’importe comment dans des adaptations comme Le problème à trois corps, sauce Netflix. On voit passer quelques groupes sectaires dans des fictions d’effondrement à teneur fantastiques comme Le Fléau, The Leftovers ou Le livre de M. D’ailleurs, dans Le Fléau ou le Livre de M, nous avons des personnages en route…
Ne jamais se relâcher
Si nous ne saurons rien de la catastrophe, quelques indices peuvent nous laisser à penser que les Humains l’avaient vu venir. A un moment, le duo tombe sur une ferme avec un bunker rempli de vivres dans lequel ils vont passer quelques jours. Pas trop car la menace rôde toujours. La menace des tribus cannibales ou de découvertes macabres puisque notre duo, à la recherche de vivres, tombera régulièrement sur des charniers, des pendus. Les répits sont de courte durée et les belles trouvailles peuvent vite se perdre.
Un espoir sous la noirceur
Et pourtant, La Route contient un message d’espoir. Au milieu de la noirceur crasse, oui. Dans le récit, on découvre que la mère les a abandonnés car elle ne croyait pas en leur survie à long terme mais qu’il ne restait pas assez de balles dans le revolver pour tuer les trois. Mais le père s’accroche et veut offrir un espoir à son fils. L’amener voir la mer, lui apprendre la base de la survie. Quand il trouve une canette de soda intacte, il la donne à son fils en lui enjoignant de se souvenir du goût. Il laisse toujours les bonnes trouvailles à son fils, essaie de lui apprendre à survivre. L’espoir est aussi dans l’attitude du fils, plus humain, moins méfiant que son père. Quand le duo tombe sur un vieil homme esseulé et affaibli, le fils plaide la clémence quand le père ne voit qu’une menace à éliminer.
Une métaphore des heures sombres ?
La Route pourrait dès lors être une métaphore des périodes sombres que les Humains traversent tôt ou tard. Face au désespoir et à la peur paranoïaque des autres succède une envie de faire confiance, de tendre la main. A tort ou à raison, la BD ne donnera pas de réponse. L’histoire s’arrête sans nous dire ce qu’il adviendra. Sans promesse d’une happy end. Une simple histoire d’errance et de survie.
Une direction artistique glaçante
Je parlais en introduction de la direction artistique de La Route dessinée par Manu Larcenet et j’y reviens. Il y a des BD qui sont belles. Je pense par exemple à Clear qui était très colorée, des planches magnifiques. Dommage que le fond n’ait pas suivi. J’ai bien aimé les dessins de Revoir Paris, surtout cette représentation futuriste de Paris, Bolchoi Arena et ses tons pastels. La Route n’est pas une “belle” BD au sens purement esthétique. C’est vraiment crasse, surtout si je compare à Vertigeo qui se passe également dans un futur peu riant. Ca tourbillonne, ça charbonne, les visages des personnages se parent parfois d’une sorte de masque de mort qui rappelle les visages des momies anciennes. Car la mort rôde tourne à chaque tournant de la route. Le dessin de Larcenet met presque mal à la l’aise mais est une parfaite réussite au vu de l’histoire racontée.
Maintenant, je vais voir le film
Bref, je me pencherai à l’occasion sur le film qui, pour le peu que j’en ai lu, semble plus explicite sur l’univers qu’il présente, sur l’effondrement. Après tout, nous rentrons en période “restons bien au chaud et regardons des films”. En plus, il n’est pas trop mal noté, ça me changera des dystopies made by Netflix, par exemple.