En réalité, il s’agit plutôt d’une contre-utopie, un exemple même manifeste. Alors qu’en France, on s’adonne désormais aux arrestations préventives (pour crime de manifestation, pas parce qu’on les soupçonne de vouloir blesser ou tuer quelqu’un), on nous sort sans arrêt le “non mais on se croirait dans Minority Report”. Et comme je n’avais jamais vu ce film, car j’ai une culture ciné vraiment mauvaise, j’ai profité des vacances pour rattraper mon retard. Alors Minority Report, ça parle de quoi ?
La fin justifie-t-elle les moyens ?
C’est un peu la question que nous pose ce film et que je trouve fascinante. Le pitch : à Washington, un programme expérimental de lutte contre le crime permet d’empêcher tous les meurtres. Grâce aux précog, trois individus dotés d’un pouvoir de précognition, les agents du Précrime arrêtent donc les tueurs avant que ceux-ci soient coupables. Baser la justice sur la divination, c’est osé… même si tout ça semble terriblement efficace.
Un héros à l’expression monolithique
Dans cette équipe, nous avons John, incarné par Tom Cruise. J’ouvre une parenthèse : je ne suis pas tellement là pour parler du film en tant que tel mais bien le concept de dystopie ou contre-utopie intégrée dans cette fiction. Mais je ne peux m’empêcher de glisser une phrase ou deux sur le sujet. Je ne supporte plus Tom Cruise et son jeu tellement rigide. Plus jeune, je me moquais parfois de Jennifer Garner qui se contente d’ouvrir et fermer la bouche tel un poisson pour jouer une émotion…
Mâchoires serrées
Et bien Tom Cruise, c’est pareil mais l’inverse : quoi qu’il joue, c’est mâchoire serrée. Alors quand j’étais jeune, ça passait parce que “hiiii, il est beau”. J’ai jamais compris pourquoi tout le monde s’extasiait sur Brad Pitt dans Entretien avec un vampire alors que Tom Cruise était juste parfait dedans. Pour le coup, je crois que c’est le seul rôle de Tommy où je l’aime bien. Même dans Eyes wide shut, je le trouve à côté de la plaque). Mais là, il m’a saoulée pendant tout le film. En vrai, ils m’ont tous saoulée, j’ai pas bien aimé même si j’adore l’idée de départ.
Condamner d’actuels innocents, futurs coupables ?
Parce que oui : peut-on condamner un innocent pour sauver une vie ? Car au moment de l’arrestation, les futurs criminels sont encore innocents… Peut-on condamner une intention ? Comment condamne-t-on quelqu’un qui n’a rien fait ? Surtout que je rappelle que ces crimes sont prédits par des entités dont on sait peu de choses. On découvre au fur et à mesure du film qu’il n’existe pas qu’un scénario, il y a plusieurs possibilités. C’est le “rapport minoritaire”, Minority report en anglais. Il existe donc une possibilité que le crime prédit n’arrive pas…
Quel prix payer pour sauver des vies ?
Et en fait, c’est le seul trait de génie que je trouve au film. Sans en révéler les grandes axes, la brigade Précrime se révèle assez peu vertueuse pour certaines raisons sauf que… on en revient à ça : la fin justifie-t-elle les moyens ? La folie des personnages a, sur le papier, un noble but : empêcher le crime. Leurs actions semblent certes en contradiction avec leur objectif mais peut-on sacrifier une vie pour en sauver des dizaines d’autres ? Peut-on renonce à la justice pour éviter des crimes atroces ? Parce que oui, la justice punit les exactions, pas les soupçons d’exaction et c’est précisément l’élément dystopique de ce film. Ce n’est pas la justice des hommes qui condamne mais une poignée d’entre eux qui prétendent qu’un individu va commettre un meurtre. Si le film commence sur un crime imminent ou à peu près, ce n’est pas systématiquement le cas. Doit-on accepter que le fait de sauver des vies passe par le sacrifice éventuel d’innocents désignés par erreur par la machine ? Des gens qui ne seraient pas allés au bout de leur pulsion meurtrière ? Car il est expliqué que les crimes empêchés sont spontanés, seul un cas est un meurtre avec préméditation.
Un film qui ne répondra pas à sa question initiale
Bref, je n’ai pas adoré Minority Report que je trouve assez convenu. La structure narrative extrêmement classique. Tom Cruise m’a énervée sauf dans la scène de la piscine, la seule où il joue pas les durs, sourcils froncés et mâchoire serrée. Les plot twists sont intéressants mais mal fagotés. Bref, ne reste que cette interrogation : la fin justifie-t-elle les moyens. Et je n’ai pas de réponse.
Si tu ne l’as pas lu, je te conseille de compléter avec la nouvelle originale de Dick, qui est logique contrairement au film et explique vraiment le coup du rapport minoritaire !
Ca me fait penser que je dois recharger mes bouquins de Dick sur ma liseuse 😉 Merci ! (un jour, je reprendrai le métro et je réutiliserai ma liseuse)