Imaginez une ville sur la Lune, sous dôme. Une ville où évolue une jeune femme futée, flirtant avec la légalité, qui connaît tous les rouages de la cité. Bienvenue à Artemis, ville lunaire, sorte d’attraction touristique géante. Une ville qui va rapidement s’organiser comme n’importe quelle ville sur Terre avec ses riches et ses plus pauvres. Et qui va faire l’objet de pas mal de convoitises.
Une cité lunaire au coeur d’un complot
L’histoire. Jazz vit à Artémis, cité lunaire depuis sa naissance. Obsédée par l’idée de se faire de l’argent, elle profite de son job de livreuse pour se livrer à de petits trafics innocents. Ses talents lui valent d’être repérée par un de ses clients milliardaires. Il lui propose une mission dangereuse qui va lui rapporter un million de GDP, la monnaie locale. Jazz fonce mais ne se doute pas qu’en agissant ainsi, elle va provoquer une mafia décidée à se débarrasser d’elle et déterrer un complot politique.
Une société très hiérarchisée
Artemis est donc plus un thriller qu’une dystopie. Mais Andy Weir, l’auteur, ne manque pas de nous décrire la société d’Artemis et c’est précisément ce qui m’intéresse. Artemis est socialement très hiérarchisée. Il y a les riches qui vivent dans les beaux quartiers, dans des demeures spacieuses. Et les pauvres qui dorment dans de minuscules capsules. Jazz appelle le sien “le cercueil”. Hé oui, sur la Lune, le travail de construction n’a pas le même coût que sur terre donc la place est surtout réservée à l’élite et aux touristes. Qui font eux-mêmes partis d’une classe aisée, on se paie pas un billet pour la Lune comme ça. A partir de là, on voit clairement que l’histoire de Jazz, c’est avant tout l’histoire d’une petite prolo décidée à grimper l’échelle sociale. Y compris par des moyen peu légaux.
Un pouvoir dans les mains d’une seule femme
Mais comment fonctionne cette société ? Côté organisation, on va avoir des guildes de métiers assez puissantes qui rendent difficiles toute velléité d’indépendance. Ainsi le père de Jazz, soudeur, galère parce qu’il refuse de rejoindre la guilde des soudeurs qui n’hésite pas, en retour, à lui faire une réputation pourrie pour l’empêcher d’obtenir des contrats. De la même façon, il y a un ordre de ceux qui ont le droit de sortir en tenue spatiale hors de la ville. Ordre que Jazz échoue à rejoindre malgré sa tentative. Côté ordre et politique, il semble y avoir un policier sur Artémis, Rudy, le Canadien habillé façon police montée, et une dirigeante. Fondatrice de la ville, elle règne dessus d’une main de maître. La justice, c’est elle. Ainsi, quand Rudy veut expulser Jazz sur terre, elle s’y oppose et la jeune femme reste dans la station.
La bagarre post-pétrole
La Lune va s’avérer être un gros gâteau de ressources naturelles à partager entre plusieurs sociétés. Alors que Jazz collabore avec Landvik pour remporter le marché de l’aluminium, une autre entreprise chargée de l’extraction va se faire de gros dinaros avec toute une mafia derrière qui ne va pas vouloir perdre son monopole. La question des enjeux énergétiques est souvent importante dans les dystopies d’anticipation. Déjà parce que les auteurices imaginent l’ère post-pétrole en lui substituant une nouvelle source d’énergie, parfois issue d’un matériel que l’on ne connaît pas encore.
Une ville aux règles très précises et sensées
Artémis n’est certes pas une dystopie mais elle offre quelques ingrédients intéressants et voici le dernier que je voulais évoquer : les règles de vie au coeur de la cité. Andy Weir s’adonne à la hard science et se montre très précis sur nombre de règles que l’on va découvrir tout au long du récit car vivre sur la Lune sous cloche peut être potentiellement mortel si la ville subit un grave dysfonctionnement. Les interdits et mesures de précaution servent le récit, certes, mais elles ont un sens. Dans les dystopies, surtout celles traitant d’autoritarisme, les personnages sont soumis à certaines règles mais certaines sont un peu… Là pour arranger le narrateur mais n’ont pas vraiment de sens réel. Genre dans The 100 où on a besoin que des personnages soient casqués pour un rebondissement mais après, ce n’est plus utile donc la règle saute. Par moment, Artémis m’a un peu fait penser à du cyberpunk, même si ça n’en est pas, notamment la ville qui m’évoquait vaguement la station spatiale touristique dans le Neuromancien. Ou Phloston Paradise mais sans opéra et vu du point de vue du personnel. J’aimerais trop lire ça…
Une héroïne un peu trop douée dans tout
Artemis est un petit roman rapide à lire, au style efficace. Jazz est très cynique et le roman étant raconté à la première personne. Disons que certaines de ses vannes sont très bonnes et d’autres… on fera preuve d’indulgence. Elle est parfois un peu trop parfaite et dégourdie. Et je ne comprends pas bien l’obsession d’Andy Weir pour la réputation sulfureuse de son héroïne. D’origine saoudienne, elle se détache du traditionnalisme de son père, notamment en buvant de l’alcool et en ayant des relations sexuelles avec plein de mecs. Pourquoi pas. Sauf que si on la voit régulièrement consommer de l’alcool, elle n’a aucun rapport sexuel ni même rapport de séduction durant tout le roman. Un de ses acolytes lui donne un préservatif réutilisable dans le récit car elle est sexuellement active. Sauf que non. Et à chaque fois qu’ils se croisent, cette histoire de capote ressort alors que ça ne sert à rien. Ah oui, le dit personnage est amoureux de Jazz mais…
Des détails peu utiles mais un roman efficace
Et le roman regorge de quelques éléments dont l’utilité m’échappe un peu. La correspondance entre Kelvin, la relation entre Jazz, Dale et Tyler. Des éléments livrés par sa correspondance avec Kelvin mais… nous partageons littéralement ses pensées, nous ne pouvons avoir des éléments supplémentaires sur Jazz via un autre média, ça n’a pas de sens. Mais il n’en reste pas moins que la rigueur des détails scientifiques m’a donné envie de visiter Artemis. J’avais des images très précises en tête. Et cette petite balade au sein de la cité lunaire m’a séduite. Un roman efficace à découvrir.