La semaine dernière, je vous parlais du Reich de la Lune, une uchronie à base de nazis sur la Lune. Surprise, ce roman était en fait une sorte de spin-off du film Iron sky, sorti en 2012. Naturellement, après la lecture du roman, j’ai voulu me plonger dans le film. Et si l’histoire reste rigoureusement la même, le parti pris principal est différent. Une nouvelle illustration du fait qu’une même histoire peut être racontée de mille façons différentes selon ce que l’on veut mettre en lumière.

Invasion spatiale nazie en vue
L’histoire. Peu ou prou la même : un équipage américain débarque sur la Lune et découvre l’usine d’extraction d’Helium 3 des nazis. L’astronaute est tué et James, mannequin noir, est fait prisonnier. En tant que spécialiste de la Terre, la professeure Renate Richter doit soutirer des informations au captif. Le fiancé de Renate, Klaus, décidé d’aller sur la Terre. Officiellement pour récupérer la puissance de calcul, aka des smartphones, pour mettre la touche finale à l’arme ultime, Le crépuscule des Dieux. Officieusement, il entend doubler le Führer de la Lune pour devenir le nouveau Führer de la Terre. Renate le suit clandestinement. Une fois sur Terre, elle va découvrir que tout ce qu’on lui a appris depuis la naissance est un mensonge.

Une Renate plus plate
On part donc bien du même synopsis avec Renate en personnage principal. Cependant, dans Iron sky, on va perdre pas mal de nuances sur ce personnage. Déjà, elle est désormais totalement dépouillée de sa dimension bisexuelle. Alors que dans le livre, elle tombe très amoureuse de Vivian, la directrice communication de la Présidente des États-Unis, dans Iron sky, elles ne se calculent juste pas. Et Renate finit dans les bras de James. Parce que dans les années 90, le héros chope toujours l’héroïne, un peu comme dans Running man. J’ai vraiment eu cette même sensation de scène de baiser qui sort de nulle part. Ah et oui, le film est de 2012 donc… pourquoi ?

Des personnages nettement moins subtils
Côté personnage, on perd de la nuance sur Renate, donc. Elle semble très placide vis-à-vis de ses fiançailles avec Klaus. Alors que dans le roman, elle fait tout pour échouer à leur test de compatibilité. Le personnage de sa mère n’existe pas bon plus. Quant à son père, il existe bien dans le film, elle dit très clairement qu’elle est sa fille à James mais je n’ai aucun souvenir de les avoir vus interagir ensemble. Bref, Renate reste un personnage assez fort mais elle est beaucoup plus binaire. “Je suis une nazie convaincue, je réalise qu’on m’a raconté des mensonges, je deviens anti-nazie”. Côté subtilité, on perd aussi énormément côté James. Alors ici, je suis peut-être victime de mes projections. Mais en gros, on me dit que James est mannequin donc j’ai imaginé un gars qui ressemblait à Tyson Beckford. Pas un mec avec une vieille moustache qui se prend pour une caricature ratée d’Eddy Murphy. Alors sur ce point, c’est peut-être la VF. Mais perso, je serais retenue prisonnière par des nazis sur la Lune, j’irais mollo sur les vannes. Et que dire de Vivian qui me paraissait intelligente, forte et badass dans le roman ? Là, elle n’est plus qu’une nympho aussi cramée que la Présidente ?

Et Sarah Palin dans le rôle de la Présidente
Ah, la Présidente des Etats-Unis, parlons-en. A peine présente dans le roman, elle prend ici une place plus importante. Je pourrais résumer ce personnage à “Meryl Streep dans Don’t Look up avant l’heure”. Sauf qu’en limitant ce personnage à ça, je passe à côté de toute la dimension politique de cette uchronie. Car cette Présidente ressemble tellement physiquement à une figure politique de cette époque que le film ne s’est pas donné la peine de lui donner un nom. Ce personnage est une caricature totalement assumée de Sarah Palin, colistière de John McCain lors de l’élection américaine de 2008. On l’a un peu oubliée mais à l’époque, elle défrayait pas mal la chronique avec ses prises de position très conservatrices et ses quelques mensonges. Iron sky nous propose donc un futur (2018) où elle serait désormais Présidente. Elle reprend le slogan d’Obama pour le détourner en “Yes I can” et épousant les discours galvanisateurs des nazis.

Une satire politique humoristique
Car sous couvert de comédie un peu délirante, Iron sky est une satire politique. Alors que le roman me paraissait être l’histoire d’un endoctrinement sectaire, Iron sky nous parle d’un monde prêt à s’entre-déchirer. Lorsque les nazis attaquent, la Présidente exulte “ah, c’est bon, j’ai ma guerre, je vais être réélue”. Elle envoie dans l’espace le vaisseau “George W. Bush” faire la guerre spatiale. Le film débute par une situation géopolitique tendue. Les Américains sont accusés d’utiliser le voyage sur la Lune de James pour chercher discrètement l’Helium 3 et s’en emparer. D’ailleurs, la découverte des réserves d’Helium 3 des nazis en fin de film précipitera une nouvelle guerre mondiale, violente, totale et fulgurante.

Un petit film qui a ses qualités
Iron sky n’est certes pas un chef d’oeuvre mais il a, pour moi, plusieurs qualités. D’abord en tant qu’objet filmique avec quelques plans inspirés. Notamment celui où un nazi tire sur l’astronaute ou encore le discours de Renate dans le bureau de la Présidente avec Klaus, en fond, posant fièrement à côté d’un loup, illustrant sa nature prédatrice. Ah oui, pour le coup, Klaus est très bien réussi dans le film. Quelques parodies, notamment la fameuse scène de “La chute” avec une Vivian demandant aux sous-fifres de quitter son bureau avant qu’elle n’explose de colère. La scène de bagarre entre les dirigeants des différents pays vers la fin du film est vraiment drôle. Tout comme la vanne des Coréens du Nord qui revendiquent l’attaque des nazis avant que tout le monde ne leur rit au nez. Car c’est là une autre qualité de Iron sky : c’est une photographie politique de son temps.

Un film de l’époque où la plus grande menace, c’était Sarah Palin
Je répète régulièrement que j’aime les dystopies, uchronies, utopies… car elles sont toujours le reflet de leur époque. Quand le film sort en 2012, le dernier trauma américain était Sarah Palin. Je me souviens qu’en 2008, on se disait “mais si McCain est élu et qu’il meurt en cours de mandat, ce sera elle la Présidente” et ça nous terrifiait. C’était plausible car McCain était déjà bien âgé. Fun fact, il est mort en 2018, l’année où est censé se dérouler le film. Bien sûr, depuis, on a eu Trump et finalement, Palin aurait-elle été pire ? Quoi que si vous vous lancez dans un jeu des 7 différences entre Palin et Vance, actuel VP de Trump, vous risquez de galérer.

Pas si nanar
Bref, j’ai lancé Iron sky en pensant me trouver face à un nanar un peu nul mais en vrai, je l’ai trouvé très sympa. Pas le film de l’année mais il y a de bonnes idées, des personnages sympathiques et franchement, si vous avez envie d’un film léger cet été, je recommande. D’autant plus que, 13 ans plus tard, il me paraît plus d’actualité que jamais. Pas par rapport à des nazis sur la Lune mais rapport à la médiocrité de nos dirigeants.