La dystopie du gigantesque : Starmania

Une comédie musicale dystopique ? C’est le célébrissime Starmania, drame amoureux dans une mégalopole inhumaine

En 12 ans de blog, je réalise que je n’ai jamais parlé de Starmania, oeuvre qui a une place majeure dans ma vie. Et ce pour deux raisons. A partir du moment où j’ai commencé à écouter Starmania, j’ai arrêté d’écouter de la soupe commerciale genre Dance Machine juste pour être comme les autres. Mais surtout ça a quand même drôlement influencé mon imagination. Mais Starmania, c’est quoi donc pour commencer ? C’est ce que j’appellerais une dystopie du gigantesque. En gros.

Starmania, Nanette Workman et Daniel Balavoine

Opéra rock et syndrome de Stockholm

Le premier album sort en 78. Mais l’histoire débute bien avant, en 74. Patricia Hearst, riche héritière d’un magnat de la presse, est enlevée par un groupe d’extrême gauche, l’armée de libération symbionaise. Mais rebondissement ! La jeune héritière est victime du fameux syndrome de Stockholm et rejoint la cause de ses ravisseurs. On lui prête d’ailleurs une liaison avec l’un d’entre eux. Inspiré par cette histoire presque romanesque, Michel Berger décide d’écrire un opéra rock. Je dis presque romanesque car il y a eu deux morts et il semble acquis que Hearst a été bien maltraitée au départ. C’est du romanesque façon After ou 50 shades of grey, à peu près. Donc les années 70, c’est le triomphe de Hair, Jesus Christ Superstar, The Rocky Horror Picture Show… Il écrit une première version appelée Angelina Dumas et que j’ai découverte lors de la comédie musicale Résiste. Il n’arrive pas à ses fins et il décide de contacter un jeune parolier québécois, Luc Plamondon, pour l’aider à écrire ce fameux opéra rock.

Michel Berger et Luc Plamondon, auteurs de Starmania

Une histoire de zonards

Monopolis, capitale du monde occidental. La populace vit dans les souterrains tandis qu’au-dessus de leurs têtes se dressent les immenses tours des millionnaires. Notamment celle du businessman mégalomane Zero Janvier, tour dorée de 121 étages au sommet duquel se trouve la boîte de nuit tournante Naziland. J’admets que tout n’est pas subtil. Dans les souterrains, Marie-Jeanne est serveuse à l’Underground café. Parmi ses clients, Ziggy, homosexuel qui veut devenir danseur ou chanteur et dont elle est folle amoureuse. Dans son café naviguent également les Etoiles Noires (inspirées de la Bande à Baader, Brigades Rouges, etc.). Leur leader, Johnny Rockfort (oui, je sais…), est conseillé par Sadia, un.e travesti.e . Je précise : le genre de Sadia est très obscur. Il y a la symbolique du travestissement de la “fille à papa” telle que définie par Marie-Jeanne déguisée pour rester anonyme. Mais il est parfois sous-entendu qu’il s’agirait d’un homme. Le rôle a toujours été joué par des femmes dans les versions officielles donc je vais dire “elle”. Les étoiles noires zonent au café entre deux braquages et une explosion quand un jour, ils entendent Ziggy parler de son désir de passer dans Starmania.

Ziggy et Marie-Jeanne - Frank Sherbourne et Luce Dufault

De la téléréalité et un coup de foudre

Qu’est-ce que Starmania ? Alors oui, c’est la Star Académie russe (pour de vrai). Mais dans l’histoire qui nous intéresse, c’est une émission télé où des inconnus viennent se produire pour devenir des stars (le 1er album est sorti en 78…). Sadia entend le projet de Ziggy et décide d’appeler la présentatrice, Cristal, pour lui proposer une interview exclusive de Johnny. Ce qui devait arriver arriva. Cristal est kidnappée par les Etoiles Noires (bien que dans les premières versions, elle suit Johnny après un coup de foudre). Peu importe, à la fin, elle tombe amoureuse de lui et décide de rejoindre les Etoiles Noires. Ce qui exaspère Sadia qui perd son rôle de bras droit.

Trio de la jalousie, Starmania. Bruno Pelletier, Judith Berard, Jasmine Roy

Le businessman mégalo et l’actrice

PENDANT CE TEMPS. Zéro Janvier, businessman mégalomane qui aurait voulu être un artiste, se lance en politique pour être Président de l’Occident. Attend… un milliardaire… qui a une tour…. qui a un problème très libéro-progressiste qui veut que l’homme ne soit plus “esclave de la nature”… Donc je rappelle : 1978 le premier album. Pour réussir son projet, il prend en égérie puis compagne Stella Spotlight, une actrice en fin de carrière, angoissée par la vieillesse. Et elle rêve de mourir sous les spotlights. A peine a-t-il eu le temps de se présenter qu’il part direct en interview. Mais celle-ci est interrompue par un message pirate de Cristal qui annonce qu’elle fait désormais partie des Etoiles Noires.

France Gall est Cristal dans Starmania

Fiançailles, fête et attentat

Je rushe la fin car cet article est trop long. Cristal et Johnny décident d’aller faire sauter une bombe au Naziland, la boîte de Zéro Janvier, le soir où celui-ci célèbrera ses fiançailles et sa victoire électorale. Sauf que Sadia, revancharde, va prévenir Zéro Janvier et embarque Ziggy au Naziland pour qu’il fasse DJ. Les Etoiles Noires essaient de commettre leur attentat mais Cristal meurt. Soit défenestrée, tuée par balle, par une bombe ou carrément étranglée par Zéro qui n’a pas le temps de niaiser. Johnny est arrêté, Zéro gagne, Stella va plus ou moins se suicider (clairement dans la première version, moins dans les suivantes) et Marie-Jeanne, abandonnée par Ziggy devenu DJ, décide de quitter Monopolis pour aller faire pousser des tomates.

Franck Sherbourne et Isabelle Boulay lors de la 500 eme de Starmania. FRANCE - 26/10/1995.

Mégalopole et mégalomanie

Alors pourquoi je dis que c’est une dystopie du gigantesque ? On ne sait pas vraiment quand ça se passe. C’est censé être plus ou moins contemporain mais on a cette mégalopole, sorte de mélange entre New York (les gratte-ciels) et Montréal (la ville souterraine) et ce businessman qui fait des affaires sans qu’on sache trop dans quoi et qui n’arrive jamais à éteindre sa soif de pouvoir. Il y a l’aspect futuriste de la ville et les costumes de la dernière version réalisés par Philippe Guillotel appuient cet aspect là. Mais les thématiques sont dans le temps des années 70, entre terrorisme d’extrême-gauche et totalitarisme… Et ça le reste furieusement aujourd’hui. Je crois que c’est le plus flippant dans Starmania : ça aura 40 ans l’an prochain et c’est toujours autant furieusement d’actualités. Et je suis pas la seule à le dire.

La troupe de Starmania 88

Et alors, pourquoi je vous parle de Starmania ? Oh juste parce que je suis retombée dedans récemment. Et c’est pas fini…

21 thoughts on “La dystopie du gigantesque : Starmania

    1. Well, I thought Starmania was a russian tv show but Wikipedia told me it was austrian. So I don’t know why I thought it was russian 😀 (but these albums still appear on Spotify when I’m looking for « Starmania »)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *