Paris-Capitale, la dystopie mystico-steampunk

Paris-Capitale imagine Paris sous des airs steampunks. Une uchronie avec plusieurs aspects intéressants même si le héros est imbuvable.

Tout un programme. De temps en temps, en fouillant les ouvrages dystopiques, je tombe sur un sous-genre qui m’est cher : le steampunk. Il y a vraiment deux esthétiques qui me séduisent : les courbes folles de l’art déco et les mécaniques chics du steampunk. Donc quand je tombe sur Paris-Capitale de Feldrik Rivat, je le saisis sans hésitation. Un Paris uchronique résolument steampunk, une dimension mystique et un objet livresque bien travaillé, je prends. 

Paris-Capitale de Feldrik Rivat

L’histoire. Paris, début du XXe siècle. Un Paris uchronique peuplé de tours gigantesques sur le modèle de la Tour Eiffel. Les airs sont peuplés de dirigeables mais aussi de petits singes volants qui font des livraisons. La ville est à moitié noyée par des pluies incessantes pour donner vie à un Paris subaquatique de toute beauté. Au sommet de Paris vivent les Cuprifères, l’ordre dirigeant géré par le Notaire, un homme dont on sait peu de choses. Au sein des Crupifères, chacun porte un masque spécifique pour signifier son rang car le corps n’est pas l’unique vaisseau des plus importants. Le Notaire habite ainsi le corps de Louis Bertillon, son atlas. Or, un soir, la fille de Louis Bertillon, Prune, est kidnappée. Les ravisseurs veulent une rançon : des lingots d’or et la pierre de Nicolas Flamel. Le préfet en chef, Eudes Lacassagne, et son fidèle tigre, mènent l’enquête.

Musclor et son tigre

Paris-Capitale est le troisième livre mettant en scène Eudes Lacassagne. J’avoue ne pas avoir lu les deux premiers mais Paris-Capitale reste un titre à part puisqu’il se passe vingt ans après les deux premiers. Donc je ne vais pas me pencher sur l’enquête policière ici, afin de me concentrer sur ce Paris utopique qui nous propose une société assez fantastique. Dans tous les sens du terme.

Paris fantômatique

Parlons d’abord de ce Paris. Un de mes plaisirs et une de mes frustrations à la lecture de Paris-Capitale, c’est la découverte de ce Paris couvert de hautes tours, les pieds dans l’eau. Et j’aurais adoré avoir un support offrant des visuels de ce Paris. Honnêtement, l’univers de Rivat serait adapté en jeu vidéo en open world, j’achète direct. On pense naturellement à Bioshock pour la partie sous-marine de la ville même si ici, pas de drogue qui fait muter. Quand aux Tours de style Eiffel qui peuplent la capitale, on pense aux Temps ultramodernes ou à Avril et le monde truqué. C’est intéressant, cette obsession uchronique d’un Paris aux multiples tours. Je ne me plains pas, j’adore et j’en redemande.

Paris Steampunk

Mais surtout, ce qui est intéressant mais compliqué, c’est le système administratif, dirons-nous. Pas politique parce qu’apparemment, les Crupifères gèrent et puis c’est comme ça, c’est tout. Il y a certes un Empereur mais à part filer des passe-droits administratifs à Lacassagne, ma foi… Dans l’univers de Privat, les forces mystiques, dites Ténébrales existent, et morts et vivants se côtoient. Ce qui peut être pratique quand on a un message à faire passer aux autorités. On zigouille quelqu’un et hop, lors de la diffusion de l’ultime mémoire des morts, le message est délivré. Petite séquence qui m’a évoqué un passage similaire dans Réminiscence, au passage. Le système en place se révèle cependant particulièrement compliqué. La première scène de messagers courant dans les couloirs des Crupifères avaient des airs de la maison qui rend fou d’Astérix

Bibliothèque steampunk

L’existence de ces énergies ténébrales bouleversent pas mal la donne vis-à-vis de notre réalité. Outre les progrès technologiques insensés, les âmes torturées peuvent semer le trouble. Une entité violente sème la terreur dans les bas-fonds, par exemple. Cet univers possède également un système complexe d’adoption de personnalités de morts via des “doigts”. Ainsi Lacassagne possède de nombreux doigts, lui permettant d’adopter une personnalité adaptée à sa situation. Une bagarre ? Il devient général de l’armée. Un blessé ? Il endosse la personnalité d’un chirurgien… Oui, cet élément m’a clairement fait penser à Sense8, notamment quand Lacassagne change de personnalité au cours d’une bagarre. 

Un détective steampunk

Autre point que l’on a croisé des dizaines de fois dans les dystopies : l’immortalité. Le notaire est mort mais toujours en activité car il squatte un corps qui n’est pas le sien. Ces corps, loués sous condition à certaines personnes, s’appellent des Atlas. Une âme intégrée dans un autre corps : Altered Carbon, le Neuromancien. Une personne qui loue son corps à un défunt : Another End. Rivat nous met ici un point sociétal puisque le “petit peuple” est un peu contrarié que seuls les membres éminents du pouvoir et leurs relatifs aient le droit à ne plus subir la mort. Pour les autres, on est priés de recueillir l’âme du défunt dans un disque en céramique pour éviter que les défunts continuent de se balader dans Paris et dérangent les vivants. Chaque mémoire du mort est collectée comme des archives dans lesquelles la police peut naviguer pour trouver des indices dans des enquêtes. A noter que les mémoires des morts sont analysées par des mediums plongés dans de l’eau froide pour entrer en transe. Oh, tiens, un peu comme dans Minority Report.

Minority report

Bref, un pouvoir omnipotent qui semble vaciller sur ses bases au fur et à mesure de l’avancée de l’enquête, une ville défigurée par un bouleversement climatique, une technologie mystique maîtrisée mais potentiellement dangereuse. Oui, on a pas mal d’ingrédients de dystopies, évoluant dans un décorum steampunk qui plaît au genre. Pour le reste, j’avoue que l’histoire ne m’a pas emballée. Déjà parce que ce tome étant semi-indépendant des deux premiers romans, certains personnages poppaient un peu sans que je comprenne de qui il s’agissait alors qu’ils étaient bien présents dans les deux précédents ouvrages. Genre Clémence, la mère de Prune, ou Goron, un ancien journaliste devenu enquêteur. Déjà que le roman est assez confus avec un nombre important de personnages nommés, le fait de sentir qu’un personnage est important sans que l’action n’illustre son importance. Ah oui, ok, c’était une référence aux romans d’avant.

Le Paris de Avril et le monde truqué

Autre point qui m’a pas mal fait lever les yeux au ciel : le caractère super-héroïque de Lacassagne, dit “le Khan”. Avec ses personnalités multiples et ses dons ultra-sensoriels, ils sait tout, il découvre tout, il est imbattable. Et un sacré connard parce que son génie le place tellement au-dessus des Humains normaux qu’il passe son temps à les agresser et rabrouer.  Oui, on a bien compris le côté lourdingue de l’administration mais pourquoi toujours nous proposer un personnage “passionné donc odieux” en guise de héros ? J’ai vraiment trouvé ce personnage détestable et ses atermoiements ne m’ont qu’agacée. Ajoutons enfin un style d’écriture particulièrement ampoulé qui flirtait parfois avec le charabia. Déjà que l’univers est compliqué à saisir, parfois, ça m’a perdue.

Paris inondé

Bref, Paris-Capitale nous offre une peinture d’un Paris uchronique très séduisante dans laquelle j’ai vraiment eu plaisir à me balader. J’aurais cependant aimé que mon guide soit une personnalité un peu plus affable, un peu moins super-héroïque. Mais Paris-Capitale reste un cas intéressant d’une dystopie avec une belle ville en son coeur. D’ailleurs, semaine prochaine, on va beaucoup parler de villes imaginaires incroyables.

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