En tant que féministe, j’aime plutôt les dystopies qui parlent de la condition des femmes. Comme La servante écarlate même si j’ai pas encore lu le roman. Quand j’ai lu le résumé de Vox de Christina Dalcher, j’ai pas hésité une seule seconde. Une histoire d’oppression des femmes dans un futur très proche, je dois me pencher dessus !
Les femmes réduites au silence
L’histoire : dans un futur très proche aux Etats-Unis, un groupe fondamentaliste a réussi à faire élire l’un d’entre eux. Les conséquences pour les femmes sont terribles : éjectées du monde du travail, elles sont surtout interdites de parole. Equipées d’un bracelet qui les électrocutent dès qu’elles dépassent les cent mots par jour, elles se contentent d’occuper le rôle de la ménagère, dévouée et mutique. On suit l’histoire de Jean McClellan, neuroscientifique à qui on va proposer un deal terrible : travaille sur un remède contre l’aphasie qui touche le frère du Président. Dans la balance : un travail, un salaire et surtout la fin du bracelet pour elle… et surtout sa fille. Retrouver un semblant de vie en aidant ses pires ennemis ? D’autant que leurs desseins semblent bien plus sombres qu’annoncés.
Une histoire de backlash
Voilà à peu près pour le résumé. On va avoir plusieurs éléments à analyser ici. C’est in fine un roman basé sur le concept du backlash. Qu’est-ce que c’est ? C’est un concept développé par la féministe Susan Falundi qui explique que chaque grande avancée féministe est suivie d’un contre-coup réactionnaire. Ca marche pour toutes les communautés minoritaires mais je ne suis pas là pour vous exposer cette théorie en détail. Dans Vox, Jean nous raconte via des flashbacks la montée en puissance du révérend Carl Corbin, éminence grise du nouveau Président. Alors que sa meilleure amie de fac, Jacquie, ne cesse de la prévenir, Jean ne voit pas l’urgence de la situation. Jusqu’à ce que tout ce que les femmes et les homosexuels avaient gagné soit rayé d’un coup de stylo.
L’acceptation du pire
En fait, ce roman n’est pas tant sur une histoire de société ultra patriarcale mais sur la relative acceptation du peuple d’un régime autoritaire. Durant tout le roman, Jean croise des archétypes : les soutiens acharnés du régime, les victimes résignées comme son mari ou son ex gynéco et… les rebelles. Si Jean est plutôt fâchée contre le système, elle le subit en soupirant que c’est vraiment pas juste. Jusqu’au jour où elle se découvre enceinte… peut-être d’une fille. A partir de là, il devient difficile voire impossible pour Jean de ne pas glisser dans la résistance.
Une histoire de déni
Alors au-delà de l’histoire même, le roman revient régulièrement sur tous les signes que Jean et la plupart des citoyens n’ont pas pris en compte. La fameuse métaphore de la grenouille bouillie qui ne réagit pas si on augmente progressivement la température de l’eau. Mais ce n’est pas que ça. C’est surtout une question de déni. Dans les flashbacks, Jean insiste sur les alertes de Jacquie qui l’appelait à venir manifester, à refuser le moindre pouce de terrain perdu. Jean finit par ne plus suivre son amie, trouvant qu’elle exagère. Comme dirait même son fils qui voit Jacquie en débat à la télé, elle est “hystérique”. Car si Vox parle de langage, les mots sont particulièrement choisis. Traiter une femme d’hystérique n’est jamais gratuit…
Comment les citoyens réagissent ?
C’est ce que j’aime dans ce roman. Ce mélange de déni de la menace qui monte mais qu’on refuse de voir car “non, ça n’arriverait jamais ici, pas chez nous…”. Une mise en scène du backlash mais aussi le réveil. J’en parle souvent mais j’aime voir comment des citoyens un peu résignés lèvent un jour le poing. Par amour souvent, ici maternel. Ca donne toujours un peu d’espoir car on a souvent l’impression qu’on vit tous globalement dans le déni et qu’on a un taux d’acceptation très, très élevé. Après, l’histoire en elle-même est intéressante mais pas tout à fait un incontournable, notamment sur un triangle amoureux un peu nul et résolu de façon très classique. Mais voir les citoyens se positionner sur ce nouveau régime, entre ses aficionados et ses ennemis mortels, ça vaut le détour.