Les uchronies, moi, j’aime ça. D’ailleurs, j’en profite pour vous conseiller Civilizations de Laurent Binet. Qui n’a pas vraiment sa place ici mais qui est bien agréable à lire donc go. Là, je vais parler d’une uchronie assez étrange puisque, dans sa diégèse, il existe une uchronie qui raconte presque la vraie Histoire, telle que nous l’avons vécue. Aujourd’hui, nous allons donc parler du Maître du Haut Château de Philip K. Dick. Une oeuvre qui peut laisser perplexe, comme toutes les oeuvres de K. Dick.
Si les Nazis avaient gagné…
Alors résumé du roman. Oui du roman parce que la série, j’ai pas tenu plus de trois épisodes mais je retenterai peut-être à l’occasion. Les Etats-Unis ont perdu la Seconde guerre mondiale et sont désormais sous le joug d’une coalition germano-nipponne. Nous allons suivre plusieurs personnages qui évoluent dans cet univers alternatif mais qui courent tous après un récit légendaire, un roman interdit, Le poids des sauterelles. Ce roman est une uchronie qui raconte qu’en fait, les Etats-Unis ont gagné la Seconde guerre mondiale. Ohlala, quelle mise en abîme. Mais attention. Si l’on sait peu de choses de ce roman, il ne décrit pas non plus la vraie histoire telle que nous la connaissons. Il s’agit vraiment d’une autre uchronie où un conflit émerge entre Britanniques et Américains.
Un roman plus puissant qu’il n’y paraît ?
Ce livre est si sulfureux que les nazis souhaitent en éliminer l’auteur, Hawthorne Abendsen, qui vit dans un haut-château. Le personnage de Juliana, jeune Américaine divorcée d’un juif qui cache sa religion, et amoureuse d’un jeune Italien, va finir par rencontrer l’auteur. Mais en réalité, comme tout livre de K. Dick, le McGuffin est relatif. Ce livre, qui suscite un fort débat chez ses lecteurs, contient-il un message caché ? A-t-il une dimension mystique ? Et bien… lisez le roman. Mais il existe néanmoins une mise en abîme intéressante. L’auteur, par un truchement particulier, dit à ses personnages que leur univers est fictionnel.
Technologie et autoritarisme
Alors maintenant que l’histoire est posée, voyons un peu à quoi ressemble cet univers alternatif. Côté dystopie, nous ne sommes pas dans une riante démocratie. Le génocide s’étend sur l’ensemble de la planète et l’ex-mari de Juliana, Frank, tente tant bien que mal de cacher sa judaïcité. Il finira par se faire prendre et on comprend qu’il risque d’y passer. Par ailleurs, la société est résolument technologique. Tout d’abord, les personnages se déplacent facilement d’un continent à l’autre grâce aux fusées allemandes, ce qui permet que tout ce petit monde se croise aux Etats-Unis, terrain conquis. Vénus, la Lune et Mars ont été colonisées par les nazis et la Méditerranée asséchée pour servir de terres arables. De l’autre côté, les Américains, empreints d’un complexe d’infériorité, acceptent la défaite et font commerce de leur artisanat avec les vainqueurs. Un des personnages est en charge de vendre des “antiquités” américaines à un acheteur japonais particulièrement friand. Il s’agit notamment d’armes, donnant la sensation au lecteur que les Etats-Unis sont définitivement une puissance du passé, surdominée par la coalition victorieuse.
D’autres visions de la guerre froide
K. Dick réécrit également la guerre froide. On le devine dans Le Poids des sauterelles avec, donc, un conflit entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, reprenant peu ou prou la vraie histoire de la guerre froide. Mais dans l’univers fictionnel du Maître du Haut Château, les relations entre l’Allemagne et le Japon sont plus que tendues, le monde semble prêt à basculer dans un nouveau conflit meurtrier. Sauf qu’à la place des bombes nucléaires, on aura les fusées V2 des Allemands. Pour rappel, le livre a été publié en 1962, l’année de la crise des missiles de Cuba donc au paroxysme des tensions entre bloc de l’est et bloc de l’ouest. K. Dick semble donc relire le monde dans lequel il évolue en changeant les pions de place. Si l’Allemagne et le Japon avaient gagné… bah, ça n’aurait pas tant changé que ça.
Un étrange mélange… à déguster
Bref, Le maître du Haut Château est parfois un peu complexe à lire car il mélange une collection de faits historiques déformés et, pour certains, oubliés. Oui, je ne savais pas avant de lire ce livre qu’il y avait vraiment eu un attentat contre Roosevelt. Par dessus la réécriture de l’histoire, on va avoir une lichette de Yi-King et une étrange mystique puisque le Poids des sauterelles reste une énigme. Après, c’est du K.Dick, une lecture toujours un peu confuse. Mais si vous aimez les uchronies et que vous n’avez pas encore lu celle-ci… foncez !
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