Le genre dystopique n’existe pas

Quand tu aimes les dystopies, tu réalises vite que cette étiquette est collée parfois à tort. Donc le genre dystopique n’existe pas.

Réflexion qui m’est venue lors de la lecture d’un roman dit dystopique que je ne suis même pas sûre de chroniquer ici tant il n’y a rien à en tirer ou si peu. Dans mes chroniques, je parle souvent du genre dystopique, des ingrédients, de ce qu’est ou non, selon moi, une dystopie. Le problème, c’est qu’on n’a pas tous la même définition. Et parfois, on met une étiquette dystopie sur un roman ou un film juste parce qu’il se passe “dans le futur”. Et c’est la douche froide. 

Laius sur le genre dystopique, la Défense un matin de brume

Je m’étais agacée de ça sur le nanar intégral Mother/Android. J’avais même axé toute ma critique sur le fait que cette histoire d’androïde n’apportait rien du tout à l’histoire. Actuellement, je lis un roman choisi car “dystopique”, sauf que… Pas vraiment. Oui, ça se passe dans le futur mais en dehors de ça… Tu pourrais transformer ce roman en roman fantasy en changeant juste le premier chapitre, le reste serait strictement identique. Surtout que plot twist que je n’avais pas vu venir : c’est un roman smut. Pour ceux qui, comme moi, ne connaitraient pas : c’est un roman où deux personnes sexuellement compatibles se rencontrent, ont plein de désir et une fois qu’ils commencent à baiser, ils ne font plus que ça. A partir de là, on s’en fout du reste de l’histoire. Et je vous cache pas que c’est pas ce que j’avais envie de lire. 

smut dystopique

C’est souvent le problème du genre dystopique : c’est plus une toile de fond qu’un noyau d’intrigue. C’est la même pour la fantasy, cf mon paragraphe précédent. La dystopie n’est pas le seul genre à souffrir de ça. Il y a, par exemple, une esthétique dystopique. Prenons le film I’m endless like the space, rangé au rayon dystopie sur Netflix. L’histoire : une fille peu populaire au lycée est un peu larguée dans sa vie. Elle rêve de devenir dessinatrice BD, a une imagination débordante puis tout à coup, fusillade dans le lycée. Mais ça se passe dans le futur, dans des décors brutalistes façon Trepalium ou The Kitchen, certains personnages sont habillés de façon un peu étrange alors…

Brutalisme

Tiens, le lycée, ça rappelle un peu Uglies. Pour le coup, Uglies joue vraiment la carte de la dystopie à fond en nous proposant une nouvelle société avec ses codes et son mode de fonctionnement. Oui, c’est complètement une métaphore de la dure vie des lycéens normcore américains mais y a quand même un bon vernis dystopique. Je valide. Cependant, quand je lis ou regarde une dystopie, qu’est-ce que je cherche ? Une transposition de notre société dans un décor tout en béton avec des skates volants ? Non, je veux penser systèmes, je veux penser fonctionnement de sociétés. Alors oui, on peut me rétorquer, à raison, que le lycée est une société en soi avec sa propre chaîne alimentaire avec, au sommet, la cruelle Prom Queen et sa cour. Obéir ou se faire humilier. Cependant, je suis pas sûre que ça m’intéresse plus que ça, que ça m’offre une quelconque piste de réflexion. Ca ne résonne même pas avec mon propre vécu puisque ma vie dans un lycée français n’était pas pénible alors que j’étais totalement la fille normcore.

Tally et Shay vont au lycée

C’est là que je dis que le genre dystopique n’existe pas en soi car il recouvre trop de réalités disparates. Les dystopies peuvent nous alerter sur les sociétés trop autoritaires ou, au contraire, faussement idylliques. Elles peuvent nous prévenir du danger de l’abrutissement des masses même si, ici, il y a toujours une condescendance qui peut vite devenir agaçante. La dystopie peut aussi servir à nous prévenir des dangers technologiques, notamment des IA qui deviennent intelligentes et tueuses. Après tout, l’Humanité fait un peu de la merde, autant s’en débarrasser. Un nouveau challenger au sommet de la chaîne alimentaire. Les dystopies se reposent même parfois sur des catastrophes écologiques et sanitaires pour effacer notre civilisation existante et nous proposer des proto-civilisations naissant des ruines de notre monde actuel. On peut même avoir plusieurs de ces proto-civilisations dans une seule oeuvre. Les dystopies, enfin, peuvent raconter l’espoir d’une renaissance, d’un renouveau ou, au contraire, le désespoir crasse. En réalité, allez piocher un roman dans le rayon dystopie de votre librairie, vous ne pouvez pas savoir sur quoi vous allez tomber. Je le sais, je fais régulièrement ça avec des fictions sur Netflix ou quand je remplis mon panier de livres électroniques.

Au rayon dystopie

J’avais dit dans mon article sur Dark Angel que l’avantage des dystopies, c’est qu’elle reflètent les préoccupations de leur temps. En l’occurence, le clonage. On a eu droit à quelques fictions là-dessus au début des années 2000 puis ça a été terminé. La dernière fiction avec des clones qui me vient en tête, c’est Orphan Black qui s’est terminée en 2017. On a également eu la mode des “dystopie pour ados” dont le dernier avatar Darkest minds s’est planté au box-office. Depuis quelques années, on a surtout des dystopies autour des dangers de l’IA, version androïde pour l’essentiel, et tout ce qui est maladies et catastrophes écologiques. Les dystopies plus politiques, autour de l’autoritarisme, se font de plus en plus rares. Alors qu’au vu de l’actualité de la vraie vie, il me semble qu’il serait assez urgent de s’y remettre au plus vite. Parce qu’on va pas pouvoir se reposer ad eternam sur l’imagerie de la Servante écarlate pour dire que ça craint. D’autant plus que si j’en crois la répartition genrée des votes aux Etats-Unis et en Allemagne, les femmes semblent plus au courant que les hommes des potentiels dangers fascistes.

Une Américaine déguisée en servante écarlate pour les élections présidentielles.

Bref, il est souvent difficile de définir exactement ce qu’est une dystopie. Souvent, il suffit qu’une intrigue se passe “dans le futur” pour qu’une fiction ait son étiquette “dystopie”. Alors qu’un choix esthétique ne fait pas le fond de l’histoire. On pourrait dire la même chose de pas mal de grands genre comme la science fiction dont la dystopie est censée être un sous-genre, d’ailleurs. Ranger côte à côte des fictions comme 1984 et Idiocracy, Dark City et Ultimate Game. Alors que ces deux derniers ont pourtant un fond commun de résistance face à une oppression et une manipulation divertissante… Ca fait difficilement sens. Et ce indépendamment de mon appréciation d’une oeuvre ou d’une autre. Il faudrait sans doute éclater le genre dystopique en sous-genre plus tranchés… Et, par pitié, arrêter de coller cette étiquette avec des fictions qui n’ont rien à voir juste parce que ça se passe (vaguement) dans le futur. 

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