Bioshock, le jeu vidéo strictement dystopique

Un jeu vidéo éminemment dystopique ? C’est Bioshock, une série de jeux où des régimes totalitaires ne tiennent pas la route.

Au coeur d’une dystopie, on trouve généralement un système. Frontalement cauchemardesque ou faussement utopique, c’est selon. Au fur et à mesure de ses opus, Bioshock va nous proposer plusieurs systèmes. Tous plus effroyables les uns que les autres, malgré le rêve d’utopie de ses créateurs. Qu’il s’agisse de la ville sous-marine de Rapture ou la ville aérienne de Columbia, Bioshock raconte la chute de cité-Etat en totale autarcie où la promesse des fondateurs et des dirigeants ne tient pas la route. Avec des histoires d’egos démesurés, de drogue et de petites-filles qui font peur.

Une vue de Rapture, la cité sous-marine, dans Bioshock

L’histoire originale. Dans les années 60, Jack est le seul rescapé d’un crash d’avion en plein océan atlantique. Alors qu’il se réfugie dans un phare, construit sur un îlot au milieu de nulle part, le dernier s’enfonce dans les profondeurs de la mer. Jack découvre alors Rapture, une ville sous-marine à l’architecture somptueuse. Mais plus ou moins laissée à l’abandon, hantée par d’horribles créatures. Au fur et à mesure de son avancée dans la ville, Jack va trouver des bandes audio racontant peu à peu l’histoire de la ville. Jack sert donc ici de lapin blanc pour découvrir le fonctionnement de Rapture avant son effondrement. Et comme c’est vous qui le guidez dans un jeu en vue subjective, vous êtes littéralement aux manettes pour comprendre l’histoire de Rapture.

Bioshock, un jeu en vue subjective

Je vais néanmoins vous la compter. Du moins sur la partie système des jeux. Rapture a été fondée par Andrew Ryan, un Russe ayant échappé aux Bolcheviks et ayant fait fortune dans l’acier. Devenu milliardaire, il fonde donc Rapture à la sortie de la seconde guerre mondiale. Il prétend créer une société qui s’extrait des grandes tensions politiques, sociales ou religieuses. Elle a pour valeur clé la liberté individuelle. Pouvant s’adonner totalement à l’assouvissement de leurs propres intérêts, chaque individu doit ressentir un grand bonheur. Pour la référence, les scénaristes de Bioshock se sont inspirés de l’objectivisme d’Ayn Rand

Andrew Ryan et l'objectivisme

Evidemment, dans cette société capitaliste libre, le manque d’intérêt collectif et de règles ouvre la porte à toutes les dérives. Notamment les travaux de la généticienne allemande Brigid Tenenbaum, ancienne nazie, habituée aux expériences sur les Humains. Elle découvre l’ADAM, une drogue issue de limaces de mer qui confère quelques pouvoirs mais entraîne également des mutations. Pour cultiver l’ADAM, Tenenbaum découvre que les limaces se développent très bien… dans l’estomac de jeunes filles. De là se développe un réseau de faux orphelinats pour récupérer des petites filles, les “petites soeurs”.

Les petites soeurs dans Bioshock

Mais l’utopie de Ryan commence à se fissurer. D’abord, le manque de règles pour ne pas brimer la liberté capitaliste des citoyens permet à des réseaux mafieux de s’installer. Par ailleurs, ce capitalisme libre n’offrant aucun levier social, les plus pauvres commencent à se sentir lésés. Et Ryan nourrissant une certaine paranoïa vis-à-vis des “parasites” aka les citoyens pauvres. Ceux-ci finissent par se révolter et entraînent la ville dans une guerre civile qui mènera à sa chute.

La chute de Rapture le soir du nouvel an

Mais ce n’est pas fini puisque les deux autres jeux qui sortiront par la suite vont également proposer des “utopies” qui vont se casser la figure. Dans l’épisode 2, qui se passe quelques années après l’épisode 1, c’est la psychologue Sophia Lamb qui a pris le pouvoir et elle fonde sa société sur le collectivisme. Oui, on peut parler d’un changement radical. Mais creusons un peu le collectivisme sauce Lamb. Initialement, Lamb est arrivée à Rapture pour aider des citoyens qui avaient du mal à s’accoutumer à la vie sous-marine. Mais elle leur lavait le cerveau pour les faire adhérer à une communauté sectaire, la famille. Le collectivisme de Lamb est un peu compliqué car il est une sorte de gloubi-boulga de communisme eugéniste avec une pointe de mystique. En gros, Lamb pense que l’égoïsme humain est une question de gêne et donc la manipulation génétique permettrait de remplacer les sentiments d’attachement à sa famille par une dévotion vis-à-vis de l’Humanité.

Sophia Lamb, la dictatrice de Bioshock 2

Dans l’absolu, une communauté dévouée à son prochain, en quoi ça peut être mal ? Bon, déjà, on a le classique des fausses utopies, personne n’a choisi cet état de fait. Dans Un bonheur insoutenable ou le Passeur, on drogue les citoyens pour les rendre dociles, c’est un peu la même idée. Mais surtout, Lamb veut faire de sa propre fille une sorte de prophète super-humaine totalement dévouée au genre humain grâce à l’ADAM. Bref, le communisme de Lamb n’est pas vraiment fidèle au “vrai” communisme puisqu’il contient une forte dose de mysticisme, la famille tenant réellement d’une secte.

Bioshock 2

Et justement, attaquons le troisième opus puisque là, on rentre littéralement dans une cité-Etat gangrénée par la religion. Cette fois, on se retrouve à Columbia, sorte de ville miroir de Rapture mais dans les airs. Il y a une histoire assez compliquée de multivers que je ne vais pas détailler ici. Au pire, jouez au jeu, il est très beau. Columbia a été fondée par Zachary Comstock qui s’est auto-proclamé prophète et a étalé son culte de la personnalité partout dans la ville. Présentant sa ville flottante comme une arche destinée à sauver ses citoyens de l’effondrement qu’il prédit pour les pays d’en bas, il laisse se développer le racisme au sein de sa cité. Ainsi, Columbia est déchirée entre plusieurs factions : le mouvement de révolte Vox Populis qui réunit les minorités ethniques. On a également un mouvement de soldats qui remettent en cause le récit initial de Comstock qui se présente comme une sorte de héros de guerre alors que c’est faux. Il y a toute une histoire de prophétie à travers le personnage Elizabeth, la fille de Comstock. En somme, Bioshock Infinite propose une société fondée sur… la mégalomanie de son créateur. 

Bioshock Infinite

Quand je dis que Bioshock est un jeu dystopique par excellence, c’est parce que dans ces trois opus, nous assistons à la chute d’un système. Tyrannique, à chaque fois, avec un dirigeant qui agit pour ses propres intérêts. Y compris Lamb qui, ironie du sort, chute par là où elle pensait triompher, sur les questions de loyauté envers la famille. Selon le jeu, vous découvrez les vestiges d’un système ou vous participez à sa chute. Les scénaristes du jeu ont fait le même travail que l’auteurice d’une dystopie : imaginer un système autoritaire en poussant des curseurs puis imaginer sa chute .Et vous serez partie prenante de la chute du système puisque, selon vos choix, vous n’aurez pas droit à la même fin.

La beauté de Rapture

Bioshock attire d’abord par ses décors fous, mêlant art déco façon Metropolis, cyberpunk et diesel punk. Il y a un soupçon de Myst, aussi, dans ce jeu. Si la drogue et l’histoire des petites soeurs sont plus là pour nous plonger dans l’horreur, reste une écriture politique assez fine et intéressante. Même si les trois jeux sont diversement appréciés, rien que pour l’ambiance sonore et visuelle, allez faire un tour à Rapture et Columbia. D’ailleurs, ils sont dispos sur Switch, je vais peut-être me faire un petit plaisir.  

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