Dominion, l’uchronie so British

Une petite uchronie ? Dans Dominion, CJ. Samson change un 1er Ministre Britannique… Et voici l »Angleterre acoquinée avec les nazis

Je n’ai jamais bien maîtrisé l’histoire britannique. A l’école, ça n’intéressait ni les profs d’histoire, nous enseignant un programme follement franco-centré, ni mes profs d’anglais nous faisaient toujours apprendre des textes sur Ellis Island et le SIDA. Oui, je suis née dans les années 80. Depuis quelques années, je retombe régulièrement et par hasard sur des romans me parlant du Blitz. Du coup, je commence à avoir une idée assez sommaire de la vie en Angleterre au début de la 2e Guerre Mondiale. Maintenant, on va tout chiffonner et on va découvrir une autre histoire. Celle que me raconte Dominion. Celle où l’Angleterre aurait choisi de collaborer plutôt que de combattre le IIIe Reich.

Dominion de CJ Sansom

Un premier Ministre change et toute l’Histoire du monde bascule

L’histoire tient à peu de choses. Pour C.J. Samson, auteur de Dominion, il a suffi d’un seul élément pour basculer dans cette uchronie. En 1940, après la débâcle en Norvège, ce n’est pas Churchill qui succède à Chamberlain mais Halifax. Celui-ci, marqué donc par la défaite en Norvège ayant entraîné la démission de son prédécesseur, sonne la fin de la récré. Pas de guerre contre l’Allemagne nazie mais une collaboration. Le roman débute, lui, en 1952. Nous allons suivre David, fonctionnaire en charge des dominions. Malheureux depuis la mort de son jeune enfant quelque temps plus tôt, il va finir par rejoindre la résistance. Réalisant d’abord de simples tâches d’espionnage au Ministère où il travaille, ses missions vont peu à peu se corser. Jusqu’à entraîner ses proches dans les pires des tourments.

Un Britannique à la mode dans les années 50

Quelques ingrédients dystopiques ?

Bon, voici un résumé très succinct du roman. J’ai hésité à en parler ici car peut-on approcher ce roman d’une dystopie ? La marche du monde dans Dominion varie finalement assez peu puisqu’en 1952, Hitler est dépeint comme vieillissant, aux portes de la mort. Et on a parfois l’impression que ce roman imagine la vie en Angleterre si elle avait subi le même sort que la France collaboratrice. L’auteur admet que sa principale source d’inspiration pour le volet Résistance du roman était justement la Résistance française. Il n’y a pas de gros changements de paradigmes. Si je compare à une autre uchronie sur la 2e guerre mondiale, Le maître du Haut Château la face du monde n’est pas tant bouleversée que ça. D’ailleurs, le roman insiste à plusieurs reprises sur le fait qu’Hitler est au plus mal et que sa mort pourrait être une catastrophe pour les nazis. 

Le vieil Hitler

Une autorité toute puissante

Et c’est là qu’on retrouve tout de même une ambiance plus dystopique avec une figure de chef toute puissante et une résistance qui refuse l’ordre établi. Même si, ici, le chef tout puissant n’est qu’un nom qui apparaît de ci, de là. Les personnages parlent d’Hitler mais il n’est jamais présent physiquement. On est à la limite du Big Brother de 1984, une sorte de leader métaphorique. D’ailleurs, on apprend qu’Hitler ne fait plus guère de sorties publiques, certains se demandent même s’il est encore en vie. Mais plus que la figure d’un chef tout puissant, Dominion nous parle de compromission. Les personnages du roman n’ont pas souffert de la guerre. Le black-out du début de la guerre a duré une poignée de jours et le plus grand traumatisme anglais est cette fameuse guerre de Norvège perdue contre les Allemands. Les personnages que l’on suit sont d’ailleurs installés dans une petite bourgeoisie. David et son épouse Sarah ont une maison, ils ont eu un enfant et avaient une vie heureuse. Lui travaillant, elle s’adonnant à des œuvres de charité pour les enfants pauvres. Cependant cette paix a un coût : en 52, les Juifs anglais sont finalement déportés. Et certains personnages qui ne s’étaient pas questionnés plus que ça sur la collaboration commencent à douter. 

Une résistance très politique

Et nous voici donc sur la question de la résistance, sujet cher à mon coeur et qui est un ingrédient essentiel des dystopies. De ceux qui doutent à ceux qui agissent contre l’ordre établi. Même si, dans Dominion, personne ne va oeuvrer pour aider les Juifs, finalement. La Résistance est là pour aider Churchill avant tout. C’est une vraie lutte de pouvoir qui concerne assez peu le sort des civils. On se bat contre le pouvoir allemand. On regrette ce qui se passe pour les Juifs mais personne ne se dit que ce serait une bonne idée d’essayer de les planquer pour éviter qu’ils ne soient raflés. Leur sort émeut mais fait peu réagir. Et ceux qui s’opposent à leur arrestation sont plus des quidams que de vrais Résistants, occupés à de nobles missions. C’est d’ailleurs le cas de David qui doit extrader un de ses anciens camarades d’université aux Etats-Unis car il a connaissance d’un secret qui intéresse fort les Allemands.

James Bond, espion britannique

Une résistance peu violente

C’est précisément sur ce sujet de la résistance que j’estime que ce roman a sa place sur ce blog. Dans Dominion, la résistance ne naît pas d’un sentiment d’injustice individuel. Les personnages que l’on suit ne subissent pas la domination allemand dans le sens où ça ne nuit pas à leur confort de vie. Ce n’est pas Hunger Games, par exemple. Il ne s’agit pas non plus de personnages qui font vaciller le système car plus ou moins incompatibles avec celui-ci. Genre Un bonheur insoutenable, Le passeur, Divergente. D’ailleurs, sur la première partie du roman, la résistance n’est pas guerrière ou violente. David s’occupe de faire des photos de documents top secrets. Ce n’est que lorsque la poche résistante est découverte que ça bascule dans la violence. Bref, une vision de la résistance différente, très bureaucratique, mais pas inintéressante. La résistance française a aussi été constituée de ce type d’actes.

Mini-camera

Des motivations peu claires

Finalement, le seul point un peu obscur sur ce roman, c’est précisément la motivation des personnages à entrer dans la lutte. Les personnages que l’on suit, je précise. Ils n’apprécient pas les nazis mais le sort des Juifs les révolte doucement. David a surtout peur pour sa pomme car à moitié juif mais aucun personnage ne sait vraiment ce qui se passe pour les Juifs déportés. L’un d’entre eux balance à un moment qu’il est persuadé qu’ils sont tués, les autres lui répondent “ah, tu crois ? Passe-moi le pudding”. Quasi littéralement. Une relative paix règne en Europe, les nazis ne poursuivant la guerre que sur le front russe. Finalement, les Résistants que l’on comprend le mieux, ce sont les patriotes qui ne veulent pas d’Allemands chez eux. Pour David, on dirait surtout que c’est une tentative de reprendre en main sa vie après le décès de son fils. Pourquoi pas…

Dominion de CJ Samson

Une uchronie rigoureusement historique

Dominion est une très bonne uchronie que je recommande. A travers les lignes, on perçoit le travail colossal de recherche effectué par C.J. Samson. Déjà sur l’histoire de l’Angleterre : à la démission de Chamberlain, Halifax et Churchill étaient pressentis pour succéder et Halifax était bien sur une ligne de collaborer avec les nazis. Le réseau de résistance, ses figures et ses méthodes sont si réalistes que plusieurs fois, j’ai dû faire l’effort intellectuel de me rappeler que cette résistance-là n’a jamais existé. Et on retrouve quelques vrais éléments historique comme le grand smog de 52 dont je ne savais que peu de choses, à part ce que j’en avais vu dans The Crown. Donc si vous aimez les uchronies “réalistes”, foncez. 

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