L’année du lion, reconstruire une civilisation

Dans l’année du lion, Deon Meyer nous raconte l’histoire d’une communauté qui a survécu à une terrible épidémie.

Ca faisait longtemps que je n’avais pas parlé post-apo par ici. Curieusement, j’ai l’impression que c’est un peu moins le sujet actuellement, tout le monde étant focus sur l’IA. Alors que bon, c’est pas comme si on venait de subir une semaine à 35-40° en moyenne… Fin du point météo. Aujourd’hui, je vous propose un roman qui raconte l’effondrement mais surtout la reconstruction d’une civilisation. Un roman qui navigue entre utopie et dystopie : L’année du lion de Deon Meyer.

on Meyer

Nico est un jeune adolescent quand un “viruscorona” décime l’Humanité. En errance avec son père Willem, il va découvrir la violence des hommes et s’éloigner petit à petit de son père, un Humaniste qui crée une ville, Amanzi, pour que les survivants se retrouvent. Alors que les nouveaux venus affluent, différentes visions de la société vont entrer en conflit.

le barrage de Vanderkloof en Afrique du SUD

L’année du lion commence par une errance d’un père et son fils. Je pensais d’ailleurs qu’on serait dans les dystopies post-apo : “un adulte et ses enfants”. Genre que j’avais évoqué pour Snow Angels, par exemple, même si La route me semble être l’exemple le plus emblématique. On pourrait penser également à The Walking dead dans le genre avec la dynamique Rick et Carl. Bref, durant les premiers chapitres, Willem délivre quelques vérités à Nico qui les accepte sans broncher. Mais L’année du lion, c’est aussi un récit initiatique. Nico va peu à peu devenir un homme, s’affranchissant parfois du modèle paternel.

Un père et son enfant en errance dans un monde post apo

Après quelques années d’errance, Willem décide qu’il est temps de créer une nouvelle communauté sédentaire. D’autant que durant leur périple, Willem et Nico ont rencontré deux femmes, Melinda et Beryl, la dernière ayant pris sous son aile une ribambelle d’enfants. Ils croiseront également la route d’Hennie, pilote de son état. Willem choisit de s’installer à Vanderkloof, une ville installée le long d’un barrage, afin que l’eau ne soit plus un problème. Petit à petit, la communauté va grossir et quelques figures de proue vont émerger : Birdie, l’ingénieure, Nero, le psy, le pasteur Ngozi et surtout Domingo. Un motard un peu mystérieux dont Nico va immédiatement s’enticher, faisant de lui une nouvelle figure paternelle.

Un motard sur la route

L’année du lion va donc nous raconter la vie de cette communauté de sa création jusqu’à l’assassinat de Willem, l’année du lion. Je ne spoile absolument pas, Nico raconte son histoire en faisant en permanence référence à l’assassinat de son père, figure de leader pourtant appréciée au coeur d’Amanzi malgré les dissensions. Car qui dit société prospère dit menace extérieure. Une fois la communauté d’Amanzi installée dans une relative prospérité, elle va être attaquée par la “KTM”, une bande de motards dont on sait assez peu de choses et qui pillent les communautés qu’ils croisent. La façon de gérer la KTM va d’ailleurs devenir le sujet principal des tensions dans la communauté.

Motos KTM

Rapidement, on va voir apparaître trois figures de proue dans la communauté. Tout d’abord Willem, le fondateur pacifiste. De par son passé de professeur à l’université, il va entreprendre d’interroger tous les habitants d’Amanzi pour rédiger leurs mémoires, celles liées à la vie d’avant et celles relatant les différents événements d’Amanzi. Il sait que l’Homme peut être un loup pour l’Homme. Durant la période d’errance, Nico et lui ont croisé deux personnages fort peu sympathiques qui tenaient en captivité Melinda pour commettre sur elle les exactions qu’on imagine sans peine. Cependant, si Willem a voulu les stopper, c’est Nico, alors âgé de 13 ans, qui les a abattus, premier accroc dans la relation père-fils.  Willem veut croire en la bonté humaine et s’y accroche.

Entraide

Face à lui, deux figures plus guerrière. D’un côté le pasteur Ngozi qui ne cesse de hurler vengeance depuis la première incursion de la KTM et qui entre en conflit direct avec Willem à qui il reproche les nombreux actes de faiblesse. Quand la vie démocratique d’Amanzi s’organise, il devient l’opposant officiel de Willem. Considérant qu’il est impossible de se défendre efficacement face à la KTM, il promeut l’attaque. Un dictateur prêt à aller faire la guerre, en somme.

Le pasteur Greenleaf

Sauf que la force armée d’Amanzi est détenue par Domingo, le troisième homme fort de la communauté. Entraînant des hommes et des femmes à la défense de la ville, on lui devine un passé violent dont on ne saura pas grand chose avant le dernier tiers du roman. Dès son arrivée, Nico le colle pour devenir son disciple. Domingo participe à la société d’Amanzi tout en restant à l’écart de ses instances politiques. Il refuse de voter, considérant qu’en temps de crise, la démocratie est un luxe qu’on ne peut pas se permettre. En tant de crise, il vaut mieux un tyran qui prend les décisions et amène le peuple dans une direction plutôt que des débats. Cependant Domingo ne veut surtout pas devenir ce tyran, il ne veut pas diriger.

L'oeil de la dictature

Car l’année du lion, au-delà de ce récit civilisationnel qui flirte parfois avec l’utopie dans sa volonté de démocratie horizontale et de société juste et communautaire, parle de politique. C’est l’histoire du rêve de Willem, ni plus, ni moins. Willem qui rêve de paix et d’une société apaisée vivant en auto-suffisance. Un professeur qui regrette que la maladie ait arrêté les progrès technologiques, se demandant jusqu’où l’Humanité aurait pu aller. Ecoute, Willem, j’écris cet article 10 ans après l’écriture du manuscrit, le roman ayant été publié en 2016, et je suis pas sûre que tu aurais aimé la suite de l’histoire. 

Progrès technologique

Le roman se passe en Afrique du Sud et la société d’Amanzi dans ses premiers temps ressemble à l’utopie dont rêve Deon Meyer, l’auteur. Dans les romans de cet auteur, plutôt branché polar que dystopie, suppure cette Afrique du Sud post Apartheid qui ne parvient pas à se débarrasser de son racisme primaire. Dans L’année du lion, justement, noirs et blancs vivent en communauté sans que cette couleur n’ait plus aucune importance. Il n’y a plus de société et la ville est suffisamment grande pour que chaque membre de la communauté y ait sa place.

Vie en communauté

C’est finalement ce que j’aime le plus dans les récits post-apo : la reconstruction d’une société. Souvent plus juste et égalitaire même si la tentation despotique, figurée ici par le pasteur Ngozi, n’est jamais loin. C’est une façon assez simple d’exposer ce qui nous paraît être le modèle de société idéal et les dangers qui la menacent. Le despotisme et l’agression extérieure ici. En vous basant sur mon résumé, vous pourriez penser que c’est du déjà vu. On se croirait dans The walking dead avec la menace Negan, par exemple. Et oui, ce sont peu ou prou les mêmes dynamiques mais parce qu’on envisage toujours les mêmes menaces. D’ailleurs, Negan apparaît en 2013 dans les comics The walking dead (2016 dans la série), L’année du lion est publiée en 2016. On dirait que dans les années 2010, la grande crainte, c’était l’effondrement suite à une maladie mystérieuse. Peut-être que le fait d’avoir vécu, et survécu, au Covid 19 nous a calmé sur le sujet. Ca devrait revenir dans cinq à dix ans.

Un post-apo qui débute sur un virus

Bref, que retenir de L’année du lion ? En négatif, je dirais cette écriture qui annonce ce qu’il va se passer, le point d’orgue du roman qui n’arrive pourtant que très tard : la mort de Willem. Avec plusieurs phrases de type : “si nous avions su à ce moment-là”, “si nous avions fait attention à ce détail…”. Je n’aime ni l’auto-spoil ni les romans qui me crient au visage “Retiens ça, c’est important !!”. En positif : tout le reste. C’est un bon roman dans lequel je me suis plongée avec plaisir et que j’ai terminé avec un petit pincement au coeur car j’en aurais aimé plus. Après, tout le climax final sur l’origine du virus, j’ai moyen acheté mais j’étais trop attachée aux personnages pour vraiment m’en indigner. Donc oui, si vous avez envie d’un roman post-apo et construction d’une nouvelle civilisation pour cet été, ce sera L’année du lion. 

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