Karma City, la dystopie de la bonne citoyenneté

A Karma City, seuls les citoyens à karma élevé peuvent entrer. Une façon d’encourager les bons comportements. Mais…

Il est temps de terminer ma semaine du bonheur avec une nouvelle fausse utopie. En BD cette fois-ci avec Karma City de Pierre-Yves Gadrion. Une société qui, à priori, récompense ses bons citoyens, ça sonne bien. Même s’il y a de suite un bon goût d’autoritarisme qui n’est pas sans rappeler un mythique épisode de Black Mirror ou… la Chine. Car sous ses airs idyllique, Karma City dissimule de biens sombres secrets.

Karma City de PY Gandrion

Une ville qui marche au karma

L’histoire ! La jeune capitaine Cooper intègre la police et doit enquêter sur la mort d’Emma List, une archéologue tuée dans un accident de voiture. La jeune femme semble avoir été victime d’un AVC, comme d’autres habitants de la ville. Outre cette épidémie d’AVC, les dernières heures d’Emma suscitent la suspicion de Cooper. Se présentant avec un karma légèrement négatif aux portes de la ville, elle a prétendu avoir grondé son enfant, perdant des points de karma. Mais Emma n’a pas d’enfants. Cooper veut donc creuser cette histoire malgré les freins de sa hiérarchie et la difficulté de gérer Napoli, un membre de son équipe genre cowboy solitaire borderline.

Encourager les comportements vertueux

Karma City va donc pas mal sanctuariser le “bon comportement”. On est sur une histoire assez classique d’une cité créée sur les ruines d’un monde qui s’est auto-détruit. Pour éviter que cela se reproduisent, on va donc partir sur un système de karma, mesuré par une montre. De fait, Karma City n’est accessible qu’aux citoyens au karma irréprochable. Ceux au mauvais karma sont relégués dans des zones moins reluisantes. Oui, ça a un goût de clivage de classe, un peu. Sauf que contrairement à un Gattaca, ce sont vos actions qui déterminent de quel côté vous vous trouvez et pas votre capital à la naissance. Le principe est assez simple : récompenser les bons citoyens et donc encourager les comportements vertueux.

Un traqueur au poignet

Le karma est donc mesuré par une montre. Ce qui, comme je le disais dans l’intro, rappelle la notation des citoyens par la Chine. Un sujet pas mal d’actualité il y a trois ou quatre ans quand pas mal de sociologues, philosophes, essayistes… qui se désespèrent des systèmes de notation partout et craignent qu’on finisse par avoir des notes de citoyenneté. Quant aux montres connectées, on les voit souvent comme des traqueurs qui pourraient se retourner un jour contre nous. Tu marches pas assez ? On va pas te rembourser tes problèmes de santé parce que tu cherches aussi ! Mais au-delà du simple fantasme de la notation ou traque du citoyen, il y a surtout la question de comment on fait en sorte de sortir l’Humain de ses pires travers ? Et curieusement, les fausses utopies choisissent toujours la coercition plus ou moins subtile. Ici, cependant, Karma City est un îlot. Toute l’humanité n’est pas contrainte de suivre ce modèle. Elle en tire juste un substantiel avantage si elle joue le jeu. 

Un système détourné

Mais évidemment, l’enquête de Cooper révèle assez rapidement que le système ne fonctionnent plus car pas mal de nantis le détournent. Ceux victimes d’AVC pour l’essentiel. On a donc un système dévoyé par une caste de profiteurs eeeet… des résistants ! Une société secrète qui oeuvre pour proposer une autre société, sortir de Karma City qui a atteint ses limites. Et ce groupe secret travaille avec… une IA.

L’IA en mode autonome

Car oui, l’histoire de Karma City, c’est aussi le classique d’une IA ou d’une technologie qui dépasse son créateur. Le premier volume tient surtout de l’enquête policière avec une bonne couche de corruption… et aussi une histoire de viol qui ne sert à rien. Arrêtez avec ça. Alors que le deuxième part plus dans une réflexion quantico-philosophique et gros trips visuels que permet le format BD. Pas aussi perché que Rev mais pas mal quand même… On en revient à une réflexion que la nature naturellement corrompue de l’Humain, cette question de ce qui fait l’Humain qui anime de nombreuses dystopies.

Une BD à découvrir !

Bref, Karma City est plutôt une BD en 2 tomes assez sympa même si c’est parfois un peu compliqué pour rien. Et les personnages sont assez caricaturaux, notamment Napoli, le flic cowboy. Archétype que je supporte très mal. Mais les réflexions sont intéressantes et la BD mérite le détour rien que pour les questions qu’elle soulève. Je regrette un peu que la ville ne soit pas plus présente mais ce n’est pas tant le sujet, finalement. 

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