Clear, la dystopie qui se voile la face

Dans Clear, la réalité se cache derrière des voiles virtuels. Une BD flashy, très esthétique mais manque un peu de logique.

Depuis que j’ai décidé de me mettre aux BD, je suis une élève assez appliquée. Entre la bibliothèque et le rayon BD du magasin culture & loisirs près de chez moi, j’ai de quoi m’occuper. Le choix de la BD relève souvent du hasard, de l’intuition. Je feuillete vite fait, me fais vaguement une idée. Si j’aime l’ambiance graphique, je peux céder. Si on me parle d’univers dystopique, ça devient irrésistible. Et c’est ainsi que je suis entrée en possession de Clear, une BD généreuse en couleurs.

Clear, BD

L’histoire. San Francisco 2052. Dunes  est un détective privé aux méthodes brusques qui agit avec un casque sur lequel il a apposé les empreintes rouges de ses paumes. Il vit dans un futur proche où une technologie, les voiles,  permet d’appliquer un masque à la réalité afin d’y apposer des layers et voir ce que l’on veut. Sauf que Dunes, il ne veut pas fuir la réalité, il veut la regarder toute sa laideur droit dans les yeux. Il est « clear ». Mais un jour, il apprend le suicide de son ex-femme, ingénieure qui travaillait justement à créer ces filtres magiques. Ne croyant pas à la version officielle, Dunes part mener l’enquête.

Dunes dans Clear

Passons rapidement sur l’aspect polar noir qui ne va pas m’intéresser pour cette chronique et penchons-nous sur cette nouvelle technologie. Clear propose une esthétique cyberpunk avec des couleurs très vives qui tranchent avec l’atmosphère sombre de la ville. Les moments de clarté sont rares, permettant une pause contemplative dans le récit. L’avantage de la BD, c’est que tu peux créer une ville à l’air futuriste assez facilement, sans créer un étrange décalage de type “ça se passe dans 15-20 ans mais tout le monde roule toujours en Peugeot 306.”

San Francisco 2052

Alors que s’est-il passé depuis notre époque ? Une révolution technologique, d’abord. Par un procédé qui ne nous est pas expliqué, les Humains ont été directement connectés à Internet. Ce qui a permis à terme de proposer la technologie des voiles. Puis une guerre clair contre la Chine, rapidement remportée par celle-ci après un piratage des missiles américains qui sont tous revenue direct à l’envoyeur. Brisés, les Américains se sont repliés sur eux-mêmes, permettant l’essor des voiles.

Clear de Scott Snyder et Francis Manapul

Passons maintenant à cette histoire de voiles qui raisonne pas mal avec les dystopies du divertissement où la population préfère se réfugier dans des illusions plutôt que d‘affronter la réalité. On a ce même trope dans les dystopies impliquant de la VR comme Ready Player One ou Kiss me first. Ici, pas de jeux, juste un layer appliqué sur la réalité permettant de se projeter dans le monde que l’on veut. Rétrofuturiste, zombie… La douceur ou l’horreur, à vous de choisir. Evidemment, les voiles sont vendues par des grosses entreprises aux visées mercantiles et dans une société où l’on soumet les citoyens en les déconnectant de la réalité, qui débarque ? La résistance.

Je ne vais pas en dévoiler beaucoup sur ce sujet puisque la cavalerie arrive surtout vers la fin de la BD. On sait que tout le monde n’est pas favorable aux voiles, Dunes refuse d’en mettre par exemple. Mais l’enjeu ne semble pas si évident en début de BD. Comparons ça à un smartphone par exemple. On peut regretter l’effet addictif qu’ils peuvent avoir, se dire qu’ils isolent les gens et qu’on préfère, en conséquence, s’en passer mais… C’est ok. Au pire, des gens vont râler parce que “ah mais Didier, c’est chiant, on a un groupe whatsapp pour partager toutes les infos, c’est pénible que tu n’y sois pas”. Mais personne, jamais, n’a fomenté un plan pour espérer faire disjoncter tous les smartphones. Ou alors je ne suis pas au courant. 

Clear, go to the data center

Mais évidemment,, y a un complot, une surcouche. Attention, je vais spoiler donc si vous voulez lire Clear, go paragraphe suivant. En fait, le mode “clear” comprend déjà un niveau de filtre pour cacher, d’une part, le délabrement de la société mais aussi déguiser des employés de basse extraction, criminels de guerre, sans papiers… en “autom”, des automates qui réalisent les basses besognes. En gros, grâce à une entité mystérieuse, Dunes découvre la vérité. Comme dans Matrix ? Oui. Sauf que là, la révélation arrive aux deux-tiers du bouquin.

Clear, une BD esthétique

Alors, Clear, je recommande ou pas ? Moyennement, à vrai dire. Le dessin est très beau, j’aime l’univers proposé mais à force de ménager le suspense, on se retrouve assez vite perdu dans le récit. On ne comprend pas bien l’enjeu et on n’est pas sur que ça nous intéresse beaucoup, en fin de compte. Dunes est une caricature des détectives privés des polars noirs, pas si intéressant. Et pourtant, il y avait de l’idée mais c’est tombé à plat.

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