Je lance une petite trilogie d’articles sur les dystopies mettant en scène des adolescents. Et pour commencer, je vous propose de parler d’Anna. Une dystopie italienne où tous les adultes sont morts et les enfants réorganisent différentes sociétés. Des tribus, plutôt. Et je vais profiter de cet article pour parler un peu de Sa majesté des mouches. Car même s’il ne s’agit pas d’une dystopie, il y a quelques ingrédients que l’on retrouve souvent dans ce type de fictions.

Une maladie qui tue tous les adultes
L’histoire d’Anna. Sicile, de nos jours. Une mystérieuse maladie apparaît et tue tous les adultes. C’est la rouge. Elle se caractérise par une forte fièvre, de la toux et des boutons rouges qui grattent sur le corps. Face à la montée de la maladie, Anna est amenée à la campagne par sa mère Maria Grazia. Elle y retrouve son tout jeune demi-frère Astor qu’elle rejette car il est le fils du nouveau compagnon de sa mère. Mais la maladie est implacable et quand Maria Grazia meurt, Anna prend Astor sous sa protection. Elle le terre dans la maison familiale pendant qu’elle part chercher de la nourriture. Anna sait que ses jours sont comptés. A la puberté, elle finira par attraper la rouge et mourir, laissant Astor seul.

De la cruauté des enfants
La série va se dérouler sur deux périodes. La période de montée de la maladie via des flashbacks et la période actuelle avec l’évolution d’Anna et un peu d’Astor. Car la disparition des adultes n’a pas rendu le monde plus tendre, bien au contraire. Anna va se retrouver aux prises avec un groupe d’enfants bleuis qui mène des raids pour une mystérieuse Reine ou encore un jumeau qui veut la garder à ses côtés afin de remplacer son défunt frère.

Une revisite de Sa Majesté des mouches
Tiens, un jumeau, ça rappelle un peu Sa Majesté des mouches. Et oui, un univers régi uniquement par des enfants qui se débarrassent peu à peu des carcans que la société leur a imposés. On va retrouver quelques figures archétypales. Comme l’enfant psychopathe et narcissique, fusion de Roger et Jack dans Sa Majesté des mouches, tandis qu’Anna tient surtout de Simon. Un enfant débrouillard, curieux, qui essaie de comprendre les mécaniques du nouveau monde sans trop s’en mêler. Même si, pour survivre, Anna comprend qu’elle doit se fondre au mieux dans les groupes et en respecter les règles tant qu’elle n’a pas atteint son objectif.

Pas de leader naturel chez Anna
Fait intéressant, il n’y a pas de “Raph”, le leader naturel et charismatique dans cet univers qui est totalement indiscipliné et en rupture avec toute civilisation. Anna peut être vue comme un Raph pour Astor mais finalement, celui qui essaie de maintenir les enfants dans la civilisation, c’est surtout Maria Grazia qui, à partir du moment où elle se sait mourante, va écrire un cahier de survie pour ses enfants. Allant même jusqu’à expliquer à la jeune Anna comment elle devra se débarrasser du corps de sa mère une fois celle-ci morte. Si vous avez du mal à visualiser le personnage de Raph, pensez à Jack dans Lost. Oui, Lost, c’est sa Majesté des mouches version adulte. Et c’est totalement assumé le show avec un personnage qui évoque le roman dès la saison 01. Raph, c’est Jack, Piggy, c’est Hugo, Jack de sa Majesté des mouches, c’est Sawyer, Roger, c’est Sayid et Simon, c’est Locke. Quant aux jumeaux qui suivent un peu docilement, ce doit être Jin et Sun et Kate… la conque ?

Quand les enfants font société
Sa majesté des mouches a servi d’inspiration pour de nombreux films ou séries. J’y fais référence à chaque fois que je vois une fiction où des enfants font société. Ou du moins essaient. Je l’avais évoqué pour Semiosis avec des adolescents qui quittent leur parents pour créer leur propre société. Je pense aussi à Sweet Tooth, une série qui a en commun avec Anna que les adultes sont menacés par un virus qui épargnent les enfants. Même si, dans Sweet Tooth, il reste des adultes et les gangs des enfants se développent autour d’une figure paternelle (Gros Balaise) ou maternelle (Aimée). D’ailleurs, le but de Gus va être de retrouver sa mère. A noter que comme dans Sweet Tooth, les enfants ne sont pas à l’abri de mutilation. Si Gus ne perd qu’un bois, amputation plus humiliante que douloureuse, Anna, elle, va perdre un bras.

Des enfants sans le vernis de la civilisation
Car Anna, tout comme sa Majesté des mouches ou la série Society qui était une sorte d’adaptation de sa Majesté des mouches mais version lycéens qui aiment quand même faire la fête, les potins. Et laQueen prom en supplément. Je n’avais pas aimé Society mais on y retrouvait quand même un ingrédient important : la cruauté des enfants et adolescents. Dans sa majesté des mouches, le personnage de Roger symbolise la violence humaine, d’abord soumise au vernis social, au tabou du meurtre. Sa trajectoire est intéressante car il profite d’être littéralement le bras armé d’une autorité pour commettre le meurtre qu’il se retenait de commettre jusque là. Dans Anna, si le jumeau survivant fait preuve de cruauté, il est largement dépassé par Angelina. Une jeune fille très égocentrique qui a besoin d’être le centre d’attention en permanence et… Une véritable psychopathe. Avant l’arrivée de la rouge, elle provoque la mort d’une petite fille et n’en éprouve ni peine ni remord. Son charisme lui permet de créer un clan autour d’elle et n’hésite pas à tuer ou mutiler ceux qui lui déplaisent. Un dernier clan, celui de l’Etna, qu’on aura à peine le temps de voir fera également preuve d’une cruauté gratuite.

Les enfants, c’est fait pour jouer
En parallèle, les enfants restent des enfants et l’insouciance perle régulièrement. Astor est un petit garçon qui joue et qui croisera dans ses pérégrinations un autre garçonnet qui a remplacé les adultes par des marionnettes. Dans Sa Majesté des mouches, les enfants survivants sont constitués de quelques grands, 9 ou 10 ans, et de petits, 6 ans. Les petits sont globalement une masse sans nom, à une ou deux exceptions près, et sont caractérisés par leur totale insouciance. Ils jouent, sont incapables de se consacrer à une tâche sur un temps long. Et l’histoire du monstre qui hante l’île tient presque de la fable que l’on se raconte au coin du feu.

Les rites pour combattre le monstre
Dans Anna, s’il n’est pas question de monstre au sens propre du terme, nous avons tout de même notion d’un rite qui permettrait aux enfants de ne pas contracter la rouge. C’est Angelina, dans son délire égotique, qui crée des cérémonies dont elle est systématiquement au centre pour faire fuir la rouge. Elle met notamment en scène une adulte, Katia, qui a échappé à la Rouge, car son caractère hermaphrodite a neutralisé ses hormones. Même si elle a de a barbe. Katia se considère elle-même comme un monstre, ce qui n’est pas le cas des autres personnages.

Reprendre les grands thèmes pour les réinjecter dans son oeuvre
L’auteur d’Anna, Niccolo Ammaniti, semble donc avoir listé les éléments de Sa majesté des mouches pour les adapter dans son oeuvre post-apo en période d’épidémie. A noter que le roman Anna est sorti en 2015. Et le tournage a débuté six mois avant l’arrivée du Covid. Comme dans la Fièvre rose où toute ressemblance avec une société désorganisée par une maladie mortelle est donc fortuite. Cependant, la Rouge est inéluctable. Anna croise des camarades qui étaient avec elle à l’école qui sont atteint ou carrément morts. Elle s’occupe de son frère tant qu’elle peut, en sachant qu’elle va bientôt mourir.

Une série à découvrir
Bref une série qui ne respire pas la joie de vivre mais qui offre quelques scènes assez inspirées. Anna n’est pas incroyablement surprenant même si quelques rebondissements sont bien trouvés. Et la fin n’est pas celle qu’on aurait pu imaginer. Ammaniti a posé son univers et ne change pas les règles au cours de l’histoire pour nous raconter une histoire plus joyeuse. Les enfants faisant preuve de cruauté, tout le monde n’en sortira pas indemne. Même ceux qui ne chopent pas la Rouge. J’ai aussi apprécié la BO et quelques scènes hallucinées, notamment la danse d’Angelina. Bref, je recommande Anna. Mais aussi Il miraccolo que je chroniquerai sur mon blog Raconte-moi des histoires, également réalisé par Ammaniti.
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